Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Euthyphron
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Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Qui sont les individus supérieurs? Question qui devient vite à la fois confuse, sans issue et impolie. Mais changeons-la un tout petit peu, évitons les comparaisons scabreuses, et envisageons le rapport à soi : si je veux m'améliorer, quelle qualité dois-je cultiver? C'est la même question, en plus sympa.
Interrogeons les deux plus grandes stars de l'histoire de la philosophie : Platon et Kant. Tous deux, en forçant un peu, pourraient donner la même réponse : il faut devenir ce qu'on appelle un juste. Mais méfions-nous des ressemblances de surface. En réalité, nos deux grands penseurs représentent deux perspectives opposées, pour Kant la qualité essentielle est la bonne volonté, pour Platon c'est l'intelligence.
Kant défend la bonne volonté, entendez par là la volonté de faire le bien et d'éviter le mal, opposée à la perversité et à l'égoïsme. Parmi toutes les qualités humaines, la bonne volonté est la seule qui soit sans aucune ambivalence. L'intelligence, par exemple, est souvent dévoyée. C'est pourquoi, tout naturellement, nous jugeons favorablement les gens vertueux. Les qualités morales sont les seules qui méritent vraiment l'estime, les autres qualités pouvant mériter louanges et encouragements, puisqu'elles sont des qualités, mais de façon conditionnelle et donc relative, puisqu'elles peuvent être indifférentes, voire hostiles, au bien.
Platon a formulé un grand principe souvent mal compris, et qui va à l'encontre de ce que je viens de dire : c'est que "nul n'est méchant volontairement". Attention au contresens : il est évident que certains font ce que l'on appelle le mal (et qui est peut-être vraiment mal, Platon ne dit certes pas le contraire!) de façon volontaire, mais c'est parce qu'ils pensent que c'est un bien. Un bien pour eux, naturellement. Mais quand je pense que quelque chose est un bien, c'est forcément, si c'est sincère, par rapport à moi. Donc, le "bon" comme le "méchant" sont égaux sur ce point : tous deux agissent selon ce qui leur paraît être la meilleure chose à faire. Autrement dit, toute volonté veut le bien, mais tous les hommes ne s'accordent pas sur ce qu'est le bien. Qu'est-ce qui fait alors la différence? La qualité de la pensée que nous avons du bien. C'est donc l'intelligence qui est la qualité fondamentale à cultiver, à laquelle les autres qualités sont soumises. L'intelligence est donc un don précieux, qu'il faut éduquer par la philosophie lorsqu'on est d'un naturel doué.
Evidemment, selon que l'on est plutôt kantien ou plutôt platonicien, la vision que l'on aura de l'éducation ne sera pas la même, ni le regard que l'on portera sur autrui, surtout quand on aura des reproches à lui faire. Un kantien voudra rectifier la volonté, un platonicien cherchera à corriger l'intelligence.
Et quelqu'un dont il est établi qu'il est un surdoué, s'il est kantien, devra tenir cela pour à peu près rien, car n'indiquant rien des qualités morales, alors qu'un platonicien y verra un don divin dont il est impressionnant d'être dépositaire.
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Pier Kirool
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Pier Kirool »

Je suis donc kantien par cet aspect là.
L'utilisation qu'on fait d'un outil est plus importante que l'outil lui-même...
D'ailleurs (ajouterais-je non sans avoir peur de créer un autre débat...), un outil est-il porteur par lui-même d'une idéologie ?
Euthyphron a écrit :Qui sont les individus supérieurs? (..) si je veux m'améliorer, quelle qualité dois-je cultiver? C'est la même question, en plus sympa.
Mais ne peut-on s'améliorer en cultivant une qualité qui ne soit pas "la bonne volonté" ?
Si la différence se fait sur ce qu'on considère être le bien, ne peut-on pas "apprendre l'intérêt général" par exemple, ce qui permettrait de réfréner son égoïsme (naturel serais-je tenté d'ajouter non sans avoir peur de créer un autre débat...), ce qui aboutirait à une "meilleure bonne volonté" ?
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Je ne suis pas sûr d'avoir compris ce que tu veux dire. Est-ce que tu veux dire que pour progresser dans le sens de la bonne volonté on peut procéder indirectement, en développant d'autres qualités?
En fait, c'est "apprendre l'intérêt général" que je ne comprends pas. Mais si je laisse tomber cet exemple, il me paraît clair que l'apprentissage du travail manuel, par exemple, développe l'attention au réel et la patience, voire parfois l'esprit de collaboration avec autrui, donc des manières de "sortir de soi" et de vaincre son égoïsme, et donc va dans le sens du développement de la bonne volonté.

