Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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emmanuelle47
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Euthyphron a écrit : Que la pensée de Kant soit datée, je le concède facilement. Il me paraît difficile en effet d'être totalement kantien aujourd'hui. Et effectivement, le contexte est bien celui d'une époque où l'on croyait que civilisation ne s'écrivait qu'au singulier, et où vérité impliquait universalité. C'est l'époque des Lumières, qui a abouti à la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen.
Tout à fait, c'est pourquoi je respecte l'homme, l'intellectuel :-)
Euthyphron a écrit : Mais pour autant tout ce qui a été pensé à l'époque n'est pas périmé loin de là. La preuve en est que cette pensée a gardé son pouvoir de provocation à la réflexion, puisqu'elle résiste à la compréhension immédiate et apporte des points de vue encore nouveaux pour la majorité des étudiants qui la découvrent.
Il faut que j'insiste sur un point : si vous pensez que l'acte moral est accompli de façon désintéressée, ou, autre façon de dire la même chose, qu'agir moralement uniquement dans le but d'être récompensé n'est pas méritoire
C'est là aussi qu'il y a malentendu... Ce qui me pose problème c'est l'aspect méritoire ou pas. Je ne conçois pas les choses ainsi. Nos actes n'ont pas à être méritoires ou non. Nous agissons moralement car c'est notre mode de vie, celui qui nous permet de vivre ensemble. La notion de mérite est totalement subjective, et n'est pas utile à mon sens.
Euthyphron a écrit : vous êtes kantiens. Vous ne pouvez pas aller plus loin que lui dans cette voie, car même le plaisir qu'il y a à se sentir utile, ou à avoir fait une bonne action, est pour Kant assimilable à une récompense, et donc si bien sûr il n'y a rien de mal à l'éprouver, il n'y a non plus rien de méritoire dans une action accomplie pour le plaisir, fût-elle bonne.
Le plaisir ressenti par une action n'est pas une carotte mais un curseur... Je n'arrive pas à concevoir dans tout cela cette notion de mérite.
Pourquoi la récompense attendue dans l'au delà serait plus méritoire que celle ressentie immédiatement?
Euthyphron a écrit : L'existence de Dieu n'est pas non plus une récompense, mais la promesse d'un monde juste (au passage, cela ne me paraît pas spécialement sinistre, mais tout simplement lucide, de signaler qu'en cette vie il y a inévitablement de l'injustice). J'ai déjà dit que je trouvais cela tordu, de ramener Dieu ainsi. Mais il ne faut pas caricaturer, c'est très clair que pour Kant si vous faites le bien pour gagner votre paradis votre conduite n'a rien de méritoire et donc vous ne gagnez même pas votre paradis.
Oui il y a de l'injustice, de la justice. L'injustice nous amène du déplaisir, la justice du plaisir. Je trouve ça.... puéril? (je ne trouve pas le mot adéquat) d'espérer un monde plus juste dans l'au delà. Le monde c'est aussi en grosse partie ce qu'on en fait.
Exemple: Une personne va subir une injustice: il a travaillé laborieusement toute sa vie pour construire sa maison et une nuit, une tempête emporte sa maison. C'est injuste! Son voisin dont la maison est toujours debout peut lui tendre la main, et accomplir un geste juste.
Oui la vie est injuste parfois, elle est dure et cruelle, mais nous pouvons aussi agir pour amener de la bonté et de la justice... Espérer que cela se produise dans l'au de là est pour moi un renoncement.
Euthyphron a écrit : Le noeud du débat subsistant me paraît mis en évidence par une contradiction (ou est-ce une hésitation?) que je constate dans ce que tu écris, emmanuelle47.
D'un côté tu dis que l'acte moral est accompli en vue d'un intérêt, celui de la société, ce qui veut dire que loi morale et loi sociale se recoupent nécessairement. De l'autre, tu reproches à Kant de confondre morale et loi civile ou religieuse, ce qui veut dire qu'il faut les distinguer.
Les lois civiles et religieuses peuvent aller à l'encontre des lois morales. Donc non je n'hésite pas, je sépare totalement les deux.
Euthyphron a écrit : Or, non seulement Kant n'est pas victime de cette confusion, mais au contraire il tranche si nettement que c'est cela qui peut déranger le lecteur, ou le réveiller. Il y a des situations où il faut désobéir à la loi civile (ou religieuse, cela va de soi) au nom de la loi morale. Quant toute une société veut procéder à un lynchage, par exemple, celui qui agit moralement s'y oppose. Et si l'esclavage a été aboli, c'est parce que certains ont pensé qu'il y avait des préoccupations plus importantes que l'intérêt de la société. Il se trouve d'ailleurs que c'est essentiellement chez Kant (et chez Rousseau) que les anti-esclavagistes ont puisé de quoi fonder théoriquement leur combat.
Là je suis d'accord, il y a des situations où il faut désobéir à la loi civile pour rester moral... Et c'est là que je ne comprend pas: il dit que nous obéissons aux lois morales (civiles et religieuses aussi???) pour accéder à la récompense dans l'au delà, mais d'où sortent ses lois morales si l'empathie n'a rien à faire dans l'histoire?
Euthyphron a écrit :La moralité est donc obéissance à la loi en soi, oui, mais en même temps, de façon aussi inséparable que le recto et le verso d'une même feuille, capacité de résistance à toute forme d'oppression.
A la loi sociale alors, pas la loi civile ou religieuse car cette dernière peut être facteur d'oppression.
Euthyphron a écrit :La morale reste complètement extérieure à la sensibilité de l'individu (j'emploie ce mot, comme Kant ou plutôt ses traducteurs, dans son sens premier de capacité à recevoir des impressions par les sens, mais on pourrait aussi le comprendre au sens actuel). Mais pas à la volonté, qui la reconnaît comme sa norme (de même que l'intelligence reconnaît le vrai comme sa norme).
L'autonomie, qui est le maître mot, signifie étymologiquement la loi qu'on se donne à soi-même. Il suffit de comprendre que la sensibilité ne fournit aucune loi pour qu'il devienne possible de penser une autonomie morale sans souci de satisfaction sensible.
Comment établir une morale en se coupant de notre sensibilité? D'où vient cette morale? D'où vient la volonté? Qu'est ce qui permet d'affirmer que la sensibilité ne fournit aucune loi?
Euthyphron a écrit :Puisque la loi doit commander de telle sorte que ce qui s'impose à moi s'impose à tous, sans quoi elle n'est pas la loi mais une simple maxime, c'est à la raison qu'il revient, non pas de manifester ses préférences (ce que suggère fâcheusement à mon avis le mot "valeur"), mais de déterminer ce que ma volonté reconnaît elle-même comme sa norme.
"Agis de telle sorte que la maxime de tes actions puisse être érigée en loi universelle" est la formulation de ce que Kant appelle l'impératif catégorique. C'est à ce critère que nous pouvons juger la valeur morale de nos actions. Puis-je vouloir sans contradiction l'esclavage universel? Il est évident que non. Je peux vouloir l'esclavage de tous sauf moi, en établissant une exception. Mais si je fais ainsi je ne respecte pas l'impératif catégorique et je peux donc vérifier ce que je savais déjà, réduire autrui en esclavage est immoral, même pour un misanthrope.
Faut il séparer sensibilité et raison? Je comprend la notion d'empathie comme étant justement l'union des 2. Ressentir une émotion peut rester totalement anarchique, il lui faut la raison pour lui donner un sens, et entrainer une action utile.
L'être humain ne se concoit pas seul, mais dans un groupe, et le langage permet d'ajuster les raisonnements et d'ainsi de dessiner des lois morales.

