Le malentendu : tentative de philosophie collective

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Euthyphron
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Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Euthyphron »

Ce message fait suite à une demande de Madeleine, me suggérant de lancer une réflexion sur le malentendu en mode philosophique.
Or, il est amusant de constater que cette demande est un exemple de situation à risque maximal de malentendu. Lorsque A (Madeleine) demande à B (Euthyphron) s'il veut bien faire x, alors que l'un des intérêts de la chose est que justement on n'est pas trop sûr de savoir ce que x signifie, il se peut que B, plein de bonne volonté, fasse tout autre chose que ce que A espérait.
C'est pourquoi je voudrais commencer en dissipant les malentendus potentiels. Lancer une réflexion philosophique, ce n'est certainement pas dire ce qu'est la vérité sur le sujet selon les philosophes. A la rigueur, dire la vérité dans la faible mesure où je la connais je veux bien, mais "selon les philosophes" pour moi ça ne veut rien dire. La philosophie n'est pas une science, et il n'y a nulle instance capable de dire ce qu'est la position de "la philosophie", quel que soit le sujet.
Ce n'est pas non plus dire ce qu'est la vérité selon tel ou tel philosophe particulier, ni même selon moi. Si je procédais ainsi, je n'aurais pas du tout le sentiment d'avoir initié une recherche philosophique, mais d'avoir présenté un produit fini, offert à l'approbation où à la critique. Une telle activité est certainement respectable, mais d'une part il ne me semble pas que cela corresponde à la demande de Madeleine, et d'autre part je n'ai pas envie de le faire, car il se trouve que je n'ai rien à dire qui me paraisse important sur le sujet. Si on me torture pour que je parle, j'imagine peut-être dans quelle direction je souhaiterais aller, mais ce n'est même pas sûr.
Alors, comment commencer une réflexion philosophique? Comme on veut, à vrai dire. Néanmoins, il y a une condition.
Cette condition, c'est une certaine insatisfaction. Je veux dire que lorsque l'on est satisfait de ce que l'on pense sur un sujet il n'y aucune raison d'y réfléchir. Ce qui suscite la réflexion, c'est qu'un problème a surgi, une raison valable de ne pas se contenter de ce que l'on penserait spontanément.
Que penser spontanément du malentendu? Il est tentant de se dire que le malentendu vient de ce que l'on ne s'est pas suffisamment expliqué, et donc qu'on peut toujours y échapper, pourvu qu'on prenne le temps du dialogue; bref, de faire du malentendu la conséquence d'une faute, même légère, et de prendre la résolution de l'éviter ou de le corriger. Voilà ce que j'appellerais l'hypothèse rassurante de base.
Y a-t-il des raisons de ne pas se satisfaire de cela?

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Mercador
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Mercador »

De ce que je comprends du "malentendu". Je vais l'expliquer avec une analogie bancale mais bon...

Dans mon domaine (informatique), des entités (concepts, objets, peu importe) parlent avec d'autres entités. Que ce soit par appel de méthode, paramètres, messages SOAP/REST, etc. Si on utilise pas le même "contrat", une entité ne comprendra pas une autre. Si le contrat est très similaire, ça peut amener des effets de bord incroyablement dévastateurs.

Dans le domaine humain, j'ai l'impression que c'est la même chose. Dans une société, il y a des normes et des conventions que la plupart des gens respectent, ce qui, du coup, permet le cheminement de la dite société. Ce sont des règles non écrites, apprises lors de l'enfance, de l'adolescence et ainsi de suite. C'est beaucoup d'essais et erreurs. La grande majorité du temps, les gens comprennent la même chose mais il arrive parfois que le message ne veut pas dire la même chose, ou qu'il est énoncé au second degré. Si le récepteur du message voit le message au premier degré et l'émetteur au second degré, bang, malentendu.

C'est un exemple parmi d'autres mais c'est ce que j'ai remarqué souvent dans ma vie.

De ce que j'en comprends du problème HPI jusqu'à maintenant, c'est que le mode de fonctionnement cérébral n'est pas le même. Du coup, les gens HPI ont dû apprendre à s'adapter pour dialoguer avec les non-HPI. C'est justement grâce à leur intelligence qu'ils ont réussi à franchir le mur de deux fonctionnements cérébraux différents. Là où d'autres ni arriveront pas (on peut peut-être tomber dans les problèmes du spectre autiste ?), les HPI ont réussi à trouver un moyen de dialoguer mais ce n'est peut-être pas encore parfait, ce qui peut amener à de curieux malentendus et peut-être, du même coup, l'effet de décalage que bon nombre de HPI ressentent par rapport au reste de la population.

Je ne sais pas si je suis en adéquation avec le message d'origine, sinon gênez-vous pas pour effacer mon message :)

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madeleine
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par madeleine »

Euthyphron a écrit :Alors, comment commencer une réflexion philosophique? Comme on veut, à vrai dire. Néanmoins, il y a une condition.
Cette condition, c'est une certaine insatisfaction. Je veux dire que lorsque l'on est satisfait de ce que l'on pense sur un sujet il n'y aucune raison d'y réfléchir. Ce qui suscite la réflexion, c'est qu'un problème a surgi, une raison valable de ne pas se contenter de ce que l'on penserait spontanément.
Que penser spontanément du malentendu? Il est tentant de se dire que le malentendu vient de ce que l'on ne s'est pas suffisamment expliqué, et donc qu'on peut toujours y échapper, pourvu qu'on prenne le temps du dialogue; bref, de faire du malentendu la conséquence d'une faute, même légère, et de prendre la résolution de l'éviter ou de le corriger. Voilà ce que j'appellerais l'hypothèse rassurante de base.
Y a-t-il des raisons de ne pas se satisfaire de cela?
Merci , voilà l'entrée en matière qui me convient : ai-je ou n'ai-je pas de problème avec cette notion de malentendu ?
Mon souci avec cette notion, c'est que
- ou bien le malentendu peut se résoudre par la bonne volonté, et ne serait qu'une forme de distraction, d'imprécision mécanique ;
-ou bien le malentendu est le propre du langage verbal humain, dans la mesure où chacun a une variante personnelle des mots et de leurs liaisons selon sa construction de vie, et on ne peut arriver au mieux qu'à une sorte de compromis à jamais insatisfaisant.
Et je me demande de quels outils nous disposons pour nous faire une idée à ce sujet, sans mise en abîme de la question ?
le chemin est long et la pente est rude, oui, mais le mieux, c'est le chemin, parce que l'arrivée, c'est la même pour tout le monde... Aooouuuh yeaah...
avec l'aimable autorisation de P.Kirool

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Fabs le vaurien »

Travaillant auprès d'enfants déficients intellectuels, donc avec un accès à l'abstraction plus ou moins laborieux, je suis quotidiennement confronté aux erreurs d'interprétations,de compréhension..
Pour autant qui est responsable lorsqu'on ne se comprends pas?
Moi parceque je ne m'adapte pas à eux, ou eux parcequ'ils sont initialement structurés pour ne pas comprendre?
Euthyphron a écrit : faire du malentendu la conséquence d'une faute, même légère, et de prendre la résolution de l'éviter ou de le corriger.
Ou le malentendu est lui même la faute, conséquence d'un postulat peu contextualisé, circonstancié, temporellement positionné etc..en fonction de sa place, des enjeux relationnels. Dès lors que chacun accueille une information au gré de ses filtres et dispositions cognitives, n'importe quel échange donne lieu à un malentendu potentiel, et ce, à des degrés différents en termes de dégats inter-relationnels.

Agir collectif, au même titre que tenter de co-philosopher revient surtout à faire l'effort de limiter l'inévitable casse et ses eclaboussures..

La voix raisonnable pour éviter le malentendu semble donc de se taire.
Tout le monde peut se mettre en colère. Mais il est difficile de se mettre en colère pour des motifs valables et contre qui le mérite, au moment et durant le temps voulus. (Aristote, Ethique à Nicomaque).