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Pier Kirool
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Pier Kirool »

Je m'interrogeais sur l'équivalence entre la question "Qui sont les individus supérieurs?" et la question "quelle qualité dois-je cultiver?". Je pense qu'on peut apprendre à utiliser mieux son intelligence en apprenant ce qu'est l'intérêt général, ce qui, je pense, ne revient pas au même qu'augmenter son intelligence.
Pour reprendre ton exemple, si tu cultive l'attention au réel et la patience, tu augmentes ton intelligence. Mais je pense que c'est un débat très périphérique au topic en fait...
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Rhonin.k »

Salut à tous :hai:
Euthyphron a écrit : Evidemment, selon que l'on est plutôt kantien ou plutôt platonicien, la vision que l'on aura de l'éducation ne sera pas la même, ni le regard que l'on portera sur autrui, surtout quand on aura des reproches à lui faire. Un kantien voudra rectifier la volonté, un platonicien cherchera à corriger l'intelligence.
Telle qu'elle est posée, l'équation semble belle. Cependant, je crois qu'il manque une variable qui peut prendre bien des couleurs différentes.
Déjà, n'est-il pas possible d'avoir une part de Platon et une part de Kant qui cohabitent potentiellement en chacun ? Car j'ai bien peur que toutes évaluations de situation par l'un ou par l'autre ne se fasse que selon un éventail de degrés, et non peut-être pas de façon purement binaire...

Il est des personnes qui colleront effectivement au schéma que tu décris, Euthyphon, mais il y en aura d'autres qui devant l'ambivalence, choisiront tantôt telle voie, tantôt telle autre. Sans doute cela s'appuiera-t-il alors sur le rôle conscient que le dit quidam opèrera sur son choix... Ainsi, par exemple, en étant tout à fait de " bonne volonté ", rien n'empèche de céder à la pulsion d'un jour qui peut faire naitre un calcul mal intentionné par le biais de l'intelligence. Le rempart fondamental de la dite éducation Kantienne ne remplissant plus alors son rôle.

Et enfin, quoi penser de ceux et celles qui, par le truchement d'une expérience de vie extrèmement révélatrice vont alors basculer vers l'autre penchant, passant définitivement alors d'un tempéramment Platonien à un autre franchement plus Kantien ? Par un autre exemple et par analogie, il en est parait-il aussi de même pour ceux qui découvrent la foi alors que leur existence n'était qu'une longue suite de désirs matérialistes... Rien ne les préparaient, rien ne les guidaient, rien ne les prédisposait, et pourtant un jour, ils ou elles on radicalement changé.......... :o

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sandrinef
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par sandrinef »

Euthyphron a écrit :Mais changeons-la un tout petit peu, évitons les comparaisons scabreuses, et envisageons le rapport à soi : si je veux m'améliorer, quelle qualité dois-je cultiver? C'est la même question, en plus sympa.
Je prends un peu le contre courant en demandant: si je n'ai pas d'intelligence ni de bonne volonté, mais que je cultive une autre qualité, ça compte aussi? :lol:
J'ai compris les deux idées "opposées" de Kant et Platon mais je me demande si on peut réfléchir de façon plus large...
Euthyphron a écrit :Autrement dit, toute volonté veut le bien, mais tous les hommes ne s'accordent pas sur ce qu'est le bien. Qu'est-ce qui fait alors la différence? La qualité de la pensée que nous avons du bien. C'est donc l'intelligence qui est la qualité fondamentale à cultiver, à laquelle les autres qualités sont soumises. L'intelligence est donc un don précieux, qu'il faut éduquer par la philosophie lorsqu'on est d'un naturel doué.
Par rapport à ce passage, je me fais la réflexion suivante: ce n'est peut-être pas parce que l'intelligence peut éventuellement nous permettre d'appréhender la qualité du bien, que la personne porteuse de cette intelligence tendra à vouloir le bien.
Probablement que je ne range pas dans le même tiroir intelligence et bonne volonté en fait.

De plus je repense à cette question: si je veux m'améliorer, quelle qualité dois-je cultiver? Il me semble que s'améliorer en tant qu'être humain, c'est peut-être améliorer sa capacité à pouvoir devenir ce qu'on est, dans la mesure où notre nature est bonne, évidemment. L'intelligence peut entrer en compte dans la prise de conscience de cela, mais je la trouve très secondaire.
Elle ne fait pas la valeur d'un être humain. C'est son humanité qui pour moi fait sens.Du coup, cela me fait penser que s'il n'y a pas d'Homme supérieur, il y a des Hommes meilleurs que d'autres sur le plan humain. Et, bien souvent, ces Hommes n'ont pas vraiment réfléchi à comment devenir meilleur ni à comment s'améliorer. Ils n'y ont même pas réfléchi une seconde. Ils sont. ;)
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Rhonin.k,
Il est bien clair que la circulation est possible entre les deux univers que j'ai essayé de présenter.
Tu en évoques trois modes, dans l'ordre de lecture le mélange, l'alternance et la conversion.
Le troisième est évidemment possible : il ne manquerait plus que cela qu'on soit obligé de penser la même chose toute sa vie!
Le second l'est aussi, mais concrètement plus improbable, car penser le bien moral comme une obligation (Kant) ou comme le fruit d'une élévation intellectuelle (Platon) ça me semble être deux attitudes psychologiques très différentes, et si l'on passe de l'une à l'autre ce n'est peut-être pas pour refaire le lendemain le trajet en sens inverse. Mais après tout, pourquoi pas?
Le premier, je le vois comme une hésitation légitime, car il y a du Platon dans Kant (un appel à l'autonomie de la réflexion) et du Kant dans Platon (un sentiment du caractère sacré du bien).
Je précise au passage, car peut-être n'ai-je pas été clair, que les deux voies aboutissent à un comportement voisin, qui se veut juste. C'est la manière de le vivre et de le penser qui diffère.