Pour l'exemple de l'esclavage... un autre angle de vue: pourquoi le refuser pour soi même? car notre sensibilité ne l'accepte pas. Notre raison nous permet de formaliser ce refus. Pourquoi ne pas l'accepter pour les autres? car notre empathie nous montre que c'est une situation inadmissible pour l'autre et nous fait également ressentir sa souffrance, ce qui nous conduit à rejeter l'esclavage pour tous.
Le biais est notre capacité à inhiber notre empathie pour ceux que nous ne considérons pas comme nos semblables.

Ce qui revient au même que d'adopter une loi universelle tout en excluant des êtres humains de l'universalité en les dénuant de leur humanité.
Avec un raisonnement différent nous arrivons aux même conclusions, enfin je trouve.
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Euthyphron
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

emmanuelle47 a écrit : Ce qui me pose problème c'est l'aspect méritoire ou pas. Je ne conçois pas les choses ainsi. Nos actes n'ont pas à être méritoires ou non.
Il ne faut pas avoir peur des mots. "Méritoire" est le symétrique de "coupable". Une action est méritoire lorsqu'elle est bonne et peut être imputée à un sujet libre.
emmanuelle47 a écrit :Pourquoi la récompense attendue dans l'au delà serait plus méritoire que celle ressentie immédiatement?
Elle ne l'est pas. N'est méritoire que l'action qui ne recherche pas de récompense.
emmanuelle47 a écrit :Oui la vie est injuste parfois, elle est dure et cruelle, mais nous pouvons aussi agir pour amener de la bonté et de la justice...
Kant ne dit certes pas le contraire. Il sait simplement qu'un monde parfait n'existe pas, ce qui ne doit pas nous empêcher d'y contribuer.
emmanuelle47 a écrit : Les lois civiles et religieuses peuvent aller à l'encontre des lois morales. Donc non je n'hésite pas, je sépare totalement les deux.
Bon. Tu viens de faire un très grand pas vers Kant!
emmanuelle47 a écrit : Et c'est là que je ne comprend pas: il dit que nous obéissons aux lois morales (civiles et religieuses aussi???) pour accéder à la récompense dans l'au delà
Absolument pas. Encore une fois, l'acte moralement pur ne cherche pas de récompense, ni ici, ni ailleurs.
emmanuelle47 a écrit : Comment établir une morale en se coupant de notre sensibilité?
En faisant comme Kant, car je crois que toute personne voulant fonder la morale sur l'opposition entre la sensibilité et la raison aboutira aux mêmes conclusions. Mais tu penses que ce n'est pas une bonne idée d'exclure la sensibilité, moi non plus. Cela classe Kant parmi les puritains, et je ne crois pas que les puritains aient raison.
emmanuelle47 a écrit :Pour l'exemple de l'esclavage... un autre angle de vue: pourquoi le refuser pour soi même? car notre sensibilité ne l'accepte pas. Notre raison nous permet de formaliser ce refus. Pourquoi ne pas l'accepter pour les autres? car notre empathie nous montre que c'est une situation inadmissible pour l'autre et nous fait également ressentir sa souffrance, ce qui nous conduit à rejeter l'esclavage pour tous.
Le biais est notre capacité à inhiber notre empathie pour ceux que nous considérons pas comme nos semblables.
Ce qui revient au même que d'adopter une loi universelle tout en excluant des être humains de l'universalité en les dénuant de leur humanité.
Avec un raisonnement différent nous arrivons aux même conclusions, enfin je trouve.
Kant n'exclut personne, pas même les extra-terrestres s'il en existe, car c'est toute créature raisonnable, donc capable de moralité, qui doit être respectée, respectée voulant justement dire traitée comme un sujet autonome capable de mérite et de démérite (ne pas respecter voulant dire le contraire, comme il se doit).
Mais en effet, on peut arriver aux mêmes conclusions, et à la même morale, en s'épargnant tout le travail spéculatif accompli. Kant le sait très bien et le revendique ; il n'a jamais eu l'intention d'inventer une nouvelle morale qui serait la meilleure du monde, mais seulement celle de fonder la morale universelle. Donc, ce qu'il rejette ne surprendra pas. il est contre le meurtre, le vol, le viol, le mensonge, etc.
A quoi bon alors s'être donné tout ce mal? Il y a des cas-limites. Il y a des moments où une société (ou un individu) en crise perd ses repères. Il faut donc fournir les clefs pour que chacun puisse retrouver en lui-même la loi morale, quand par exemple la propagande nazie a gagné l''assentiment enthousiaste de l'opinion.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