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par sandrinef »

Sauf que le silence peut lui aussi engendrer le malentendu...
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Fabs le vaurien
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Fabs le vaurien »

Si tout le monde est silencieux..il peut y avoir malentendu mais comme personne n'exprimera ce qu'il ressent, personne ne saura vraiment si malentendu il y a lieu d'y avoir. Donc en terme de probabilité, le silence crée davantage une interrogation, un doute qu un malentendu! Non?
Tout le monde peut se mettre en colère. Mais il est difficile de se mettre en colère pour des motifs valables et contre qui le mérite, au moment et durant le temps voulus. (Aristote, Ethique à Nicomaque).

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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

Euthyphron a écrit : [...]
Que penser spontanément du malentendu? Il est tentant de se dire que le malentendu vient de ce que l'on ne s'est pas suffisamment expliqué, et donc qu'on peut toujours y échapper, pourvu qu'on prenne le temps du dialogue; bref, de faire du malentendu la conséquence d'une faute, même légère, et de prendre la résolution de l'éviter ou de le corriger. Voilà ce que j'appellerais l'hypothèse rassurante de base.
Y a-t-il des raisons de ne pas se satisfaire de cela?
Bonsoir ici,

Ben déjà, on pourrait envisager la réciproque: que ce soit le malentendu qui rende difficile l'explication. Deux personnes qui sont dans le malentendu n'ont pas nécessairement de raison de chercher à le dissiper et en plus, elles peuvent y avoir été mises et y rester à l'insu de leur plein gré.

Un problème tout de même: qui décide qu'il y a un malentendu et pourquoi le proclamer ? Si deux personnes sont engagées dans un malentendu qui marche très bien - un couple par exemple-, c'est pas forcément un cadeau d'aller le leur révéler.
D'un autre point de vue, ce pourrait bien être le seul cadeau...

Une autre question, ça serait de savoir si une fois son nom prononcé, le malentendu s'évacuerait - tel Dracula en pleine lumière - par la bonne volonté et les mots justes. Je n'en suis pas certain.

Plus inquiétant: est-ce que des gens entreprendraient de si grandes choses sans quelque malentendu ? Est-ce que les votants iraient encore voter par exemple ? Et pour( )quoi ? Et pour qui ?

( Pour aborder la question de Madeleine, je vois deux auteurs chez qui on peut trouver de l'outillage mental: Sartre et Lacan )
Pas sûr que c'était un WISC !

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Euthyphron
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Euthyphron »

Est-ce que j'ai bien saisi ta pensée, samnja, si je dis que d'après toi il ne faudrait pas faire du malentendu un simple accident de la communication, mais quelque chose qui lui serait essentiel?
Avant toi, sandrinef avance l'idée que le silence peut générer des malentendus, ce que n'admet pas fabs. Or, si la position de ce dernier semble la plus rigoureuse, puisqu'elle distingue le malentendu du simple doute, je peux témoigner cependant en faveur de sandrinef (reste à voir si je n'interprète pas mal l'expérience).
En effet, j'appartiens à une génération qui a connu l'inexistence du téléphone mobile. A cette époque, nous guettions avec anxiété l'arrivée du facteur pour savoir s'il y avait une lettre de la personne aimée. Et fréquemment nous interprétions le silence. Combien de scénarios construits autour de silences! tout ça à cause de la poste italienne! Je suppose que des histoires de ce genre existent encore; mais il est vrai qu'elles étaient grandement favorisées par l'impossibilité de se joindre.
Du coup il me semble qu'on peut se demander si le malentendu ne provient pas de la multiplicité des signes. Tout est signe, non seulement les paroles échangées, les serments prononcés, les ordres donnés, mais aussi le ton de la voix, la posture du corps, l'absence de smiley, etc. Tout s'offre à interprétation, y compris les interprétations elles-mêmes, et cela peut donner le vertige.
Cependant je ne crois pas que ma bonne grosse hypothèse rassurante de base soit totalement invalidée. Ne peut-on en effet pas restreindre son appétit d'interprétation, et ne pas se prononcer au-delà de ce qui peut être précisément dit? Ne faut-il pas distinguer le malentendu, qui implique une erreur d'interprétation, du simple flou? (je rejoins ici fabs).
Il y aurait alors trois situations possibles : j'ai bien compris ce que x veut, j'ai mal compris ce que x veut (et il faudra que l'on s'explique), je ne prétends pas comprendre ce que x veut. Ce serait la nouvelle version de mon hypothèse de base.
Pour nous aider à comprendre, pourrais-tu préciser où est le malentendu concernant les élections?

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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

Pour le moment, je n'arrive pas à dégager une définition du malentendu qui soit claire. Ou alors, et encore, c'est en me bornant à en faire un accident de communication et il me semble alors que j'en rate quelque chose.

Je ressens une nette différence entre le fait de mal comprendre ce que dit l'autre où d'être mal compris - ce qui peut donner lieu à un malentendu "local" -, et un malentendu "global" qui décide de la communication et relève de son cadre que j'appelle aussi malentendu. C'est le même mot mais appliqué à des niveaux différents.

Les deux peuvent s'objectiver en terme de communication par une méta-communication, mais se borner à cette approche me semble effacer tout un pan subjectif - qui peut se développer à partir du malentendu simple et qui est essentiel au malentendu global.
Euthyphron a écrit :Est-ce que j'ai bien saisi ta pensée, samnja, si je dis que d'après toi il ne faudrait pas faire du malentendu un simple accident de la communication, mais quelque chose qui lui serait essentiel?
Je n'avais pas employé le mot "communication" et j'hésite sur le mot "essentiel". Je ne pense pas que le malentendu soit essentiel à toute communication mais qu'il est souvent inévitable du fait de logiques différente des mondes en présence. Il y a bien sûr le cas où deux personnes attendent chacune de l'autre un impossible différent dont aucune des deux n'a peut-être (clairement) conscience et qui peut être le moteur de leur relation ou de leur rapport. Ex: le malentendu en psychanalyse.

Il peut néanmoins y avoir des discussions faiblement lestées en malentendu - comme la terre est localement plate - dans certains domaines et quand les gens sont au courant de cette difficulté. Evidemment, c'est quand quelqu'un, souvent un observateur externe, décide de recoller les platitudes sur une durée suffisamment longue qu'on se rend compte alors de courbures prononcées.
Euthyphron a écrit :Avant toi, sandrinef avance l'idée que le silence peut générer des malentendus, ce que n'admet pas fabs. Or, si la position de ce dernier semble la plus rigoureuse, puisqu'elle distingue le malentendu du simple doute, je peux témoigner cependant en faveur de sandrinef (reste à voir si je n'interprète pas mal l'expérience).
En effet, j'appartiens à une génération qui a connu l'inexistence du téléphone mobile. A cette époque, nous guettions avec anxiété l'arrivée du facteur pour savoir s'il y avait une lettre de la personne aimée. Et fréquemment nous interprétions le silence. Combien de scénarios construits autour de silences! tout ça à cause de la poste italienne! Je suppose que des histoires de ce genre existent encore; mais il est vrai qu'elles étaient grandement favorisées par l'impossibilité de se joindre.
Je trouve cet exemple bien choisi déjà parce qu'il touche au cadre de la communication. Néanmoins, ce n'est pas parce qu'on ne reçoit pas une lettre qu'on doit fabriquer soi-même du silence pour interpréter la non-réception comme une ponctuation éventuellement définitive.
Bien je n'aie jamais attendu une lettre de Barak Obama, ce n'est surement pas parce qu'il aurait décidé de ne pas m'écrire. Il n'a rien décidé du tout et je n'attends rien de lui. Cette remarque idiote pour dire que ce qui me semble essentiel au malentendu, c'est d'attendre quelque chose de quelqu'un. Pour éviter à coup sûr le malentendu, ce n'est pas le silence qu'il faut garder - c'est souvent trop tard -, mais il faut n'avoir jamais rien attendu de quelqu'un et que l'autre soit d'accord sans même le savoir. Le mieux étant encore d'ignorer son existence et qu'il ignore la mienne.
Euthyphron a écrit :Du coup il me semble qu'on peut se demander si le malentendu ne provient pas de la multiplicité des signes. Tout est signe, non seulement les paroles échangées, les serments prononcés, les ordres donnés, mais aussi le ton de la voix, la posture du corps, l'absence de smiley, etc. Tout s'offre à interprétation, y compris les interprétations elles-mêmes, et cela peut donner le vertige. Cependant je ne crois pas que ma bonne grosse hypothèse rassurante de base soit totalement invalidée. Ne peut-on en effet pas restreindre son appétit d'interprétation, et ne pas se prononcer au-delà de ce qui peut être précisément dit?
Ce serait une sorte de sagesse intégriste car nous avons malheureusement un cerveau qui est une fontaine jaillissante d'interprétations et de certitudes potentielles qu'il est difficile d'ignorer et dont certaines sont très prégnantes. En pratique, se refuser à interpréter certains signes peu fiables venant de l'autre et ne pas réagir est non seulement de la mauvaise foi, mais risque en plus d'être interprété comme un assourdissant silence.