sandrinef,
si le jeu est de se situer, tu es je crois clairement plus kantienne. Tu fournis d'ailleurs un excellent argument, en signalant que la connaissance du bien ne suffit pas pour motiver l'action (c'est bien ça?). A quoi Platon répondrait que celui qui ne fait pas ce qu'il juge bien ne connaît pas vraiment ce bien, ou de façon trop extérieure.
Est-ce que je devine bien si je vois dans tes réticences à choisir le souci de défendre la spontanéité? Il faut faire le bien non pas en s'efforçant presque malgré soi d'accomplir son devoir, mais presque par goût. Est-ce bien cela? Il faudrait alors effectivement chercher ailleurs ton maître, si tant est que tu veuilles un maître, car Kant n'apprécie guère qu'on suive ses penchants naturels. Mais comment faire pour acquérir une bonne nature?

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Dunkleosteus »

A quoi Platon répondrait que celui qui ne fait pas ce qu'il juge bien ne connaît pas vraiment ce bien, ou de façon trop extérieure.
C'est faire fi de l'originalité du mal qui réside dans son pouvoir de séduction infiniment supérieur à celui du bien. Alors que le bien est difficile et austère, le mal est facile et efficace. C'est la raison pour laquelle le mal (contrairement au bien) n'a jamais besoin d'être incarné par un être exceptionnel.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Mais oui, justement et tout à fait. Rien de plus platonicien que le thème de la séduction du mal. Mais celui qui est séduit est trompé, non? Donc le problème est bien de travailler à ne pas être trompé, d'accord? Or, le trompé ne sait pas qu'il est trompé, par définition. Il aura beau être un homme de devoir, fermement décidé à bien agir, il pourra être séduit, comme tu le dis.
Donc, si l'on veut être quelqu'un de bien, il faut rechercher le vrai.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Rhonin.k »

Merci, Euthyphron, pour ta réponse... ;)

et

Merci aussi, Dunkleosteus, pour ta contribution.

Voici justement une des variables que j'ai tenté d'évoquer dans mon précédent message... Visiblement, tu t'y es pris bien mieux que moi pour le dire. :lol:

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Dunkleosteus »

*à Rhonin.k
content que ça t'ai plus :nod:

* à Euthyphron
Euthyphron a écrit :Mais oui, justement et tout à fait. Rien de plus platonicien que le thème de la séduction du mal. Mais celui qui est séduit est trompé, non? Donc le problème est bien de travailler à ne pas être trompé, d'accord? Or, le trompé ne sait pas qu'il est trompé, par définition. Il aura beau être un homme de devoir, fermement décidé à bien agir, il pourra être séduit, comme tu le dis.
Donc, si l'on veut être quelqu'un de bien, il faut rechercher le vrai.
On ne commets pas forcément le mal par erreur, on peut aussi le commettre par opportunité. Dans ce cas, si on ne veut pas le mal en tant que fin, on l'accepte bel et bien en tant que moyen ou encore en tant que conséquence logique de notre action.
il est évident que certains font ce que l'on appelle le mal de façon volontaire, mais c'est parce qu'ils pensent que c'est un bien. Un bien pour eux, naturellement.
Si je ne poursuis que mon intérêt égoïste au mépris de celui des autres et de l’intérêt général, c'est peut être un bien pour moi mais objectivement c'est du mal.