J'ai encore une récrimination à formuler, si je n'agace pas trop.
Selon Kant, la morale ne s' applique-t-elle qu'aux hommes ? Quel destin sa morale donne t elle aux animaux ou même aux enfants, aux femmes ?
Cette morale donne-t-elle des valeurs différentes aux êtres ou bien est ce binaire ?

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

C'est binaire si tu veux, car il y a ce qui est capable de moralité (donc de faire le mal) et ce qui ne l'est pas. Kant exige de "traiter l'humanité en ta personne comme en celle d'autrui non seulement comme un moyen, mais aussi comme une fin". Donc, c'est facile, cela ne vaut pas pour les animaux, mais cela vaut pour les femmes et les enfants bien entendu, et même pour les extra-terrestres s'il y en a qui soient des sujets pensants et autonomes. :angel10:

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Pier Kirool »

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

J'ai bien compris que Kant n'exclue personne... Je dis simplement que l'un ou l'autre raisonnement comporte la même faille éventuelle.

Ensuite donc, c'est bien ça j'avais compris que l'homme attendait sa récompense dans l'au-delà.... mais c'était pas logique.
Mais alors que vient faire Dieu la dedans? Désolée te faire reformuler encore et encore....
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Pour bien comprendre le rapport avec l'existence de Dieu, il faudrait évoquer tout le contexte. Je vais essayer de le faire rapidement.
Kant, avant d'écrire sur la morale, a cherché à pacifier la philosophie, et en particulier la métaphysique, en se demandant pourquoi les mêmes savants (car c'étaient les mêmes) arrivaient à se mettre d'accord en sciences, et ne cessaient de s'écharper en métaphysique. Bilan : on ne peut prouver l'existence de Dieu. Mais bien sûr, on ne peut pas prouver non plus son inexistence. C'est affaire de foi et non de savoir.
Qu'est-ce qu'on fait alors? on lance une pièce en l'air? Il faut considérer l'enjeu. Un athée, à l'époque, c'est un libertin matérialiste (voir Diderot) pour qui tout résulte du hasard de combinaisons d'atomes, et donc l'univers n'a pas d'intention particulière, et donc tout est permis (c'est l'époque du marquis de Sade, ne l'oublions pas). Pas de Dieu, donc immoralité, disent les libertins. Moralité, donc il faut croire qu'il y a un Dieu, répond Kant. Il faut penser que la nature ne fait rien en vain et que si l'homme est capable de se forger le concept d'un perfectionnement infini alors qu'il ne peut le réaliser c'est qu'une autre vie l'attend.
J'ai déjà dit et redit que je trouvais cela tordu. Cependant je dois reconnaître que, étant totalement persuadé qu'il n'y a rien après la mort, je relativise la morale. Je ne dis pas que je la supprime, car comme mes chers Grecs, je suis sensible à l'idée de m'améliorer pour mieux m'épanouir. Mais il m'arrivera fréquemment de ne pas accorder une valeur absolue à la loi. D'où la tiendrait-elle?
Mais si, comme Kant, de façon très cohérente à défaut d'être très humaine on considère le commandement moral comme inconditionné, comme ne dépendant ni de mes envies ni de mes sentiments mais seulement de ma volonté dont il est la norme, alors on reconnaît un ordre moral transcendant, qu'il est normal d'appeler Dieu.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Euthyphron a écrit :C'est binaire si tu veux, car il y a ce qui est capable de moralité (donc de faire le mal) et ce qui ne l'est pas. Kant exige de "traiter l'humanité en ta personne comme en celle d'autrui non seulement comme un moyen, mais aussi comme une fin". Donc, c'est facile, cela ne vaut pas pour les animaux, mais cela vaut pour les femmes et les enfants bien entendu, et même pour les extra-terrestres s'il y en a qui soient des sujets pensants et autonomes. :angel10:
Si je reviens sur ces histoires d'animaux... le hic est que la limite est beaucoup plus floue qu'on ne le pense entre animalité et humanité.
Les primatologues après 50 ans d'observations nous montre que le bien et le mal prennent leurs racines profondément.

