Essence et existence humaines

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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cyclingfrog
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Essence et existence humaines

Message par cyclingfrog »

Bonjour à toutes et tous,
je voudrais à travers ce message revenir sur les réflexions que nous menons parfois au plus profond de nous, concernant notre existence, notre présence sur Terre. Pourquoi existons-nous, notre présence dans l'univers a-t-elle un but précis ? Telles sont les questions que nous sommes parfois tentés de nous poser ; en outre les personnes dotées d'un HPI sont, semble-t-il, particulièrement prédisposées à ce genre de préoccupations. Mais, à bien y réfléchir, ces raisonnements ne seraient-ils pas basés sur une vision très anthropocentrique de nous-mêmes ? En postulant que notre présence sur Terre a nécessairement un sens, peut-être nous surestimons-nous et prétendons être ce que nous ne sommes pas. Serions-nous narcissiques voire orgueilleux au point de supposer que le niveau de complexité atteint par les humains leur confère une quelconque mission ? Niveau de complexité dont il sont, par ailleurs, seuls juges. En voyant notre espèce et la vie en général comme le simple fruit d'un long processus s'inscrivant dans l'histoire de l'univers, ne pourrions-nous pas nous affranchir enfin de ces tortures mentales ?
Mais comme, sans la vie, par définition, nous ne serions pas, la valeur que nous lui accordons nous rend difficile d'admettre la banalité de son apparition. Ainsi, consciemment ou pas, nous éprouvons peut-être des difficultés à réaliser que notre passage n'a très probablement aucune vocation. En relativisant l'importance de notre présence, nous pourrions nous libérer de ce fardeau qui nous hyper-responsabilise. Ce qui ne doit en rien nous empêcher de profiter le plus possible de notre existence.
Bon je sais, il y a beaucoup de questions dans mon message, mais ne faut-il pas commencer par des questions avant d'envisager des réponses ?
Cordialement

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Euthyphron
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Re: Essence et existence humaines

Message par Euthyphron »

J'ai l'impression que ce texte devrait te plaire, mais peut-être le connais-tu déjà.
Lucrèce a écrit :  Prétendre que c’est pour les hommes que les dieux ont voulu préparer le monde et ses merveilles ; qu’en conséquence leur admirable ouvrage mérite toutes nos louanges ; qu’il faut le croire éternel et voué à l’immortalité ; que cet édifice bâti par l’antique sagesse des dieux à l’intention du genre humain et fondé sur l’éternité, il est sacrilège de l’ébranler sur les bases par aucune attaque, de le malmener dans ses discours, et de vouloir le renverser de fond en comble ; tous ces propos, et tout ce qu’on peut imaginer de plus dans ce genre, ne sont que pure déraison. Quel bénéfice des êtres jouissant d’une éternelle béatitude pouvaient-ils espérer de notre reconnaissance, pour entreprendre de faire quoi que ce soit en notre faveur ? Quel événement nouveau a pu les pousser, après tant d’années passées dans le repos, à vouloir changer leur vie précédente ? Sans doute la nouveauté doit plaire à ceux qui souffrent de l’état ancien. Mais celui qui n’avait point connu la souffrance dans le passé, alors qu’il vivait de beaux jours, quelle raison a pu l’enflammer d’un tel amour de la nouveauté ? Et pour nous quel mal y avait-il à n’être pas créés ? Croirai-je que la vie se traînait dans les ténèbres et la douleur, jusqu’à ce qu’elle eût vu luire le jour de la création des choses ? Sans doute, une fois né, tout être tient à conserver l’existence, tant qu’il se sent retenu par l’attrait du plaisir. Mais pour qui n'a jamais savouré l'amour de la vie, et qui n'a jamais compté parmi les créatures, quel mal y a-t-il à n'être point créé?
LUCRECE, De la Nature des choses

Zeus
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Re: Essence et existence humaines

Message par Zeus »

Le questionnement métaphysique et l'émerveillement d'exister sont le résultat du biais d'auto-sélection.

Supposons qu'il faille jeter 10 fois un dé pour que la vie consciente (l'humain) puisse exister et qu'il faille faire pour cela les résultats : 6666666666.
Supposons que cela arrive: bingo.
Quelle surprise ! Quel miracle ! L'humain existe du fait de cette rarissime combinaison, qui a permis son émergence.

Il se trouve qu'une autre combinaison, n'importe laquelle (3214532416) a les mêmes probabilités d'occurrence. Mais dans ce cas là, on n'aurait pas d'émergence de vie consciente, les conditions (énoncées plus haut) n'étant pas réunies. Donc personne (=conscience) pour s'émerveiller d'exister et y voir un miracle. On peut imaginer que la combinaison "3214532416" aboutisse à un caillou.