La version inverse, consistant à demander des explications pour tout afin de ne rien rater ne semble guère plus heureuse. D'autant qu'une énorme partie de la communication reste non verbale y compris dans ses ponctuations pour tenter de passer au niveau méta en cas de soucis.
Euthyphron a écrit :Ne faut-il pas distinguer le malentendu, qui implique une erreur d'interprétation, du simple flou? (je rejoins ici fabs). Il y aurait alors trois situations possibles : j'ai bien compris ce que x veut, j'ai mal compris ce que x veut (et il faudra que l'on s'explique), je ne prétends pas comprendre ce que x veut. Ce serait la nouvelle version de mon hypothèse de base.
Ce qui n'implique pas que x sera content de ne pas être compris (par exemple) même s'il ne l'avait pas demandé... et encore moins s'il a le sentiment de l'être plus qu'il ne l'anticipait en apprenant de ce fait sur lui ce qu'il eût préféré ignorer.
Là, je me demande si le malentendu peut se limiter à "je" et à "tu" en dehors du malentendu simple; s'il ne réclame pas un "nous" ( du moins quelqu'un qui en décide ) pour produire un vrai beau malentendu. Il y a je, tu, nous, leurs mondes et la poste italienne.
Une remarque: un "nous" tombé dans la matérialité d'un mariage et qui finit par se réduire à ça ( les traites de la maison, changer les pneus, etc ) peut entrainer ses je et tu dans certains malentendus d'origine largement externe: "Je te voulais autre chose et c'est tout ce nous restons à vouloir pour moi".

D'autre part, un rapport entre humains qui ne se borne pas à une seule relation technique me semble supposer d'imaginer des intentions à partir des actes ou des actions de l'autre - sauf à avoir l'idée de constituer l'autre en zombie ( c'est à la mode) - et de les bricoler pour son propre projet.
Euthyphron a écrit :Pour nous aider à comprendre, pourrais-tu préciser où est le malentendu concernant les élections?
Pour le moment, je peux juste donner quelques exemples ayant un air de famille:

- La différence des mondes entre les électeurs et leurs représentants ( cf. la socio du parlement) avec comme exemple concret le président Hollande riant de ses sujets pauvres, les "sans-dent" en (sa seule) compagnie de ceux qui ne craignent pas non plus de montrer les leurs.
- L'espoir d'électeurs que leurs élus tiendront des promesses qu'ils ne veulent pas voir impossibles ni se rendre compte que c'est eux qui s(er)ont tenus par ces promesses qui n'engagent que ceux qui y croient ( les gens étant portés à justifier les affronts dont ils ne se vengent pas).
- L'ignorance que la liberté de tirer une carte forcée n'est pas seulement l'exercice d'un pouvoir qui disparait juste après mais un élément clé d'une soumission librement consentie.
- Etc.
( ceci dit, je ne suis pas certain que partir d'exemples politiques soit durablement idéal pour la sérénité de la discussion)

Bon, tout ça est un peu pointilliste... Ca serait bien d'élaguer, préciser et relier.
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

Il y a aussi le bien-entendu: celui de l'observateur.

[BBvideo 425,350]http://www.youtube.com/watch?v=_GIB00b_dOU[/BBvideo]
(Les paroles sont accessibles en dessous de la video)
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chapati
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par chapati »

Complètement d'accord avec l'intervention de Samjna (sauf malentendu, of course :think: ).

Je reviens sur deux points.

D'abord sur l'intervention du "on" ou du "nous".
Je voudrais dire un mot du "nous" employé par le "je". Et ce à propos d'un comportement où il est question de diviser le monde entre "nous"... et tel ou tel "autre" qu'il s'agirait de dénigrer (et ce en parlant justement au nom d'un "nous" justificateur). A ce moment est introduite une notion qui n'est pas à proprement parler au coeur de notre thème, mais qu'il convient néanmoins de rappeler, tant elle est souvent liée au malentendu : celle d'une certaine mauvaise foi, plus ou moins consciente, et qui moins elle le sera plus elle aura à faire avec un rapport non pensé à la normalité, voire aux normes. Il y a donc déjà à ce simple niveau (peu conscient) un rapport, une prédisposition au malentendu, proprement individuel.

Deuxième point, sur la "communication" (et afin aussi de clarifier ma position sur un autre fil).
Tout comme Samjna, je ne pense pas non plus que "le malentendu soit essentiel à toute communication", mais suis persuadé que par contre qu'il l'est en matière de philosophie, et ce dès qu'on croit donc discuter sur les questions dites "essentielles" d'une certaine philo très traditionnelle, trop à mon goût. Ainsi certains pensent par exemple à partir de l'amour ou de la souffrance quand d'autres considèrent que ces types de concepts sont devenus bien trop insuffisants parce que trop subjectifs (j'ai développé ça ici : http://adulte-surdoue.fr/philosophie/ph ... ml#p208656

J'en profite au passage pour m'inscrire en faux quant à l'idée qu'il existerait UN mode philosophique de penser (il y en a bien entendu plusieurs).

Mais bref, l'essentiel est de dire et répéter qu'une philosophie qui passerait par la communication serait juste une catastrophe, la communication passant elle par le sens commun, soit ce qui consiste justement à s'entendre sur des définitions soit-disant incontournables... alors que déjà imbibées de préjugés par l'usage quotidien du langage.
C'est comme si l'on commençait par tout définir avant que de penser, alors que justement la philo se doit de s'interroger sans cesse sur ces définitions qui ne sont que des repères et non des outils de pensée immuables.
... et le problème, c'est qu'avec la mondialisation (des esprits), on dirait qu'on va tout droit vers cette philosophie de la communication !

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par arizona »

Euthyphron a écrit :Elles étaient grandement favorisées par l'impossibilité de se joindre. ( les histoires inventées )
( enfin un quote à ma sauce, je me permets.)

J'aime bien cette phrase, est-elle innocente, ou déposée avec intention, je ne sais, mais je me demande si ce n'est pas cela, le malentendu, justement. C'est l'impossibilité de se joindre, l'impossibilité de s'entendre. Dans le sens s'accorder.
Si je ne peux sentir, ressentir, humer, frémir, déceler, et tout cela avec mes sens, alors je ne peux entendre...
Peut-être est-ce cela, le malentendu. Ne pas savoir se rejoindre.

Mais je me demande aussi, si le malentendu ne vient pas du fait que l'on écoute pas. Si l'on écoute pas, comment peut-on entendre ?
( Et le silence aussi, s'écoute. Pas seulement les paroles ).
Si nous n'étions pas d'ici, nous serions l'infini.
D'une chanson.