Comment analyser les comportements de nos plus proches cousins?
Euthyphron a écrit :Pour bien comprendre le rapport avec l'existence de Dieu, il faudrait évoquer tout le contexte. Je vais essayer de le faire rapidement.
Kant, avant d'écrire sur la morale, a cherché à pacifier la philosophie, et en particulier la métaphysique, en se demandant pourquoi les mêmes savants (car c'étaient les mêmes) arrivaient à se mettre d'accord en sciences, et ne cessaient de s'écharper en métaphysique. Bilan : on ne peut prouver l'existence de Dieu. Mais bien sûr, on ne peut pas prouver non plus son inexistence. C'est affaire de foi et non de savoir.
Qu'est-ce qu'on fait alors? on lance une pièce en l'air? Il faut considérer l'enjeu. Un athée, à l'époque, c'est un libertin matérialiste (voir Diderot) pour qui tout résulte du hasard de combinaisons d'atomes, et donc l'univers n'a pas d'intention particulière, et donc tout est permis (c'est l'époque du marquis de Sade, ne l'oublions pas). Pas de Dieu, donc immoralité, disent les libertins. Moralité, donc il faut croire qu'il y a un Dieu, répond Kant. Il faut penser que la nature ne fait rien en vain et que si l'homme est capable de se forger le concept d'un perfectionnement infini alors qu'il ne peut le réaliser c'est qu'une autre vie l'attend.
J'ai déjà dit et redit que je trouvais cela tordu. Cependant je dois reconnaître que, étant totalement persuadé qu'il n'y a rien après la mort, je relativise la morale. Je ne dis pas que je la supprime, car comme mes chers Grecs, je suis sensible à l'idée de m'améliorer pour mieux m'épanouir. Mais il m'arrivera fréquemment de ne pas accorder une valeur absolue à la loi. D'où la tiendrait-elle?
Mais si, comme Kant, de façon très cohérente à défaut d'être très humaine on considère le commandement moral comme inconditionné, comme ne dépendant ni de mes envies ni de mes sentiments mais seulement de ma volonté dont il est la norme, alors on reconnaît un ordre moral transcendant, qu'il est normal d'appeler Dieu.
ok c'est tordu, et je n'adhère pas, séparant totalement moralité et divinité.
Perso, je suis totalement persuadée de l'absence de vie après la mort, et je ne relativise pas du tout la morale (la loi si par contre). Au contraire, je trouve qu'elle prend tout son sens en l'absence d'un Dieu. Mais effectivement ce sens a une part spirituelle chez l'être humain qui est éternellement en quête de sens.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Euthyphron a écrit :Pour bien comprendre le rapport avec l'existence de Dieu, il faudrait évoquer tout le contexte. Je vais essayer de le faire rapidement.
Kant, avant d'écrire sur la morale, a cherché à pacifier la philosophie, et en particulier la métaphysique, en se demandant pourquoi les mêmes savants (car c'étaient les mêmes) arrivaient à se mettre d'accord en sciences, et ne cessaient de s'écharper en métaphysique. Bilan : on ne peut prouver l'existence de Dieu. Mais bien sûr, on ne peut pas prouver non plus son inexistence. C'est affaire de foi et non de savoir.
Qu'est-ce qu'on fait alors? on lance une pièce en l'air? Il faut considérer l'enjeu. Un athée, à l'époque, c'est un libertin matérialiste (voir Diderot) pour qui tout résulte du hasard de combinaisons d'atomes, et donc l'univers n'a pas d'intention particulière, et donc tout est permis (c'est l'époque du marquis de Sade, ne l'oublions pas). Pas de Dieu, donc immoralité, disent les libertins. Moralité, donc il faut croire qu'il y a un Dieu, répond Kant. Il faut penser que la nature ne fait rien en vain et que si l'homme est capable de se forger le concept d'un perfectionnement infini alors qu'il ne peut le réaliser c'est qu'une autre vie l'attend.
J'ai déjà dit et redit que je trouvais cela tordu. Cependant je dois reconnaître que, étant totalement persuadé qu'il n'y a rien après la mort, je relativise la morale. Je ne dis pas que je la supprime, car comme mes chers Grecs, je suis sensible à l'idée de m'améliorer pour mieux m'épanouir. Mais il m'arrivera fréquemment de ne pas accorder une valeur absolue à la loi. D'où la tiendrait-elle?
Mais si, comme Kant, de façon très cohérente à défaut d'être très humaine on considère le commandement moral comme inconditionné, comme ne dépendant ni de mes envies ni de mes sentiments mais seulement de ma volonté dont il est la norme, alors on reconnaît un ordre moral transcendant, qu'il est normal d'appeler Dieu.
ok c'est tordu, et je n'adhère pas, séparant totalement moralité et divinité.
Perso, je suis totalement persuadée de l'absence de vie après la mort, et je ne relativise pas du tout la morale (la loi si par contre). Au contraire, je trouve qu'elle prend tout son sens en l'absence d'un Dieu. Mais effectivement ce sens a une part spirituelle chez l'être humain qui est éternellement en quête de sens.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit :C'est binaire si tu veux, car il y a ce qui est capable de moralité (donc de faire le mal) et ce qui ne l'est pas. Kant exige de "traiter l'humanité en ta personne comme en celle d'autrui non seulement comme un moyen, mais aussi comme une fin". Donc, c'est facile, cela ne vaut pas pour les animaux, mais cela vaut pour les femmes et les enfants bien entendu, et même pour les extra-terrestres s'il y en a qui soient des sujets pensants et autonomes. :angel10:
Bon, j'ai jeté un oeil sur le net et je suis tombée sur une belle citation qui ne va pas dans ce sens :
Les Nègres d’Afrique n’ont reçu de la nature aucun sentiment qui s’élève au-dessus de la niaiserie (...) Les Noirs (...) sont si bavards qu’il faut les séparer et les disperser à coups de bâton ».
Kant, Observations sur le sentiment du beau et du sublime