Si on fait partie d'un échantillon et qu'on s'étonne, en étant au sein même de l'échantillon, de son existence/appartenance à cet échantillon, on exclut implicitement tous les autres échantillons qui n'aboutissent pas à nous (et à la conscience), lesquels sont tout aussi miraculeux en terme de probabilité.

Il n'y a donc, à mon sens, aucun miracle et aucune finalité à notre existence.

L'infime probabilité d'être un caillou, aussi infime que d'être un humain, ne permet pas au caillou de s'émerveiller d'en être un, car il est dépourvu de conscience. Mais il n'en reste pas moins aussi miraculeusement réel que nous, dans son propre échantillon de "caillou".

Nous faisons simplement partie de l'échantillon des êtres conscients d'exister.
Probabilité infime, mais pas moins que n'importe quel autre phénomène.
Que nous ayons la propriété de la conscience en sus nous amène faussement à croire que nous sommes le fruit d'un prodigieux miracle, car nous ne voyons que l'infime probabilité (la suite de "6") qui mène à notre existence, en ignorant que cette probabilité infime s'applique à tout autre existant.

Tout ce qui existe est hautement improbable et contingent, si on observe la probabilité à rebours.
Nous y compris.
Nous sommes les seuls à nous en étonner ou à y voir une éventuelle finalité/téléologie, parce que nous sommes les seuls êtres conscients, et capables d'exprimer ce biais d'auto-sélection, focalisé sur l'infime probabilité d'existence de notre groupe, ignorant un peu vite qu'elle n'est qu'une probabilité infime parmi tant d'autres.

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madeleine
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Re: Essence et existence humaines

Message par madeleine »

Ou pas :D
Toutes ces affirmations, comme les questions qui les précèdent, ne sont que les produits de notre abyssale ignorance.
le chemin est long et la pente est rude, oui, mais le mieux, c'est le chemin, parce que l'arrivée, c'est la même pour tout le monde... Aooouuuh yeaah...
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cyclingfrog
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Re: Essence et existence humaines

Message par cyclingfrog »

"Il n'y a donc, à mon sens, aucune miracle et aucune finalité à notre existence."
Entièrement d'accord!

En revanche, je ne vois pas ce qui te permet de considérer comme triviale la valeur infinitésimale de la probabilité pour que les conditions d'apparition de la vie, y compris telle que nous la connaissons, soient réunies. Qu'en savons-nous ? Cette probabilité semble très faible, en effet, dans un environnement astronomiquement proche, mais qu'en est-il à l'échelle de l'univers ?

Zeus
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Re: Essence et existence humaines

Message par Zeus »

cyclingfrog a écrit : En revanche, je ne vois pas ce qui te permet de considérer comme triviale la valeur infinitésimale de la probabilité pour que les conditions d'apparition de la vie, y compris telle que nous la connaissons, soient réunies. Qu'en savons-nous ? Cette probabilité semble très faible, en effet, dans un environnement astronomiquement proche, mais qu'en est-il à l'échelle de l'univers ?
Et bien, en fait cette probabilité est de 100%, puisque nous sommes là.

La question du temps-espace entre en jeu : s'il me faut obtenir la combinaison "6666666666" pour qu'émerge la vie consciente, la probabilité que cela arrive est sans doute faible à l'origine du temps (en lui supposant une origine) ou dans ses premiers balbutiement.

Mais dans un espace-temps infini ou suffisamment long, ça finira par arriver.

Auquel cas, on sera dans le questionnement à savoir si ça devait nécessairement arriver, càd découler inexorablement des prémisses. Auquel cas: dieu ? téléologie? finalité ?

Oui, mais d'un autre coté, si ça peut arriver -même avec une probabilité infime- et qu'on a un temps et un espace infini, alors ça arrivera forcément. Et ce, sans finalité, ni plan, ni dessein. On évacue de nouveau le dessein cosmique.

Reste encore la configuration : ça ne peut pas arriver, probabilité nulle, l'espace-temps même infini ne servent à rien. L'univers ne permet pas - dans sa configuration initiale - l'émergence de vie consciente. Auquel cas, je ne serais pas en train de taper ces mots. Cette posssibilité n'est donc viable que théoriquement.

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Euthyphron
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Re: Essence et existence humaines

Message par Euthyphron »

Je ne sais pas si on peut évaluer la probabilité d'apparition de ce qui n'existe pas. A moins de supposer que cela existe déjà, virtuellement, comme combinaison possible.
Le problème métaphysique devient alors de savoir ce qui fait le tri entre les combinaisons possibles et celles qui ne le sont pas. Si l'on dit que tout est possible, et que le temps est infini, alors nous arrivons nécessairement à la conclusion que tout finira par arriver un jour ou l'autre en effet, et même est déjà arrivé. Par exemple, un brocoli géant et pensant a déjà écrit le même message à destination d'un insecte venimeux mais néanmoins sympathique. N'est-ce pas un peu aventureux, suffisamment en tous cas pour remettre en question les postulats de départ?