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Euthyphron »

samjna a écrit :Bon, tout ça est un peu pointilliste... Ca serait bien d'élaguer, préciser et relier.
Je ne sais pas si c'est de moi que tu attends élagage, précisions et liaisons (toujours la même mise en abîme, la peur d'un malentendu dans une discussion sur le malentendu), mais je trouve ton message très riche, et j'ai envie en effet de reprendre les questions qui s'y trouvent.
Il me semble qu'il y a deux grands axes qui se dégagent, selon qu'on s'intéresse en priorité aux personnes aux prises avec le malentendu ou bien au contraire si on les laisse un peu de côté pour rechercher ce qui dans le langage ou dans les pratiques sociales crée de l'équivoque.
Le deuxième axe me semble plus austère (ce qui ne veut pas dire sans intérêt) et attend une réflexion sur les différentes espèces de signes et leur relation à ce qu'ils signifient.
Le premier a l'avantage d'être plus abordable. Je trouve que tu as dit l'essentiel ici
samjna a écrit :ce qui me semble essentiel au malentendu, c'est d'attendre quelque chose de quelqu'un. Pour éviter à coup sûr le malentendu, ce n'est pas le silence qu'il faut garder - c'est souvent trop tard -, mais il faut n'avoir jamais rien attendu de quelqu'un et que l'autre soit d'accord sans même le savoir. Le mieux étant encore d'ignorer son existence et qu'il ignore la mienne.
Et je trouve que cela gagne à être rapproché de ce que dit Arizona. Il y a malentendu quand A attend quelque chose de B mais ne parvient pas à se faire comprendre, quand A et B n'arrivent pas à se joindre. Mais cela ne viendrait-il pas de ce que A lui-même ne sait pas exactement ce qu'il attend de B?
Car j'en reviens à "ma" sagesse que tu appelles plaisamment intégriste. En fait, plus la réflexion avance et plus en effet j'ai envie de défendre cette sagesse de rustre. Ne rien attendre de personne, sauf si on peut lui dire clairement quoi, et si on peut le laisser libre de refuser (nouvelle formulation de l'hypothèse de base). Et rire des situations de quiproquo qui se produisent quand même inévitablement. Cela ne me paraît pas si mal.
Bien sûr, c'était à prévoir, je n'ai finalement ni élagué ni précisé ni relié, juste apporté ma petite sauce. Mais on peut continuer!

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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

Euthyphron a écrit :Je ne sais pas si c'est de moi que tu attends élagage, précisions et liaisons (toujours la même mise en abîme, la peur d'un malentendu dans une discussion sur le malentendu)
Je ne pense pas que la situation prête plus qu'une autre au malentendu (nous avons sa bénédiction). Madeleine désirait savoir ce qu'il en est du malentendu philosophique. Elle l'a voulu en te demandant d'ouvrir ce post et tu l'as voulu toi-même. Et puis vinrent les participants qui voulurent.
Par contre, je remarque que je ne sais rien des intentions des participants même si je ne doute pas de leur bonne volonté. Resterait à savoir ce que pense Madeleine de l'esquisse...

Et oui, bien sûr, n'hésite pas à suggérer, y compris élagage, précision, etc comme tous les autres participants. Je n'ai pas du tout les idées claires ni organisées et je ne tiens pas forcément à tous les points que j'avance.
Euthyphron a écrit :Il me semble qu'il y a deux grands axes qui se dégagent, selon qu'on s'intéresse en priorité aux personnes aux prises avec le malentendu ou bien au contraire si on les laisse un peu de côté pour rechercher ce qui dans le langage ou dans les pratiques sociales crée de l'équivoque.
Oui. La difficulté, c'est qu'à certains moments, la personne se confond avec son langage dont les mots viennent du commun. C'est à ce moment-là que s'impose la remarque de Chapati et la question du "on" sous ses diverses variantes: Il est aussi difficile d'imaginer des gens totalement détachés des implicites tout en ne sachant pas la place qu'ils tiennent (ou pas) pour soutenir leur monde.

Même si on ne s'en occupe pas (immédiatement), la situation est un axe important qui me semble disjoint de la communication. En dehors d'un malentendu disons pur et parfait entre deux personnes libres a priori et chacune parfaitement informée de l'autre, il peut se développer très souvent du fait de situations asymétriques en termes d'information ( comme pour un citoyen électeur ) ou de pouvoir et quand un acteur vise plusieurs objectifs en même temps, etc.
Dans une dynamique de groupe, par exemple, on ne sait pas si le chef doit parler avant ses conseillers ou bien après eux. Dans le premier cas, ils risquent de tous lui emboiter le pas et il ne sera pas conseillé et dans le second, ils risquent de ne rien dire pour ne pas risquer le jugement ou le désaccord du chef dont ils ne connaissent pas la volonté ou le désir et il ne sera pas conseillé non plus ( de mémoire, il me semble que l'affaire de la baie des cochons s'était décidée sur un tel malentendu ( Cf. "Les décisions absurdes" Christian Morel )).
Sans parler des cas où des acteurs (en concurrence) ne souhaitent nullement partager de l'information, ne sachant pas laquelle pourrait donner un avantage à l'autre ( N'avouer jamais...).
Là, faudrait aussi pêcher du coté de la théorie des jeux, de l'économie, de la psycho sociale...
Euthyphron a écrit :Le deuxième axe me semble plus austère (ce qui ne veut pas dire sans intérêt) et attend une réflexion sur les différentes espèces de signes et leur relation à ce qu'ils signifient.
Si quelqu'un a des idées...
Euthyphron a écrit :Le premier a l'avantage d'être plus abordable.
Oui et je suis assez d'accord avec la morale que tu proposes pour limiter le risque de malentendu, tout en observant que ça ne l'élimine pas forcément (au passage, dès lors que je suis là, je suis responsable et il ne me reste qu'à espérer de ne pas me sentir coupable s'il advient).
Je vais moi-même être quelque peu intégriste pour la suite:
Euthyphron a écrit : En fait, plus la réflexion avance et plus en effet j'ai envie de défendre cette sagesse de rustre. Ne rien attendre de personne, sauf si on peut lui dire clairement quoi, et si on peut le laisser libre de refuser (nouvelle formulation de l'hypothèse de base). Et rire des situations de quiproquo qui se produisent quand même inévitablement. Cela ne me paraît pas si mal.
L'ennui ici, c'est que dès que j'ai dit clairement à l'autre ce que j'attends de lui, je me mets au minimum devant lui dans l'attente d'une réponse qui peut être différée et s'il accepte, devant l'attente d'actions pouvant s'étaler dans le temps et dont lui et moi ne prévoyons pas toutes les conséquences. De plus ce qui me parait clair ne l'est pas forcément dans le monde de l'autre - je ne parle même pas des implicites - qui m'est pour une part inaccessible voire incommensurable.

Comme exemple de quiproquo, j'aime bien l'histoire de cet entrepreneur asiatique qui avait déclaré vouloir la tête d'un concurrent et qu'un collaborateur lui avait amené - séparée du corps - dans un carton, démontrant ainsi qu'ils partageaient les mêmes mots mais pas les mêmes valeurs.
Ce qui pourrait témoigner a posteriori d'un certain malentendu sur ce qu'ils faisaient ensemble et les objectifs qu'ils visaient. Il arrive après de tels quiproquos que la relation ultérieure ne retrouve pas sa qualité d’antan et qu'apparaissent rétrospectivement des choses cachées depuis la fondation du "nous".
( Au passage, il y a des gens n'attendent qu'une chose, c'est qu'on attende une fois quelque chose d'eux et qui sont près à adhérer à n'importe laquelle pour servir une seule fois (dans) leur vie, et à fond, et même si c'est une répétition quand cette vie est cyclique. )

Moralité: il ne suffit pas toujours de dire ce qu'on veut, mais parfois aussi en préciser les modalités, d'y ajouter ce que l'on ne veut pas ("Non... Pas la tête !" ) et de tenter de vérifier ensuite que l'autre a bien compris. Ce n'est pas toujours une mince affaire et on touche ici à la question de confiance.