On peut se demander quelle valeur a une morale décrétée indépendante de la sensibilité de l'individu, au vu du résultat.

Quand j'éduque mon enfant je parle toujours du ressenti de l'autre pour renforcer sa capacité d'empathie et de compréhension des relations humaines, afin qu'il devienne pleinement acteur et bâtisseur de la morale, poussé par sa sensibilité.
Je le forme à l'influence de l'autre et à l'influence sur l'autre, à combattre les a priori et incompréhensions, bref à ce que j'ai pu comprendre parfois dans la douleur et m'a permis d'être plus juste avec autrui.

Chez moi tout repose sur ma sensibilité et je crois qu'il serait illusoire de penser qu'on obéira à des règles si elles sont vides d'affect, vides de sens.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Je connaissais cette scorie... :x
Elle est extraite d'un opuscule écrit à l'époque où Kant n'est pas encore en possession de son système. Cela prouve que Kant était victime des préjugés de son époque, et si donc quelqu'un se sentait sur le point de vénérer le grand homme et de lui vouer un culte cela aidera à le faire redescendre sur terre. :punch:
Mais cela n'invalide en rien la théorie morale élaborée par la suite (presque vingt ans après). Cela rappelle à quel point le préjugé selon lequel il n''y a qu'une civilisation et quelques sauvages retardataires a pesé dans notre histoire. Un siècle plus tard, le colonialisme sera le cheval de bataille des républicains, soucieux de propager le progrès des Lumières parmi les peuplades dites primitives.
On peut néanmoins en tirer une question, dont je sens que tu veux l'aborder. Une morale purement rationnelle ne risque-t-elle pas de dégénérer en inhumanité par défaut d'empathie?
Une petite remarque contradictoire d'abord : ce que dit Kant, dans la citation que tu as relevée, relève du pathos et non d'un discours rationnel. Faire confiance à ses sentiments, cela débouche aussi, parfois, sur le racisme.
Mais la question porte sur la raison. C'est au fond le cas Eichmann, dont le procès a été couvert par Hannah Arendt, ce qui est à l'origine du livre "Eichmann à Jérusalem". Au cours du procès, Eichmann se réclame de Kant, et affirme avoir vécu toute sa vie selon les préceptes de Kant.
Or, il y a une incompatibilité radicale entre le nazisme et le kantisme. Si l'on veut être disciple de l'un la logique oblige à ne pas être disciple de l'autre. Ce n'est pas rien. Quant on voit à quel point l'Allemagne des années 30 a été sentimentalement conquise par le Fuehrer, on a envie de remercier la logique et de s'y atteler, et de regretter qu'elle ne soit pas plus enseignée.
Mais le fait est que psychologiquement certains ont pu bricoler une petite synthèse personnelle, comme Eichmann. Kant après tout est un pur Allemand, et accorde une place prépondérante au devoir.
Défaut de logique, défaut d'empathie? Les deux, mon général! Et aussi de recul.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit :Je connaissais cette scorie... :x
Elle est extraite d'un opuscule écrit à l'époque où Kant n'est pas encore en possession de son système. Cela prouve que Kant était victime des préjugés de son époque, et si donc quelqu'un se sentait sur le point de vénérer le grand homme et de lui vouer un culte cela aidera à le faire redescendre sur terre. :punch: .
Il y a un autre exemple après la création du système et argumenté logiquement, sur un enfant.

À propos du meurtre d’un enfant né hors mariage] : « L'enfant né en dehors du mariage est né hors la loi (qui est le mariage) et par conséquent aussi en dehors de sa protection. Il s'est, pour ainsi dire, glissé dans la république (comme une marchandise interdite) ; de telle sorte que (puisque légitimement il n'aurait pas dû exister de cette manière) l'État peut ignorer son existence et par conséquent aussi l'acte qui le fait disparaître »
Kant, Doctrine du droit 

 Et pour le reste de ton explication, cela a l'air très intéressant...je le lirai au calme, merci ! :-)

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Boby
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Boby »

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Nous verrons cela... Destinée ... ou PAS !