Sinon, je pense qu'il ne faut pas une grande intelligence pour distinguer le bien du mal. Mais trouver la manière correct de faire le bien nécessite plus que de la bonne volonté.
pour ce qui est de l'homme supérieur...ce sera la prochaine fois :drunk:

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par sandrinef »

Euthyphron a écrit :sandrinef,
si le jeu est de se situer, tu es je crois clairement plus kantienne. Tu fournis d'ailleurs un excellent argument, en signalant que la connaissance du bien ne suffit pas pour motiver l'action (c'est bien ça?). A quoi Platon répondrait que celui qui ne fait pas ce qu'il juge bien ne connaît pas vraiment ce bien, ou de façon trop extérieure.
Est-ce que je devine bien si je vois dans tes réticences à choisir le souci de défendre la spontanéité? Il faut faire le bien non pas en s'efforçant presque malgré soi d'accomplir son devoir, mais presque par goût. Est-ce bien cela? Il faudrait alors effectivement chercher ailleurs ton maître, si tant est que tu veuilles un maître, car Kant n'apprécie guère qu'on suive ses penchants naturels. Mais comment faire pour acquérir une bonne nature?
Merci pour ta réponse, Euthyphron.
Effectivement, la connaissance du bien ne suffit pas pour motiver l'action.
Certains font naturellement le bien, d'autres travaillent/s'appliquent à faire le bien( ils s'efforcent d'accomplir leur devoir). Mais il existe aussi des Hommes qui font naturellement le mal et en tirent du plaisir.
En cela je ne suis plus kantienne, car je ne suis pas sûre que suivre ses penchants naturels soit forcément toujours une bonne chose. Car tout dépend du penchant.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

sandrinef a écrit : Certains font naturellement le bien, d'autres travaillent/s'appliquent à faire le bien( ils s'efforcent d'accomplir leur devoir). Mais il existe aussi des Hommes qui font naturellement le mal et en tirent du plaisir.
Sommes-nous si différents? J'en doute.
sandrinef a écrit :En cela je ne suis plus kantienne, car je ne suis pas sûre que suivre ses penchants naturels soit forcément toujours une bonne chose. Car tout dépend du penchant.
Si, au contraire, c'est cela qui te rapproche de Kant.
Rapidement, pour Kant suivre ses penchants n'est jamais méritoire, même quand le penchant est positif. Par exemple, donner une pièce à un mendiant parce que ça fait chaud au coeur d'accomplir une bonne action c'est trouver une bonne façon de se faire plaisir et ça doit être encouragé mais ça n'a aucune valeur morale. Il faudrait que l'acte soit accompli par pur respect pour le devoir pour qu'il ait une valeur morale.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Dunkleosteus a écrit : On ne commets pas forcément le mal par erreur, on peut aussi le commettre par opportunité. Dans ce cas, si on ne veut pas le mal en tant que fin, on l'accepte bel et bien en tant que moyen ou encore en tant que conséquence logique de notre action.
Mais oui, c'est parfaitement en accord avec ce que dit Platon. Quand on "veut le mal", en réalité ce n'est pas le mal qu'on veut, on ne fait que l'accepter à titre de moyen ou de "dégât collatéral".
Dunkleosteus a écrit :Si je ne poursuis que mon intérêt égoïste au mépris de celui des autres et de l’intérêt général, c'est peut être un bien pour moi mais objectivement c'est du mal.
Là encore, tu es plus platonicien que tu sembles le croire. Objectivement c'est peut-être mal mais c'est un bien pour toi, tu es d'accord pour dire qu'on peut retourner ta proposition, n'est-ce pas? Donc, si c'est un bien pour toi, c'est le bien que tu vises.
Dunkleosteus a écrit :Sinon, je pense qu'il ne faut pas une grande intelligence pour distinguer le bien du mal. Mais trouver la manière correct de faire le bien nécessite plus que de la bonne volonté.
La première de ces deux propositions, cette fois, n'est plus platonicienne. Il est évident qu'il ne faut pas une grande intelligence pour distinguer ce qui est appelé "bien" de ce qui est appelé "mal", et donc pour intégrer l'éducation morale que l'on a reçue, donc si c'est ça que tu veux dire je te suis.
Mais savoir ce que c'est que bien vivre, savoir ce qui réellement mérite d'être appelé bien car la volonté s'en trouve comblée, il n'est pas sûr que la quête de toute une vie y suffise.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Za »

Euthyphron a écrit :Qui sont les individus supérieurs? Question qui devient vite à la fois confuse, sans issue et impolie. Mais changeons-la un tout petit peu, évitons les comparaisons scabreuses, et envisageons le rapport à soi : si je veux m'améliorer, quelle qualité dois-je cultiver? C'est la même question, en plus sympa.

Interrogeons les deux plus grandes stars de l'histoire de la philosophie : Platon et Kant. Tous deux, en forçant un peu, pourraient donner la même réponse : il faut devenir ce qu'on appelle un juste.
Nous partons donc du principe que les individus supérieurs sont ceux qui font le bien, qui sont justes. Je suis tout à fait d’accord, mais certains pourraient penser autrement, et donc, comme sandrinef, il me semble que le débat pourrait tout à fait être élargi.
Je pense donc qu’il ne faut pas perdre cela de vue : nous admettons dans cette discussion que la plus haute qualité est d’être juste, et les qualités à cultiver devront donc l’être dans le but d’atteindre cette ultime qualité.