Pour reprendre un exemple plus banal, quand on ne connait pas bien quelqu'un, comment savoir s'il fait la nuance entre le temps de l'amitié et le temps de l'amour quand une relation sexuelle est possible et souhaitée ? Et parfois, comment peut-il imaginer que d'autres nuances n'existent pas pour moi ?
C'est parfois ainsi que commence une relation où l'un se réjouit de bulles de temps renouvelées en attendant que son monde s'engloutisse dans la mort tandis que l'autre y vit déjà une éternité féconde avec sa descendance dans les siècles des siècles.
Euthyphron a écrit :Et je trouve que cela gagne à être rapproché de ce que dit Arizona. Il y a malentendu quand A attend quelque chose de B mais ne parvient pas à se faire comprendre, quand A et B n'arrivent pas à se joindre. Mais cela ne viendrait-il pas de ce que A lui-même ne sait pas exactement ce qu'il attend de B?
Oui, ou aussi qu'une fois la relation lancée sur une demande P précise et non problématique, se présenteront d'autres attentes que ni l'un ni l'autre ne sauront formuler clairement et encore moins recevoir. Ce qui risquera d'engendrer de part et d'autre une frustration diffuse qui semblera venir de n'importe où. Des désaccords objectifs pourront surgir de cette origine obscure et venir l'alimenter en retour.
Il pourra aussi arriver une conséquence problématique de P qui fera que l'un des deux au moins en voudra à l'autre de ne pas y avoir pensé lui-même pour refuser P (etc). Mais il n'osera pas l'avouer car c'est absurde et se méfiera à l'avenir de tout projet venant de l'autre -voire de lui-même - qui ne comprendra pas pourquoi. Le "nous" devient coupable.

Je pense qu'il faut considérer ce troisième larron quand il peut exister, le "nous", même s'il se déguise parfois ou se révèle elliptique. Mais c'est un domaine que je connais peu et probablement mal.
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

Un avis concernant la clarté. Comment respecter un certain tempo pour dire/obtenir ce qu'on veut ?

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par chapati »

samjna a écrit :
Euthyphron a écrit :Le deuxième axe me semble plus austère (ce qui ne veut pas dire sans intérêt) et attend une réflexion sur les différentes espèces de signes et leur relation à ce qu'ils signifient.
Si quelqu'un a des idées...
Il me semble avoir répondu.
chapati a écrit :je ne pense pas non plus que "le malentendu soit essentiel à toute communication", mais suis persuadé que par contre qu'il l'est en matière de philosophie, et ce dès qu'on croit donc discuter sur les questions dites "essentielles" d'une certaine philo très traditionnelle, trop à mon goût. Ainsi certains pensent par exemple à partir de l'amour ou de la souffrance quand d'autres considèrent que ces types de concepts sont devenus bien trop insuffisants parce que trop subjectifs.
J'ai développé ça ici :
Par exemple disons que la vie à fait que j'ai beaucoup souffert et toi peu. J'affirme que ce n'est pas dans les informations concernant la souffrance que tu comprendras jamais ma souffrance à moi, que tu comprendras la part que la souffrance peut arriver à faire dans ma vie voire de ma vie (et en conséquence ma façon de penser la souffrance, de mettre le mot "souffrance" ici plutôt que là quelque part dans la façon dont mes repères s'articulent entre eux).
Tu pourras imaginer les pires souffrances, mais ça restera dans le cadre de ton imagination et non dans ta chair, c'est-à-dire toujours en fonction d'une part de ce que tu ressens toi de la souffrance, et de l'autre de ton imagination.
Par exemple, imaginer être aveugle (ça fait peur à tout le monde je crois). Les types disent : tout mais pas ça. Mais "ça" reste de l'imagination, et les types qui deviennent aveugles certes passent très certainement un bien mauvais moment, mais ensuite ils s'habituent, c'est comme ça (enfin ils s'habituent plus ou moins si tu veux, ils font plus ou moins avec).
Et çà, en général on n'imagine pas jusque là.
En fait le plus souvent le type qui dit "tout mais pas ça", il ne s'imagine aucunement ce que c'est d'être aveugle, il ne pense la souffrance que c'est qu'à travers la peur qu'il en a... c'est-à-dire qu'il n'imagine que la peur d'être aveugle et la souffrance que cette peur lui causerait.
(et c'est pour ce genre de raison que je parle de constat).
Donc on ne parle pas de la même chose : un type parle de la peur, un aveugle d'autre chose.
(...)
l'essentiel est de dire et répéter qu'une philosophie qui passerait par la communication serait juste une catastrophe, la communication passant elle par le sens commun, soit ce qui consiste justement à s'entendre sur des définitions soit-disant incontournables... alors que déjà imbibées de préjugés par l'usage quotidien du langage.
On peut si l'on préfère remplacer le mot philosophie par "pensée" sans que ça change quoi que ce soit. A savoir que le langage commun a un certain usage courant des mots (en cours dans la communication) qui réduit considérablement les quiproquos. Mais dès qu'il est question de penser sérieusement, ces significations ne suffisent plus à faire sens. Ainsi on peut par exemple discuter avec n'importe qui en parlant de bien et de mal, tout le monde se comprendra à peu près. Par contre, c'est completement différent de penser le monde en tenant compte de ces deux valeurs (avec la connotation transcendante qu'elles peuvent avoir) et de le penser sans ce type de transcendance.
Il n'est plus question du tout de la même chose... et du coup, en terme de quiproquo, c'est sans fin.

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

chapati a écrit : On peut si l'on préfère remplacer le mot philosophie par "pensée" sans que ça change quoi que ce soit. A savoir que le langage commun a un certain usage courant des mots (en cours dans la communication) qui réduit considérablement les quiproquos. Mais dès qu'il est question de penser sérieusement, ces significations ne suffisent plus à faire sens. Ainsi on peut par exemple discuter avec n'importe qui en parlant de bien et de mal, tout le monde se comprendra à peu près. Par contre, c'est completement différent de penser le monde en tenant compte de ces deux valeurs (avec la connotation transcendante qu'elles peuvent avoir) et de le penser sans ce type de transcendance.
Il n'est plus question du tout de la même chose... et du coup, en terme de quiproquo, c'est sans fin.
Il me semble que tu parles de discussion ou de papotage, ce qui n'a pas grand chose à voir avec le dialogue, philosophique ou pas. Effectivement, on peut papoter du bien et du mal, mais la seule probabilité raisonnable est alors de vouloir faire société. On peut allumer une ampoule pour faire de la lumière, c'est pas une expérience d'électromagnétisme ni d'intelligence (même si l'intelligence est la lumière de l'esprit).

Si quelqu'un me dit d'emblée chez le médecin d'un ton certain: "Le terrorisme c'est mal", y a peu de chance que s'ouvre un dialogue politique ou moral. Probablement qu'il sait que le mot "terrorisme" va avec le mot "mal" et peut-être aussi qu'il est démocrate et bon (d'autres mots qui viennent souvent ensuite) mais c'est qu'en somme il s'ennuie. Et si j'on lui réponds "C'est terrible, On ne peut pas rester sans rien faire", etc, on a toutes les chances de passer un moment de plaisir partagé et chacun de se faire un copain dans la maladie.
Il n'y a guère de place pour autre chose (enfin, on sait jamais) et le tenter en l'ignorant serait déjà un petit malentendu (et je m'y connais). La seule attente qu'il y a derrière ces mots, on est en plein dedans et c'est la salle d'attente: c'est "nous".

Mais si je fais une rencontre qui ensuite dure un peu, je vais devoir apprendre les mots qu'a l'autre pour découper la partie de la réalité que nous semblons partager puisque nous pouvons désigner à première vue les mêmes objets. D'ailleurs, comme il s'est plusieurs fois écrié "gavagai" alors que je voyais du lapin sur patte ou en sauce, je me dis que "gavagai" veut dire lapin à moins que ça ne signifie "bon à manger", "chaud lapin", ou autres variantes.