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Boby, je suis d'accord pour aller voir du côté de chez Platon, mais il faut que je dise un mot à propos du dernier message de ZeBrebis.
ZeBrebis, j'ai déjà eu vent de ce ragot à deux reprises, sur différents forums de philosophie auxquels j'ai participé. J'ignore qui le diffuse, et persiste, car la première fois c'était sur le défunt philoforum il y a déjà trois ans si ma mémoire est bonne. A l'époque j'ai été très surpris, la contradiction étant flagrante avec l'ensemble du système kantien. Mais comme j'ai la Doctrine du Droit chez moi j'ai cherché, avec un peu de peine, car le ragot diffusé ne donnait ni le chapitre ni le contexte, et apparemment c'est toujours le cas.
J'ai quand même fini par trouver. Il s'agit d'un passage où Kant expose une thèse qui n'est pas la sienne à titre d'exemple de résistance de l'opinion à la moralité. L'infanticide, évidemment immoral et qui doit évidemment être réprimé par la loi, est généralement vu par l'opinion (de l'époque, cela va de soi) avec indulgence dans le cas de l'enfant illégitime tué à sa naissance. Un autre exemple est celui du crime d'honneur. Kant pose ainsi le problème de la difficulté à légiférer moralement, qui oblige à faire évoluer l'opinion.
A aucun moment il ne se montre favorable à l'infanticide, dont il va même jusqu'à dire qu'en soi il mérite la mort, même s'il faut tenir compte de l'état de civilisation où il se produit et trouver le juste milieu entre cruauté et indulgence. (Doctrine du droit, II, §49)

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Ce que tu dis ne me saute pas aux yeux dans le lien avec la page de l'extrait. Mais il faudrait que je le feuillette.

voir ici

Il parle de cas d'homicides où la peine de mort à infliger serait douteuse. Il ne déplore pas le fait de ne pas voir puni de mort l'infanticide mais explique les circonstances qui font qu'on ne peut plus parler de meurtre et ainsi punir comme pour un meurtre. Et argumente de manière choquante pour nous la différence de nature entre l'infanticide ou le duel et le meurtre.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

L'argumentation commence à la page précédente. Voici le début, dans la traduction dont je dispose (Renaut): "Il y a cependant deux crimes qui méritent la mort et vis à vis desquels la question de savoir si la législation est aussi légitimée à leur infliger la peine de mort demeure encore douteuse".
Puis Kant passe à l'examen des raisons de douter qu'il faille punir ces deux crimes (infanticide, crime d'honneur), dans le passage que tu as envoyé. Note le capital "il semble que" de la dixième ligne.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Je ne lis pas les choses de la même manière que toi. J'y vois uniquement le fait que bien que l'acte soit de tuer un humain, les circonstances sociales en effacent le caractère de meurtre car les protagonistes sont alors catapultés dans leur état de nature, l'honneur les obligeant à ces actes.

Nies-tu qu'il dit qu'il ne faudrait pas appeler cela un meurtre ? Et que cette argumentation citée -dont le cynisme absolu était en fait l'élément le plus choquant- est bien ce qu'il invoque pour justifier que l'Etat puisse fermer les yeux sur ce type d'infanticide sans devenir coupable ?!

Si tu en doutes je pense qu'en lisant plus loin le cas du duel cela appuie ce que j'avance. Il fait le parallèle entre les deux situations et dit : "se voit tout aussi bien contraint par l'opinion publique de ses compagnons d'armes d'obtenir pour lui-même satisfaction et, comme à l'état de nature, de punir l'offenseur."

Qu'il se retourne dans sa tombe, peu me chaut. J'ai lu et relu, c'est immoral et partant de là je ne donne pas lourd de sa théorie donc.
Certes il y a un côté jouissif à briser les idoles, mais si je le fais c'est aussi parce que je pense qu'il s' est empêtré dans le faux.

PS : Tu as accès au Petit salon et Mlle Rose t'y a fait un coucou ;)

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Euthyphron a écrit :
emmanuelle47 a écrit : A quoi bon alors s'être donné tout ce mal? Il y a des cas-limites. Il y a des moments où une société (ou un individu) en crise perd ses repères. Il faut donc fournir les clefs pour que chacun puisse retrouver en lui-même la loi morale, quand par exemple la propagande nazie a gagné l''assentiment enthousiaste de l'opinion.
Exemple de cas-limite:

Nous sommes dans un train dont les freins ne fonctionnent plus.

2 situations:
-Nous arrivons à un aiguillage d'un côté 5 hommes, de l'autre un seul.
-Il y a 5 hommes sur la voie, et avons près de nous un homme corpulent qui si on le pousse sur la voie pourra arrêter le train à temps.

Quels seraient les décisions que nous prendrions?

Les 2 situations sont elles équivalentes?

Kant ferait-il une différence entre les 2 situations?