Dans cette perspective, j'ai l'impression qu’on ne peut se passer ni de la bonne volonté, ni de l’intelligence, puisque la bonne volonté est nécessaire pour avoir l’envie d’être juste, et un minimum d’intelligence l’est pour discerner le bien du mal. J'ai donc bien du mal à me situer.
Kant a écrit :Les qualités morales sont les seules qui méritent vraiment l'estime, les autres qualités pouvant mériter louanges et encouragements, puisqu'elles sont des qualités, mais de façon conditionnelle et donc relative, puisqu'elles peuvent être indifférentes, voire hostiles, au bien.
Quelque chose qui a été maintes fois discuté sur ce forum, à propos de l'intelligence, bien sûr. C'est un peu l'histoire du haut potentiel : comme son nom l'indique, il peut permettre de grandes réalisations, mais ne se suffit pas à lui seul.
Euthyphron a écrit :Et quelqu'un dont il est établi qu'il est un surdoué, s'il est kantien, devra tenir cela pour à peu près rien, car n'indiquant rien des qualités morales, alors qu'un platonicien y verra un don divin dont il est impressionnant d'être dépositaire.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la seconde partie… j’ai l’impression que pour Platon, le plus important, ce n’est pas d’être doté d’un potentiel d’intelligence, mais de la cultiver. Et sur ce plan on pourrait presque réconcilier Kant et Platon : l'important, c'est ce qu'on fait de cette qualité. L’intelligence seule n’est qu’un tremplin vers la compréhension du bien et du mal, mais c’est en l’exerçant (et notamment en dialoguant) qu’on peut se rapprocher de la justice. Mais je prends peut-être un peu trop de libertés ?...
Euthyphron a écrit :Un kantien voudra rectifier la volonté, un platonicien cherchera à corriger l'intelligence.
Point intéressant. Intuitivement, je serais portée à donner la bonne volonté comme plus importante (en mode « c’est l’intention qui compte »). Mais concrètement, je ne crois pas une seule seconde à la « rectification de la volonté », terme qui m’inspire des délires à la 1984.

Si ce n’est… si ce n’est par la culture de l’intelligence et du raisonnement, bonjour Platon.
C’est tout personnel, ou plutôt familial, mais j’ai ancré la « vraie » intelligence comme englobant la nécessité de faire le bien… Explication : Si on est capable d’anticiper, de changer de point de vue, d’imaginer les possibles, de revenir sur ce qui a été fait et de juger le résultat, bref, si on est capable d’un raisonnement solide, on aura normalement tendance à choisir les solutions les plus justes possibles, parce que ce sont les plus viables sur le long terme. Le bien serait donc une sorte de nécessité logique…
A moins d’être doté d’une certaine volonté autodestructrice, parce qu’à l’ascension offerte par le mal succède en général une chute assez rude ou des situations allant à l’encontre des penchants humains naturels (solitude, inquiétude etc.).
Cette définition que je donne de l’intelligence va pourtant à l’encontre de celle des tests normés, puisqu’on peut tout à fait faire péter les scores à la WAIS tout en étant quelqu’un de pervers, de cruel, voire un psychopathe.

Qu'entendons-nous donc par "intelligence" ?
Je doute que pour Platon, l'intelligence soit le simple facteur g.
J'ai mis mon képi dans la cage
et je suis sorti avec l'oiseau sur la tête...
J. Prévert

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

*Za* a écrit :Nous partons donc du principe que les individus supérieurs sont ceux qui font le bien, qui sont justes. Je suis tout à fait d’accord, mais certains pourraient penser autrement, et donc, comme sandrinef, il me semble que le débat pourrait tout à fait être élargi.
Je pense donc qu’il ne faut pas perdre cela de vue : nous admettons dans cette discussion que la plus haute qualité est d’être juste, et les qualités à cultiver devront donc l’être dans le but d’atteindre cette ultime qualité.
Tu as parfaitement compris l'énoncé. C'est effectivement une restriction du débat, et c'est volontaire, c'est pour mieux cerner une question. S'il faut élargir à la demande générale, cela se fera tout seul au fil de la discussion, mais pour lancer la réflexion j'ai souhaité m'en tenir à Kant et Platon.
*Za* a écrit :Dans cette perspective, j'ai l'impression qu’on ne peut se passer ni de la bonne volonté, ni de l’intelligence, puisque la bonne volonté est nécessaire pour avoir l’envie d’être juste, et un minimum d’intelligence l’est pour discerner le bien du mal.
Oui, sans doute, mais un minimum seulement, qui n'a pas besoin nécessairement d'un long apprentissage, et de toutes façons si je ne sais pas trop ce qui est bien je peux toujours demander à ceux qui savent. Donc, on peut vouloir être un juste sans se focaliser sur son progrès intellectuel. Ceci vaut pour le versant kantien.