Là, y a (toujours) un problème de traduction précise qui se fera peut-être via divers ajustements, même quand nous partageons a priori la même vision des mêmes objets d'un même monde issue d'une pratique commune.
Cette dernière phrase est assez embêtante, car ce n'est pas certain qu'il s'agisse du même monde. Déjà à supposer qu'il existe, il n'est pas vu sous le même angle, puisque qu'en ce "même" monde et devant moi, il y a lui et devant lui il y a moi.
Ce qui fait que si pour plein de mots comme "gavagai", ça va à peu près, il en existe d'autres pour lesquels je n'ai pu repérer aucune régularité dans ce monde. Et il arrive même que certains de ces mots rendent bizarre certains autres que je croyais comprendre: notre monde_à_lui m'est bizarre.

Parler d'un seul et même monde, ça repose en fait sur l'hypothèse de celui d'un observateur omniscient qui engloberait les deux mondes et le contexte des deux acteurs; qui saurait à quels objets l'un et l'autre accèdent ou pas ( dans le cas où l'un serait aveugle et l'autre sourd par exemple ) et comment ils les nomment et quelles importances relatives ils leur donnent, comment ils les organisent, etc. Et puis l'observateur saurait aussi comment les deux sujets existent ensemble ( quand c'est possible ) pour décider d'un monde commun.

Là, il me semble qu'il n'y a pas énormément de possibilités/hypothèses:

- Si l'observateur existe, chacun peut s'y référer comme devant une cour de justice. Le "on" joue en partie ce rôle. Parfois l'un des acteurs l'assume, ce qui donne à peu près: "moi, on sait que nous voulons etc".

- Certains objets ou pans entiers du monde de l'autre sont et resteront inaccessible. Notamment la compréhension de ce que je dis quand je les désigne et réciproquement.

- Etant donné que nous sommes humains et différents, ça va pas être de la tarte mais en passant pas mal de temps ensemble, il pourrait se produire des transmissions faisant que l'autre m'apprenne parfois à voir ce qui n'existait pas pour moi et que selon toute évidence testable, il s'agisse du même objet ( ou de la même démarche autour de lui, etc ). Et réciproquement.

- ... ?

Pour un malentendu, Il me semble y avoir deux grands cas de figure:
1) l’inexistence d'une traduction.
2) l’inexistence d'un objet (en y incluant dans les objets l'imagination nécessaire à l'assemblage de certains objets).

Pour la production d'un malentendu effectif, ça donne une condition favorable: que l'une au moins de ces deux possibilités n'existe pas dans l'un au moins des deux mondes... ne serait-ce que sur un seul point.
Ces utilisateurs ont remercié l’auteur samjna pour son message :
Pataboul
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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

Bradeck a écrit :
Il m'est avis que le sujet du malentendu pourrait être très intéressant, voire pourrait, selon son évolution, être utile par la suite sur le forum, car ce media peut parfois induire ces malentendus. Il nécessiterait cependant un cadrage dès le post de départ.
[...]
http://adulte-surdoue.fr/philosophie/ph ... ml#p208915
:neuns:
Il existe un mode de discussion chez les sceptiques du Québec qui s'appelle le Redico.
http://www.sceptiques.qc.ca/forum/faq.php?mode=redico

Ca ne m'avait pas semblé génial mais ça peut donner des idées pour développer quelque chose dans le genre pour aider sur des sujets comme "qu'est-ce que l'intelligence ?".
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Danava

Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Danava »

Le malentendu est l'entendu de ceux qui n'écoutent pas. La peur d'être pris dans un malentendu est la peur de ceux qui mettent de l'importance dans ceux qui jugent.
Un signe positif, tu es dans le juste et malentendu mais tu remarqueras, jeune malentendant, que le malentendu n'a de valeur que parce que les gens sont intéressés par mal entendre!
Donc le malentendu est bon signe, car celui qui ne veut pas entendre crée le malentendu et pas l'inverse.
Sur ce bise!

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par chapati »

à Samjna,

J'entends bien ce que tu dis d'un hypothétique "même monde" évalué par un observateur omniscient.
D'accord sur le fait que la première possibilité soit euh... source de malentendus.
Pour la deuxième, il va de soi (pour moi) que des pans entiers du monde de l'autre m'échappe.
Pour la troisième, je te trouve pas très clair. Es-tu en train de dire que l'autre m'apprendras - de la souffrance par exemple - et qu'on tombera alors d'accord qu'on parle bien de souffrance ?
Dans cette optique, je réponds :
samjna a écrit :Il me semble que tu parles de discussion ou de papotage, ce qui n'a pas grand chose à voir avec le dialogue, philosophique ou pas.
Je parle de communication et de philosophie.
Ce que je dis, c'est que bien et mal suffisent à ce qu'on se comprenne. Si tu me dis que tu trouves que le terrorisme c'est mal, je vais pas forcément me lancer dans une grande tirade sur le bien et le mal chez Nietzsche. J'approuverai parce que je comprends ce que tu dis à partir du moment où je pourrais l'employer dans les mêmes termes à ta place (c'est-à-dire à la place d'un type qui ne connaît pas la position de l'autre sur le bien et le mal).
Le problème ne commence que quand on mélange communication et "pensée sérieuse", voire philosophie. Si tous les termes du langage font consensus en matière de concepts philo, il n'y a plus guère de place pour philosopher. Enfin pour "table" ou "lapin" passe encore, pour "souffrance" ou "vérité" ça devient plus coton.

Bref, là où tu mets le curseur entre papotage et discussion sérieuse, je le mets moi entre discussion et philosophie.

Ma position est donc que, dans la mesure où le mot "souffrance" a une fonction représentative en terme de philosophie des uns et des autres, on ne peut pas discuter sérieusement de la souffrance parce qu'on est limité par la façon dont l'autre la positionnera dans ses valeurs, dans son univers mental. C'est-à-dire que sa notion de souffrance débordera sur sa notion de joie ou encore de santé, lesquelles déborderont sur d'autres choses etc.
A la fois la souffrance donc complique les choses, à la fois cette complication désimplique ceux qui n'y sont pas directement confrontés.
Et vu que personne n'y est confronté de la même façon, ça pose un gros problème...

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Euthyphron »

Qu'on veuille bien me pardonner, mais j'ai l'habitude invétérée de vouloir d'abord savoir de quoi on parle avant d'émettre éventuellement un avis. Or j'avoue que je ne sais pas ici de quoi l'on parle en parlant de malentendu.
J'ai peur que l'on parle de tout écart entre ce qui est dit et la façon dont c'est interprété. Je veux bien en parler s'il le faut, mais appeler malentendu tout écart entre ce qui est dit et la façon dont c'est interprété revient à voir du malentendu partout, dans toute communication, ce qui ne nous éclaire guère. Mais si c'est cela la question, je veux bien admettre que tout se prête à interprétation, même une phrase comme "il fait beau aujourd'hui", et si ce n'est pas cela la question, je veux bien qu'on me recadre.
C'est pourquoi je propose de restreindre le malentendu à des cas de figure particuliers, de telle sorte qu'on puisse faire la différence entre ce qui est malentendu et ce qui, malgré les éventuelles incompréhensions ou différences de représentation, ne l'est pas.
Il y a malentendu soit relativement à ce qui est dit, soit relativement à l'intention.
A dit p à B, mais B comprend q : malentendu.
A dit p à B, mais en croyant dire q, or B comprend p : malentendu. Ces deux cas trouveront facilement des exemples dans toutes les erreurs de vocabulaire que l'on peut commettre par ignorance des subtilités d'une langue.
Quant à l'intention maintenant :
A dit p à B dans l'intention de x, mais B croit que c'est en vue de y.
A dit p à B sans intention, mais B pense qu'il l'a fait dans l'intention de x.
Par exemple B croit que A a dit gavagai dans l'intention de vérifier si ses interlocuteurs connaissent Quine, mais en fait A a dit gavagai parce qu'aucun exemple satisfaisant ne lui venait à l'esprit, sans intention par conséquent. :D
Evidemment à partir de ce schéma toutes les combinaisons sont possibles. B connaissant mal le mot utilisé par A pour dire qu'il fallait faire x croit que A se moque de lui, et ne répond même pas, et donc A croit que B est hostile à l'idée de faire x, etc. Mais que les malentendus puissent s'enchaîner n'est pas une brillante découverte je le reconnais.
En revanche, il me semble que les difficultés de compréhension qui n'entrent pas dans ce schéma sont susceptibles de trouver un remède dans la discussion. Non pas au sens où à la fin nous penserions tous la même chose, car cela ne veut absolument rien dire "penser tous la même chose", mais au sens où nous pouvons toujours repenser ce que nous avons dit et le corriger afin de dissiper ce que je n'appellerai pas les malentendus, mais plutôt les confusions possibles.