Dans le cadre du nazisme, si on utilise uniquement la raison pour choisir sa moralité, n'est ce pas encore plus aisé de tordre les idées, d'utiliser l'ignorance ou la difficulté à avoir des raisonnements poussés de part un manque éducatif par exemple? L'empathie étant la réunion de la raison et la sensibilité, il me semble que les résistances peuvent être plus fortes face aux distorsions... enfin j'ai l'impression.
"Dolto avait raison au fond... Le problème c'est qu'on vit en surface" C. Alévèque.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

ZeBrebis a écrit :Je ne lis pas les choses de la même manière que toi. J'y vois uniquement le fait que bien que l'acte soit de tuer un humain, les circonstances sociales en effacent le caractère de meurtre car les protagonistes sont alors catapultés dans leur état de nature, l'honneur les obligeant à ces actes.

Nies-tu qu'il dit qu'il ne faudrait pas appeler cela un meurtre ? Et que cette argumentation citée -dont le cynisme absolu était en fait l'élément le plus choquant- est bien ce qu'il invoque pour justifier que l'Etat puisse fermer les yeux sur ce type d'infanticide sans devenir coupable ?!

Qu'il se retourne dans sa tombe, peu me chaut. J'ai lu et relu, c'est immoral et partant de là je ne donne pas lourd de sa théorie donc.
Certes il y a un côté jouissif à briser les idoles, mais si je le fais c'est aussi parce que je pense qu'il s' est empêtré dans le faux.

PS : Tu as accès au Petit salon et Mlle Rose t'y a fait un coucou ;)
J'ai vu pour le petit salon, merci! Il y a de très belles photos.
Pour en revenir à Kant, oui je le nie farouchement. Je n'y peux rien, si tu lis le texte calmement à partir du début de l'argumentation il n'y a aucun doute possible sur son interprétation. Ce qui te semble une horreur qu'il aurait dite, c'est l'opinion commune qui le soutient, et Kant affronte cette dure réalité en disant qu'on ne peut que prendre en compte cette opinion, car elle témoigne d'un état insuffisamment avancé de la législation, mais que le crime reste un crime.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

emmanuelle47 a écrit : Exemple de cas-limite:
Nous sommes dans un train dont les freins ne fonctionnent plus.
2 situations:
-Nous arrivons à un aiguillage d'un côté 5 hommes, de l'autre un seul.
-Il y a 5 hommes sur la voie, et avons près de nous un homme corpulent qui si on le pousse sur la voie pourra arrêter le train à temps.
Quels seraient les décisions que nous prendrions?
Les 2 situations sont elles équivalentes?
Kant ferait-il une différence entre les 2 situations?
Dans le cadre du nazisme, si on utilise uniquement la raison pour choisir sa moralité, n'est ce pas encore plus aisé de tordre les idées, d'utiliser l'ignorance ou la difficulté à avoir des raisonnements poussés de part un manque éducatif par exemple? L'empathie étant la réunion de la raison et la sensibilité, il me semble que les résistances peuvent être plus fortes face aux distorsions... enfin j'ai l'impression.
Le cas que tu proposes est en effet un exemple de dilemme moral, alors que selon la philosophie kantienne cela ne devrait pas exister.
Je ne sais pas ce que moi je ferais, mais la vie est bien faite, cela ne risque pas de m'arriver.
Je crois savoir ce que Kant dirait. Tuer un homme est un crime. Ne pas pouvoir empêcher la mort de cinq hommes sans commettre de crime (ce que l'énoncé de ton problème impose) n'en est pas un. Donc, Kant dirait qu'il ne faut pas pousser le gros.
Pour ce que tu dis du nazisme, c'est nettement plus facile. C'est justement si l'on ne se fie qu'à la raison qu'on évitera toute torsion. Les sentiments, eux, varient.
Mais bien sûr, à un enfant on ne fait pas lire Kant, on lui apprend d'abord à trouver lui-même la loi. C'est-à-dire à être kantien sans le savoir.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Je reste pourtant encore sur ma lecture. Et j'explique pourquoi.

Auparavant, Kant explique les cas où selon lui (appuyé sur la morale) l'Etat a le droit ou non de punir par la peine de mort les crimes commis. Il expose à la fin de la justification de cette peine pour les meurtres les deux cas très vraisemblablement punis de mort à l'époque (j'ai une source poussant à le penser, bien que n'ayant pas la certitude...par ici) -ce qui expliquerait le fait qu'il écrive que ce sont des cas dignes de mort- dont il pense que l'Etat ne peut selon la morale les condamner à mort.

Ensuite, le "il semble que" n'a jamais mêlé l'avis de quelqu'un d'autre ou même de la masse. "Il semble que" introduit une impression personnelle qui paraît assez évidente pour être partagée sans argumentation.
"Il semble que nous soyons seuls" par exemple.

Enfin, j'avais édité mon message, pour montrer le caractère affirmatif de Kant et jamais il ne cite ni ne mêle autrui dans ce discours.