Sur le versant platonicien, la volonté est toujours volonté du bien, il ne sert donc à rien de vouloir qu'elle le devienne puisque elle l''est déjà. Mais le problème est qu'elle ne sera pas spontanément volonté du bien authentique.
*Za* a écrit :
Euthyphron a écrit :Et quelqu'un dont il est établi qu'il est un surdoué, s'il est kantien, devra tenir cela pour à peu près rien, car n'indiquant rien des qualités morales, alors qu'un platonicien y verra un don divin dont il est impressionnant d'être dépositaire.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la seconde partie… j’ai l’impression que pour Platon, le plus important, ce n’est pas d’être doté d’un potentiel d’intelligence, mais de la cultiver. Et sur ce plan on pourrait presque réconcilier Kant et Platon : l'important, c'est ce qu'on fait de cette qualité. L’intelligence seule n’est qu’un tremplin vers la compréhension du bien et du mal, mais c’est en l’exerçant (et notamment en dialoguant) qu’on peut se rapprocher de la justice. Mais je prends peut-être un peu trop de libertés ?...
Là encore cela me paraît parfaitement exact. L'intelligence chez Platon comme la bonne volonté chez Kant ont besoin d'éducation. Mais le maître mot de cette éducation sera "initiation" chez Platon (ou quelque chose d'approchant, signifiant le retournement du regard, comme dans la célèbre allégorie de la caverne) alors que chez Kant ce sera discipline (en intégrant bien le paradoxe selon lequel c'est par la discipline que l'on acquiert l'autonomie).
*Za* a écrit :Concrètement, je ne crois pas une seule seconde à la « rectification de la volonté », terme qui m’inspire des délires à la 1984.
Si ce n’est… si ce n’est par la culture de l’intelligence et du raisonnement, bonjour Platon.
Oui. Je crois qu'ici tu te découvres platonicienne. La preuve suit!
*Za* a écrit :C’est tout personnel, ou plutôt familial, mais j’ai ancré la « vraie » intelligence comme englobant la nécessité de faire le bien… Explication : Si on est capable d’anticiper, de changer de point de vue, d’imaginer les possibles, de revenir sur ce qui a été fait et de juger le résultat, bref, si on est capable d’un raisonnement solide, on aura normalement tendance à choisir les solutions les plus justes possibles, parce que ce sont les plus viables sur le long terme. Le bien serait donc une sorte de nécessité logique…
A moins d’être doté d’une certaine volonté autodestructrice, parce qu’à l’ascension offerte par le mal succède en général une chute assez rude ou des situations allant à l’encontre des penchants humains naturels (solitude, inquiétude etc.).
Ce que tu dis ici pourrait être une explication de "Mieux vaut subir l'injustice que la commettre", phrase que Platon attribue à son maître Socrate (qui d'ailleurs en est mort, mais c'est une autre histoire).
*Za* a écrit :Cette définition que je donne de l’intelligence va pourtant à l’encontre de celle des tests normés, puisqu’on peut tout à fait faire péter les scores à la WAIS tout en étant quelqu’un de pervers, de cruel, voire un psychopathe.

Qu'entendons-nous donc par "intelligence" ?
Je doute que pour Platon, l'intelligence soit le simple facteur g.
En effet!
S'il fallait la définir de la façon la plus platonicienne possible, l'intelligence serait la capacité de saisir ce dont les apparences sont les apparences.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Rhonin.k »

Euthyphron a écrit :Mais savoir ce que c'est que bien vivre, savoir ce qui réellement mérite d'être appelé bien car la volonté s'en trouve comblée, il n'est pas sûr que la quête de toute une vie y suffise.
Je ne sais pas pourquoi mais ça me fait penser tout d'un coup à Gisors, qui, par la main de Malraux dit :

" Il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme. Soixante ans de sacrifices, de volonté, de tant de choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n'y a plus en lui rien de l'enfance, ni de l'adolescence, quand vraiment, il est homme, il n'est plus bon qu'à mourir. "

Là toutefois n'est pas mentionné si cet Homme se sera forgé à partir d'un schéma éducatif ou méritoire. :lol:

Fin de ma bête digression. A présent, je prends un siège, un paquet de pop-corn, un soda, et je vais suivre silencieusement ce débat particulièrement intéressants...



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Grabote
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Grabote »

Bonjour,
comme j'ai lu avec intérêt ce fil et qu'il m'a stimulé,
j'envoie mon modeste grain de sel.

Je me méfie de la bonne volonté sans l'intelligence (on a pu en voir les dégâts ...)
quant à l'intelligence sans bonne volonté, n'en parlons pas !

Donc, ce sera ni Kant, ni Platon mais je ne sais plus quel philosophe
(Euphythron, j'aimerai bien retrouver qui c'est et comment il l'a dit)

"Ne pas utiliser la parole pour séduire et manipuler,
mais chercher à accorder le faire et le dire
et les ajuster au bien"

Dans ce domaine, je n'aime pas la notion d'amélioration qui m'évoque tout de suite celle de performance.
Pour moi, il s'agirait plus d'une direction, d'une ambition, un devenir quelqu'un de bien que je ne peux pas du tout considérer comme une performance à améliorer, mais plutôt comme une valeur à cultiver qui donne du sens à ma vie.