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par pairlapinpin »

Version courte :
je suis d’accord avec Fabs dans son message bien plus concis que le mien ci-après.
J’ai relu vos messages après la rédaction (à l’instant) de celui ci-dessous, et je trouve que vous avez, collectivement, avancé, et bien plus rapidement que ce que ma première lecture m’avait permis de faire.
En fait, je n’avais pas compris la moitié de ce que vous aviez écrit, et le résultat en est la rédaction de ce message. C’est donc le produit d’une incompréhension.
Donc je me sens un peu idiot de faire comme machine arrière, mais je n’en suis pas sûr, que ça fasse machine arrière. Et je suis sûr que ne pas poster ne fera pas machine avant. Donc autant poster.
Par ailleurs, poster ce message, c’est tenter de résoudre l’incompréhension, donc limiter le malentendu (cf. ci-après).

Version longue :
Si nous étions dans le délirium, j’écrirais sur le mâle entendu, étendu, et tendu, en temps dû.
Mais nous ne sommes pas dans le délirium.

Je ne sais pas si c’est philosopher, et encore moins si c’est à plusieurs, mais il est certain que la description que je vais proposer appartient à la famille des insatisfactions qui titillent. Validons donc.

Le malentendu m’apparaît d’abord comme un “mal entendu”.
Un mal entendu suppose la production d’une chose à entendre et d’un capteur qui l’entend.
Entendre, c’est à la fois fabriquer une information qui est le produit de la transformation du son par le capteur, généralement l’oreille chez l’homme, et c’est aussi un synonyme de comprendre, à la façon des hispanophones (entiendo lo que dices). Il est également utilisé pour donner une image de l’écoute/compréhension au-delà des mots : “elle est venue, elle m’a parlé, et j’ai entendu ce qu’elle voulait me dire” indique que ce qui a été fabriqué dans le cerveau du récepteur n’est pas seulement la somme des mots, phrases, etc. mais qu’il est également le produit d’un contexte.
Donc, déjà, s’entendre sur s’entendre puis le mal entendre pour revenir au malentendu peut prendre du temps, tellement il y a de superpositions de sens.

Quoi qu’il en soit, en synthèse, pour moi, le malentendu est consécutif d’un problème de transmission. Pour qu’il y ait transmission, il faut un émetteur et un récepteur. Il faut également une transmission entre les deux. On note déjà de manière évidente plusieurs endroits où ça peut merder :
  • chez l’émetteur
  • durant la transmission
  • chez le récepteur
Si je considère ce système, je focalise désormais sur l’émission. Qu’est-ce que l’émission ?
L’émission est le procédé de transformation d’une information intérieure en une autre information qui est transmissible sur le support de transmission.
Ce modèle propose donc trois éléments clefs : un monde intérieur dans lequel une information réside, une interface entre ce monde intérieur et le support de transmission, un procédé de transformation à cette interface.
Pour prendre un exemple : j’observe le monde, je le perçois au travers de mes sens, mon cerveau fait son petit boulot de cerveau et des connexions génèrent des sentiments et des précurseurs d’idées, des fulgurances, des choses non dites. Ces objets intérieurs s’imposent à moi, et je décide de les capter. Cette captation est déjà imparfaite, car je ne peux, par construction, pas la retenir totalement, car sinon, de manière récursive, je pourrais retenir le fait que je le retienne, etc. ce qui m’amènerait rapidement à avoir une capacité infinie de rétention. A priori, je ne l’ai pas, donc la captation n’est pas parfaite.
Premier problème, donc.
Ensuite, de cette captation, je vais essayer de tirer quelque chose, je vais produire de l’idée, de l’image, etc. je vais figer un ensemble parfois difficilement observable dans son intégralité, parce que, déjà, parcellaire et producteur de nouvelles sensations, etc.
Il s’agit donc de figer l’ensemble pour pouvoir lui donner un périmètre, quitte à, donc, couper des ramifications dynamiques et incontrôlées.
Second problème, on a coupé ici des morceaux.
Enfin, de cette représentation plus ou moins figée (car qui a un appareil photo intérieur parfait ?), on va tenter de fabriquer des concepts, ou tout au moins de relier ce qui est figé à un ensemble d’états existants dans notre grand dictionnaire d’états.
Je ne vais pas prétendre comment la fabrication du langage fonctionne, je n’en ai aucune idée. Toutefois, on voit ici que ces états peuvent ensuite donner lieu à une transformation verbalisée.
Exemple d’état : pour ma part je pense avec des connexions que je n’ai pas besoin de visualiser, je manipule l’information (ce truc ci) <est en lien avec> (ce truc là) sans avoir idée du lien, et cette information peut alimenter le processus de production intérieure.
Ce lien n’est ni visuel, même si ma façon d’en parler l’est, et ne passe pas par les mots. C’est le concept de relation, et j’ai donc dans mon dictionnaire un truc “relation”.
Ce concept intérieur n’est pas transmissible tel quel. Il va falloir le transformer.
Troisième problème, la transformation.
Déjà, la transformation n’est pas une fonction sans perte. Du concept intérieur, j’ai, ci-dessus, donné naissance à un charabia qui y correspond mollement.
De plus, ce n’est pas une transformation réversible, car si on vient me dire ce charabia au lever du lit, il y a peu de chances que je le mette en relation avec le truc “relation” sans un sacré mal de crâne. Ou pas, ce coup-là, ça va peut-être marcher, mais il n’y a pas de garantie, et comme il existe des cas pour lesquels ça ne marche pas, la transformation ne peut donc être qualifiée de réversible.
On le note pour l’instant, et on le met de côté : ça prend son importance dans la dynamique de transmissions successives dans les deux sens émetteur <-> récepteur, puisqu’on peut imaginer que les rôles ne vont pas, ad vitam aeternam, rester figés.

La transformation est un procédé que je ne connais pas, mais dont on peut déjà, à l’évidence, accepter quelques propriétés : on va passer via ce procédé du monde intérieur à une image de ce monde intérieur qui va s’appuyer sur l’ensemble des substrats compatibles avec la transmission sur le support. Ainsi, on peut utiliser des mots et les vocaliser, on peut utiliser son corps et faire une grimace, on va certainement ne pas être immobile si on est face à face, et donner des informations parasites involontaires qui ne sont pas le produit immédiat du procédé, mais, localement, du processus qui l’utilise, et, plus généralement, du fait d’être en vie, et donc d’être un système toujours en transition d’un état général à un autre : ces transitions peuvent être perçues (je tremble, je rougis, je fais un AVC, etc.).
On obtient donc un procédé qui n’est pas parfait intrinsèquement, mais qui, en plus, est parasité.
Et c’est seulement maintenant que ce qui a pris naissance dans le monde intérieur commence son cheminement vers le récepteur.