Je reste sur ma position actuelle :vgeek:

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

"Il semble que..." est équivalent de "voici ce que l'on pourrait croire", passage presque obligé d'une argumentation philosophique, qui doit s'intéresser aux raisons de l'adversaire.
La suite explique ce qui pourrait justifier les crimes d'honneur, et qui fait que l'application de la peine de mort dans ce cas demeure encore douteuse, comme dit le texte.
La difficulté est conduite jusqu'à son terme, qui dit que l'impératif catégorique reste valide, et donc que ces crimes méritent la peine capitale, mais "l'état encore barbare" (je cite) de la législation étant responsable de la coupable indulgence populaire la punition apparaît injuste aux yeux du peuple.
Le doute dont il est question dans la première phrase de ce passage est donc éclairci : il faut travailler à une évolution de la société qui nous apprenne l'horreur de ces deux crimes que sont l'infanticide et le duel.
Je reviens sur ce que tu as édité.
ZeBrebis a écrit :Si tu en doutes je pense qu'en lisant plus loin le cas du duel cela appuie ce que j'avance. Il fait le parallèle entre les deux situations et dit : "se voit tout aussi bien contraint par l'opinion publique de ses compagnons d'armes d'obtenir pour lui-même satisfaction et, comme à l'état de nature, de punir l'offenseur.
Le duelliste victorieux est ici contraint par l'opinion. C'est l'excuse relative de son crime, qui justifie le doute (toujours le même) mais cela ne saurait être une justification, bien au contraire. Car cela montre que c'est à cause de la force de l'opinion publique, et non par des raisons solides, que l'on en vient à excuser un meurtrier.
Que cela se ramène à une régression à l'état de nature confirme le caractère immoral de cet acte, bien que la morale de la société l'approuve.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Je ne connais personne qui, bien qu'opposé à un point de vue, le reprenne et l'explicite sans émettre aucune réserve, sans même mettre de distance en marquant bien que c'est "selon eux".

Il détaille avec sérieux ce point de vue, sans jamais désavouer quoi que ce soit qui y est exposé, quand à la page d'avant il bashait sévèrement celui qui remettait en cause la peine de mort avec argumentation à la suite.

Je ne suis pas convaincue et je ne pense pas pouvoir l'être arrivée à mon niveau de certitude actuel ; je suis navrée qu'on ne tombe pas d'accord :nesaitpas:

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

J'ai peur que ce point de détail ne lasse les éventuels lecteurs, mais comme je suis sûr d'avoir raison, ce qui, promis, n'est pas systématique, j'essaie encore.
ZeBrebis a écrit :Je ne connais personne qui, bien qu'opposé à un point de vue, le reprenne et l'explicite sans émettre aucune réserve, sans même mettre de distance en marquant bien que c'est "selon eux".
Il détaille avec sérieux ce point de vue, sans jamais désavouer quoi que ce soit qui y est exposé, quand à la page d'avant il bashait sévèrement celui qui remettait en cause la peine de mort avec argumentation à la suite.
C'est peut-être parce que tu n'es pas habituée à lire des ouvrages de philosophie, car c'est au contraire très courant, et pour des raisons de rigueur logique. En effet, l'infanticide n'est pas le sujet du texte, mais un exemple. Exemple de quoi? Telle est la bonne question. Le contexte le dit : exemple de crime toléré par le peuple.
Puisque tel est le problème, l'écart entre ce que la moralité interdit et ce que la société tolère, si l'on veut le traiter sérieusement, il faut détailler sérieusement l'argumentation qui est à la source du problème. De plus, ce n'est pas le moment ni de nous faire pleurer, ni de se demander si l'infanticide est moral ou pas, puisque ce n'est pas le sujet et qu'on ne peut pas traiter valablement plusieurs questions à la fois.
Pour ceux qui veulent néanmoins savoir ce que Kant pense de l'infanticide, trois preuves au moins de sa culpabilité aux yeux de Kant figurent dans le texte :
1) au tout début il est parlé de deux crimes qui "méritent la mort".
2) l'argument en faveur de l'infanticide, ou du duel, relève du conformisme. L'opposition kantienne entre conformisme et moralité, dont nous avons déjà parlé surtout avec emmanuelle47, est suffisamment tranchée pour qu'on ne puisse tenir une excuse au nom de l'opinion publique comme valable.
3) la conclusion rappelle que l'impératif catégorique qui dit que l'homicide d'autrui doit être puni de mort reste valide.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

J'avais sottement lu avant le passage incriminé et non après. Je retouche mon avis sur ces nouvelles bases et j'admets que selon Kant la morale voudrait que tout homicide soit puni de mort (et sans doute que "digne de mort" s' entend dans ce sens).

Mais je garde la divergence sur le corps du problème : pour moi Kant admet les actes en question au regard du fait que la législation ne peut leur permettre une solution honorable ; il reconnaît à l'honneur un poids tel qu'il trouve que c'est bel et bien un dilemme que de savoir s' il faut effacer l'acte ou le concept d'honneur lors du jugement.

En poussant les hommes (et femmes) à la faute morale, c'est donc la législation (barbare et inculte) qui empêche la moralité et on ne peut punir ces individus au regard de la morale sauf à commettre l'injustice. Je comprends que les individus criminels ne peuvent pas être reconnus comme pleinement responsables ici.

Bref, pour moi il ne donne aucun point de vue opposé au sien dans ce passage, c'est simplement que pour lui ce sont des cas limite.

(Punaise, je suis plus à l'aise avec les mathématiques. Pas d'interprétation, le vrai est indiscutable...Je suis désolée d'insister autant, je crois que je suis têtue comme une bourrique :wasntme: )

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