Je n'aime pas non plus celle de supériorité, qui est évidemment relative :
je me sens supérieurement intelligente dans mon environnement quotidien
mais d'une intelligence moyenne quand je suis ici.
Alors, que quand je me sens quelqu'un de bien (ça m'arrive parfois !!) ce n'est pas en comparaison avec l'extérieur
je crois que je ressens ça quand je sens que j'agis en cohérence avec mes valeurs intérieures et que j'ai l'impression de faire du bien autour de moi.

Bon allez,c'est bien joli tout ça, mais pendant ce temps la, y'a personne pour rayer des choses sur la liste des choses à faire !
L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant. René char

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Ah je ne sais pas qui c'est (mais je sais qui ça n'est pas :D )!
Le style fait très stoïcien, mais si j'ai bien compris ce n'est pas une citation exacte, donc mon impression n'est guère concluante.
Sinon, sur le fond, zut alors c'est que c'est très platonicien! ce n'est pas pour te contredire, mais il se trouve que la pensée de Platon s'est construite contre les sophistes, lesquels faisaient profession de pouvoir parler de tous les sujets et de manipuler leur auditoire, en donnant des leçons aux personnes que cette compétence intéresse! Donc, "ne pas utiliser la parole pour séduire et manipuler", c'est un disciple de Platon qui a écrit cela.
Pour le reste, bien entendu il ne s'agit pas de devenir bête pour augmenter sa bonne volonté ni de devenir pervers pour être plus intelligent. La question que je pose prend sens dans le cadre de l'éducation essentiellement, y compris l'éducation de soi par soi. Si par exemple on veut une nouvelle génération meilleure que les précédentes, sur quoi faut-il mettre le paquet, quelle doit être la priorité des priorités? En fait, c'est comme ça que je me pose (et que je pose aux autres :hai: ) cette question.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Za »

Tiens, ben, justement, ma réflexion avait commencé à bouillir du côté de l'éducation.
Comme toujours en fait.
Puisqu'au final, pour devenir meilleur, pour que tout s'améliore, c'est par là qu'il faut commencer.

Tu me l'as dit et je confirme : je suis plutôt platonicienne, et je ne crois pas que la discipline, bien que nécessaire, suffise à orienter les hommes en devenir vers le bien et la justice. Tout au plus, elle peut leur permettre de ne pas s'éparpiller.
En fait, j'ajouterai quelque chose à notre but : il faudrait viser à atteindre une attitude juste ET heureuse de l'être.
Pour cela, il faut donc faire l'expérience que la justice apporte plus de satisfaction (de bonheur ?) que le mal.

Il peut en découler ces quelques idées :
-tenter d'être juste avec soi-même et surtout avec ceux que l'on éduque.
-se questionner sans cesse et amener les autres à se questionner, chercher le conflit cognitif, et le résoudre par des solutions personnelles. Ne jamais imposer une solution à quelqu'un d'autre. Refuser le dogme.
-interroger les différents points de vue afin de pouvoir plus tard se les représenter soi-même.

Bon, ce ne sont que quelques pistes.
Et comme d'habitude, on va pouvoir aller pleurer un bon coup en pensant à l'état de notre Éducation Nationale.
J'ai mis mon képi dans la cage
et je suis sorti avec l'oiseau sur la tête...
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Boby »

EDIT : trop lent ! *Za* alors ! :D

Quel débat savoureux :heureux1: Je tente une modeste contribution...tapez pas si c'est nul...
Je pense donc qu’il ne faut pas perdre cela de vue : nous admettons dans cette discussion que la plus haute qualité est d’être juste, et les qualités à cultiver devront donc l’être dans le but d’atteindre cette ultime qualité.
Si par exemple on veut une nouvelle génération meilleure que les précédentes, sur quoi faut-il mettre le paquet, quelle doit être la priorité des priorités? En fait, c'est comme ça que je me pose (et que je pose aux autres :hai: ) cette question.
Posé comme cela, devenir "juste" me semble étrangement moins évident par rapport aux autres vertus cardinales.
J'ai l'impression que c'est insuffisant pour atteindre "le meilleur niveau " pour faire le bien, comme s'il manquait des facteurs ou catalyseurs.
Quand bien même, en gardant "juste" comme idéal ultime, s'il ne peut pas y avoir de résultats concrets, cet idéal perd de son éclat.