Zeus
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Re: Essence et existence humaines

Message par Zeus »

Euthyphron a écrit : Si l'on dit que tout est possible, et que le temps est infini, alors nous arrivons nécessairement à la conclusion que tout finira par arriver un jour ou l'autre en effet, et même est déjà arrivé.
Je n'affirme pas que tout est possible, mais que l'existant pourrait n'avoir eu qu'une faible probabilité de se produire (configuration rarissime), et que le passage du temps a permis à cette occurrence de s'actualiser.

Le fait que nous soyons nous même une incarnation de cette occurence peut nous amener à croire que nous sommes le fruit d'un miracle, alors que la probabilité que d'autres phénomènes existent est tout aussi faible, mais néanmoins réalisées, et donc pas moins "miraculeuse".

Sauf que les cailloux ne peuvent pas s'émerveiller devant leur minéralitude.

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Euthyphron
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Re: Essence et existence humaines

Message par Euthyphron »

Il devrait alors s'ensuivre de tes postulats que tout est "miraculeux". Sauf que, si je te comprends bien, il ne s'agit pas de miracles à proprement parler, mais seulement de configurations improbables. Or, l'admiration éprouvée devant ces réalités improbables est illusoire, car si chacune est bien improbable, en revanche il serait encore plus improbable qu'aucune n'arrive. Ceci s'éclaire par l'image du loto : la combinaison des six numéros est nécessairement improbable, mais il serait encore plus improbable, et même impossible, qu'aucune combinaison ne sorte. Est-ce bien cela?
Toutefois cette manière de voir les choses me semble insuffisamment sceptique. Cela présuppose qu'un jeu de hasard dont nous sommes les gagnants (en présupposant un peu vite que vivre est être gagnant, ce que réfute Lucrèce) a été organisé. Mais alors par qui? Ou bien est-ce par hasard que tout a lieu par hasard? Personnellement je me reconnais définitivement ignorant face à ces questions (face aux questions relatives à l'origine).

Zeus
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Re: Essence et existence humaines

Message par Zeus »

Euthyphron a écrit : Or, l'admiration éprouvée devant ces réalités improbables est illusoire, car si chacune est bien improbable, en revanche il serait encore plus improbable qu'aucune n'arrive.
Je dis plutôt que l'admiration éprouvée devant cette réalité improbable n'est pas illusoire mais provient du fait que nous faisons partie d'un échantillon capable d'exprimer de l'admiration, car conscient.

Or, aussi forte que puisse être notre extase, grisé que nous sommes par le miracle de la conscience/existence, il se pourrait bien que ce miracle soit aussi insignifiant et probable que l'existence d'un caillou - dans un univers en expansion sans finalité.

Le fait d'être à l'intérieur d'un échantillon spécifique, fruit d'une série d'occurences improbables, peut donner l'illusion que nous sommes les seuls à bénéficier de cette série d'occurences improbables et donc que nous ayons de la "chance" et que ça soit "miraculeux".

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Re: Essence et existence humaines

Message par Euthyphron »

Mais pourquoi regarder l'existence en termes de miracles et de probabilité?
Que j'existe, moi, à vue humaine d'avant ma naissance, ce n'est pas miraculeux, c'est impossible. Je veux dire que nul n'aurait pu le prévoir, ni prévoir ce que c'est d'être moi. Ce que tu dis, et qui est juste, est qu'on pourrait dire la même chose de n'importe quel être, fût-ce le moindre minéral. Mais le fait que ce minéral-ci existe, et non un autre à sa place, est insignifiant, y compris pour lui. Tandis que moi, mon existence maintenant avérée se distingue radicalement pour moi de l'existence d'un autre à ma place, que d'ailleurs je ne serais pas là pour constater.
Il n'y a pas forcément de quoi admirer ce fait, et je renvoie au texte de Lucrèce qui réfute tout anthropocentrisme, en montrant irréfutablement que me faire naître (à quoi que ce soit qu'on attribue cette action) n'est pas me faire du bien, ni du mal, puisque avant de naître je ne suis pas du tout, et donc on ne peut rien me faire.
Mais si donc il n'y a pas à vénérer les dieux pour les bienfaits dont ils m'auraient comblé, il y a matière à se demander quoi faire de cette vie, puisqu'il est maintenant hautement probable qu'elle soit là. Je pense que c'est de ce côté que se pose la question de l'existence, non pas "pourquoi Dieu m'a-t-il créé?" mais plutôt "qu'est-ce que je vais faire de cette vie?"