Je vous passe la description du parasitage de ce cheminement.
Par symétrie, pour le récepteur, on peut imaginer un processus inverse à celui que je viens de décrire pour l’émetteur. En fait, c’est presque le même, il suffit d’identifier que le “produit de la transmission de l’émetteur” appartient au “monde” et qu’il est “perceptible au travers des sens”.
Par analogie, on imagine bien que le procédé inverse a ses défaillances propres.
Ici, à l’irréversibilité évoquée plus tôt, s’ajoute la différence du système dans lequel le procédé est mis en oeuvre. Si le récepteur n’est pas l’émetteur, certaines transformations ne vont pas pouvoir se faire de manière équivalente car il manquera des éléments (dictionnaire différent), le contexte de transformation sera différent (parmi les éléments du dictionnaire certains sont mis en avant à un instant t par rapport aux autres, de manière différente chez l’émetteur et chez le récepteur).
Etc. etc.

Tout ce blabla un peu longuet pour démontrer, selon moi, qu’il est impossible (sinon hasard improbable) de s’entendre, de se comprendre. Im-pos-si-bleuh.
Et pourtant, on se parle, on s’écrit, et ça marche, putain !
Mais pas sans malentendu, qui est le reste de la division entière de nos pensées par notre langage au sens large.

Du coup, je me sens un peu merdeux, car ;
  • mon message est long ;
  • il ne reprend pas beaucoup de la discussion dans l’état dans lequel elle était, mais je ne voyais pas comment y participer sans préalablement évoquer ça ;
  • ça ressemble furieusement à ce qui est, de manière sous-entendue, formellement interdit dans cette discussion, à savoir la présentation d’un savoir achevé qu’on soumettrait à la critique. Je ne vois pas trop bien comment produire un message que je n’aurais pas achevé de produire pour le soumettre à votre lecture, donc je vais en rester là pour cette contradiction.
Quoi qu’il en soit, je soutiens donc la thèse inverse de “le malentendu vient de ce que l'on ne s'est pas suffisamment expliqué, et donc qu'on peut toujours y échapper, pourvu qu'on prenne le temps du dialogue”.
Et là, je m’aperçois que ce que je viens de décrire n’est pas le malentendu, mais l’incompréhension relative à la relation entre deux individus. Il est donc impossible d’ôter totalement l’incompréhension lors de ces transmissions. Toutefois, on peut converger, par essais-erreurs durant l’échange, par expérience du fait d’échanges précédents, et par habitude d’échanger avec un individu particulier, dans un contexte particulier, etc. qui permettent, sinon de mettre en commun, de faire correspondre de manière approchée des éléments utilisés dans le procédé de transformation. Exemple : si je parle de mon père à mon frère, nous allons partager tout un tas d’éléments qui ne seront pas partagés si je vous en parle à vous. À moins que vous ne soyez mon frère.

Cette voie de reformulation dans l’échange est la râpe à malentendu. Le malentendu est la trace résiduelle de la râpe sur l’information échangée. Le malentendu échappe à l’émetteur et au récepteur, alors que l’incompréhension est visible d’au moins un des deux.
Mais ce ne change pas la conclusion qui serait donc qu’on n’y échappe pas.
On s’est compris ?

chapati
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par chapati »

ÉDIT : un problème à signaler avant que de lire (à propos de malentendu), j'étais persuadé de répondre à Samjna... d'où un certain nombre de raccords avec nos échanges précédents (et quelques gags) !
Bon je laisse mon texte tel quel en attendant, je le reprendrai si j'ai le temps dés que possible. D'ailleurs et à propos de malentendu, ça pourrait être amusant de voir si j'ai pu interpréter le texte par rapport au peu que je connais de Samjna du fait de nos echanges précédents (bon, c'est du boulot mais juste pour dire).
Salut amical à Pairlapinpin et Samjna



Bon, c'est pas si mal, votre laïus (malgré un coup de mou dans la transmission 8) ).

Quelques remarques...
Au niveau de la "captation", vous dites qu'elle est imparfaite, sans doute. Néanmoins résiste ou peut résister un image originelle (non formulée) qui nous ramènera à l'émotion première et ainsi en quelque sorte à la mémoire première, non encore déformée par la conceptualisation. On est là dans les mystères de la mémoire où des choses totalement "oubliées" peuvent par exemple ressurgir d'on ne sait où.

Deuxième objection. Dire qu'on fige les choses dans une représentation n'est pas vraiment suffisant. Si certes la représentation à tendance à les figer, il n'empêche que justement, les souvenirs successifs ne sont pas forcément identiques... ce qui montre qu'ils évoluent en fonction du point de vue (lui même en mouvement) qui les retrouve.
Bref le côté figé du truc est aussi en proie aux résistances que peut procurer le fait de considérer qu'un problème n'est pas complètement résolu (ceci dit, j'ai bien noté que vous parliez vous-même de "nouvelles sensations").
Mais alors est-ce bien "raisonnable" à ce stade de relier le truc a "un ensemble d'états existants" ? Certes il se trouve que l'usage ou l'habitude est de le faire (on n'y peut pas grand chose), mais on peut aussi garder dans un coin de mémoire le côté inachevé, non abouti du truc en question, bref et si l'on peut dire : provisoire... qui tiendra lieu de fil conducteur de nos pensées, voire d'un échange avec quelqu'un (où encore une fois, il faut et il suffit de ne pas confondre communication et pensée dite sérieuse).

Ensuite vous dites que vous n'avez aucune idée de comment le langage fonctionne. Ben si un peu quand même. C'est plutôt me semble-t-il de la mémoire dont on n'a aucune idée de comment ça fonctionne (les connections etc). D'ailleurs vous parlez vous-même de l'existence du mot "relation" dans votre dico perso...

Ensuite vous dites que la transformation n'est pas une fonction sans perte, on est d'accord et ça fait partie de ma critique du langage en tant que pensée : penser le langage est autre chose que penser un événement (sans parler de l'explication).

La transformation est-elle réversible ? Oui tant qu'on reste impliqué dans un processus de recherche de compréhension. Si on sait, si l'on est persuadé de savoir, c'est fini : le processus de pensée est clôt (sauf si un élément nouveau le remet en question).

Bref, toute l'histoire pourrait (je ne dis pas qu'elle le fasse) provenir du fait de votre séparation entre monde intérieur et monde extérieur qui m'interroge... soit ce que je vous ai dit la dernière fois. Non seulement l'intérieur et l'extérieur ne sont pas plus figés l'un que l'autre, mais ils sont en constante interaction : l'un n'existe guère sans l'autre.
Le problème prend toute sa consistance si l'on met face à face une volonté de comprendre et une volonté de savoir. Disons que ceux qui cherchent à partir de savoirs ont tendance à les accumuler façon puzzle quand les pièces du puzzle ne s'ajustent pas forcément chez ceux qui cherchent à partir de compréhensions (mais plutôt se chevauchent).
Sinon il est aussi question dans une démarche philosophique de chercher à de moins en moins parasiter quoi que ce soit au niveau du langage. Pas si simple bien sûr...

Du coup, impossible de se comprendre, bah non, quand même pas. Mais c'est pas gagné ça c'est sur ! C'est qu'il faudrait passer par une très hypothétique compréhension de la façon dont l'autre agence ses valeurs avant que d'avoir une chance de par exemple comprendre où il met la souffrance (ou autre chose) dans son laïus intérieur.

Nos conclusions sinon ne semblent pas beaucoup diverger. Il n'y a certes pas de malentendu sans incompréhension, et sauf concours de circonstances, la compréhension évite quand même pas mal les malentendus.
(mais définitivement, je préfère "compréhension" à "savoir")

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par madeleine »

Est-ce que dans la philosophie collective, il y a un moment où on essaie de faire le point pour savoir où on en est ? Et donc éventuellement reformuler la question initiale ?
le chemin est long et la pente est rude, oui, mais le mieux, c'est le chemin, parce que l'arrivée, c'est la même pour tout le monde... Aooouuuh yeaah...
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par pairlapinpin »

Je suppose que c'est un problème de la classe kissékissikol.

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