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cyclingfrog
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Re: Essence et existence humaines

Message par cyclingfrog »

Zeus a écrit :Et bien, en fait cette probabilité est de 100%, puisque nous sommes là.
Désolé de remonter autant dans le fil, mais il y a peut-être eu quiproquo. Bien évidemment, lorsqu'un événement s'est produit, la probabilité de l'observer est égale à 1. Je parlais de la probabilité d'apparition de l'humain a priori, donc de la probabilité pour que les processus physiques, chimiques et biologiques à l'oeuvre sur Terre l'engendrent. Peut-être avais-je manqué de clarté.

Zeus
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Re: Essence et existence humaines

Message par Zeus »

cyclingfrog a écrit :
Zeus a écrit :Et bien, en fait cette probabilité est de 100%, puisque nous sommes là.
Désolé de remonter autant dans le fil, mais il y a peut-être eu quiproquo. Bien évidemment, lorsqu'un événement s'est produit, la probabilité de l'observer est égale à 1. Je parlais de la probabilité d'apparition de l'humain a priori, donc de la probabilité pour que les processus physiques, chimiques et biologiques à l'oeuvre sur Terre l'engendrent. Peut-être avais-je manqué de clarté.
Oui, j'évoquais le "100% puisque nous sommes là" comme une boutade. Et j'ai bien compris que tu évoquais la probabilité de l'émergence de la vie consciente, configuration qui serait (a priori) rarissime à l'échelle cosmique. Et c'est aussi à celle ci que je réfère, pas à celle d'un individu singulier en particulier.

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Kliban
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Re: Essence et existence humaines

Message par Kliban »

Oui mais la question est biaisée, précisément parce qu'elle essaie de ramener le singulier au général. Il n'y a pas de trajet simple simple de l'un à l'autre, comme il est impossible de réduire le subjectif à l'objet. De ce que le sentiment amoureux puisse un jour finir par être réductible à des doses de vasopressine, etc., n'en fera pas moins le sentiment amoureux, vécu comme tel. L'expérience du monde n'est pas homogène à l'explication du monde - et l'expérience de ce qu'est une explication n'est pas homogène à une explication :P . Je rejoins assez Eutyphron sur ces points-là.

La question du sens de ma-vie, ramenée à celle du sens de la-vie, ne peut qu'engendrer des paradoxes. "Ma vie" n'est pas un événement. Un événement intervient toujours dans un récit - il n'y a pas d'événement nu. "Ma vie" n'est pas un récit - il peut y avoir des récits de "ma vie", mais ce ne sont pas "ma vie. "La vie de Kliban" est bien un événement. "Ma vie", alors, n'est pas "La vie de Kliban". Je ne suis pas, fondamentalement, Kliban. Kliban est un faisceau de récits auxquels s'attachent des réflexes normés. Et dès lors que je plonge "ma vie" sur "la vie de Kliban", alors j'en fait l'objet possible d'un récit et donc de normes.

Cela n'a pas pour moi toujours été un soucis. Bien au contraire, même. La question fut longtemps de savoir si ces récits et ces normes, qui venaient casser et relâcher les contraintes de normes antérieures, me libéraient ou, au fond, m'aliénaient à nouveau, plus subtilement peut-être. Et j'ai progressé comme ça, en changeant de façon de raconter ce que je pensais être "ma vie" - tout en ayant à ce sujet une gène que je ne parvenais pas à formuler.

Et puis, à y regarder de plus près, j'ai vu surgir les paradoxes, qui se réduisaient, pour ce que j'en vis, toujours à cette seule chose : en réduisant "ma vie" à "la vie de X", je m'étais coupé d'un très vaste champ de perceptions, d'action, de ressenti. Et je faisais (et fais) ça très spontanément, sans y penser - dès qu'en recherchant des solutions à mes problème, j'adoptais un récit qui me donnait plus d'ouverture, quelques degrés de liberté supplémentaire : "la vie de Kliban" semblait plus harmonieuse, elle avait passé un cap, etc.

Mais tant que demeure un récit auquel j'accepte de me résumer, je reste en deça de "ma vie" et du (non-)sens que pourtant j'appelle. Car il n'y a pas de demi-mesure. C'est "ma vie", totalement, absolument, sans contredit possible - et en ce cas, "mon" prend un sens très indéterminé, puisque dès qu'il y a possession, il y a récit possible d'une perte ! et c'est pour cela que j'écrirais plus volontiers "ma-vie" - ou bien c'est encore "la vie de Kliban", et je trouve ça de plus en plus fade.
De main gauche à main droite, le flux des savoirs - en mes nuits, le règne du sans-sommeil - en mon coeur, ah, if only!, le sans-pourquoi des roses.

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