En suivant le fil, j'ai eu deux citations qui me sont revenues (Je ne sais pas de qui et si elle sont exactes) :

"Il est difficile de faire le bien, il est encore plus difficile de bien le faire"

"Beaucoup d’erreurs de jugement prennent racine dans la croyance qu'il faut être juste en tout et pour tout"

EDIT2 :
il faudrait viser à atteindre une attitude juste ET heureuse de l'être.
Effectivement penser à une personne "juste" et malheureuse de l’être me semble pour le moins étrange.
Car même avec une discipline de fer, la motivation doit être inférieure à une personne heureuse de ce qu'elle est ( à moins d'une discipline si contraignante qu'elle en exclue un belle part d'humanité).
La motivation serait-elle essentielle également ?
Nous verrons cela... Destinée ... ou PAS !

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Euthyphron
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Je voudrais commencer par pinailler un peu, sinon les gens croiront que ce n'est pas de la vraie philo... 8)
"Juste" est employé comme adjectif, pour qualifier ceux qui pratiquent la vertu cardinale de justice. On peut trouver, comme Boby, que ce n'est pas assez, car être juste ce n'est jamais que rendre à chacun selon son dû, ce qui devrait être la moindre des choses. Mais on désigne aussi par l'expression "un juste" quelqu''un qui est à un certain sommet de moralité, d'ailleurs non précisé. Par exemple, on appelle "justes" ceux qui ont, au péril de leur vie, caché des juifs durant la guerre. C'est pourquoi dans le message initial j'ai préféré cette expression, pour sa souplesse, de sorte que chacun peut mettre sous ce mot l'attitude morale qu'il préfère. J'espère, Boby, que cette précision te satisfait?
Venons-en maintenant à la possibilité de concilier justice et bonheur. Nos deux protagonistes se séparent encore sur cette question.
Platon affronte la difficulté de face : apparemment les hommes ne cherchent à être justes que par crainte du châtiment, et ils attendent de la justice des récompenses qui sont exactement les mêmes que celles que recherche l'homme injuste. Il faut donc répondre à ce défi en montrant que la justice est désirable pour elle-même, qu'il y a un bonheur d'être juste qui l'emporte sur toute autre aspiration. C'est parce que les apparences vont contre cette manière de voir que les hommes choisissent le mal dès qu'ils sont assurés de l'impunité. Mais l'injustice est en réalité un malheur pour l'homme injuste.
Kant refuse d'associer vertu et bonheur par un lien de causalité, comme si l'un pouvait produire l'autre. Il est ordinaire au contraire que le crime soit récompensé et la vertu punie. En termes simples, la vie n'est pas juste. Mais d'une part cela ne rend que plus méritoire le respect de la loi morale, puisqu'il est désintéressé. D'autre part on peut et même on doit se représenter un autre monde où la justice est rétablie, par l'autorité d'un juge suprême appelé Dieu.
Bon, le coup de Dieu qu'on postule pour réparer le schmilblic, je ne suis pas très convaincu. Mais comme le fait remarquer André Comte-Sponville, cela tendrait à prouver que les athées sont plus moraux que les croyants, puisqu'ils n'espèrent pas de récompense.

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Boby
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Boby »

Je voudrais commencer par pinailler un peu, sinon les gens croiront que ce n'est pas de la vraie philo...
Pas de souci, tu fais bien (en philo j'étais le roi du hors sujet :geek1: )
J'espère, Boby, que cette précision te satisfait?
Oui, c'est plus clair je crois.
D'autre part on peut et même on doit se représenter un autre monde où la justice est rétablie, par l'autorité d'un juge suprême appelé Dieu.
Bon, le coup de Dieu qu'on postule pour réparer le schmilblic, je ne suis pas très convaincu
C'est en effet assez étrange, mais ça a l'avantage de donner tout de même une carotte, ce qui rejoint ce que tu dis juste après.
Moi je le vois plutôt comme une porte ouverte dans son raisonnement, intégrant la conscience que quelle que soit sa rectitude, il se base sur un monde dont nous n'avons qu'une perception partielle.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Dunkleosteus »

Qui sont les individus supérieurs?
Nous avons tous des valeurs morales mais nous sommes "lestés" dans leur mise en pratique par le mal et l'insuffisance qui nous caractérise. Bien et mal ne sont absolument pas symétrique et un contexte particulier aggraver la confrontation avec notre propre faiblesse. Dans ce contexte, l’individu supérieur est celui qui donne aux autres une raison de garder la foi en leurs valeurs plutôt que de succomber ou de désespérer. Sa dimension exemplaire doit inspirer et redonner de la force aux plus faibles qui peuvent à leur tour se penser comme instrument de bien. Mais pour y arriver l'être noble doit prendre sur ses épaules une responsabilité écrasante, c'est la raison pour laquelle il doit être plus fort que les autres et pas seulement plus réfléchi ou plus intelligent.
quelques exemples:
► Afficher le texte
C'est une photo de la cérémonie du 11 novembre 1943 à Oyonnax, où des résistants ont défilés à visage découvert en pleine zone occupée. Alors qu'ils sont traqués pour être fusillés, ils se montrent en plein centre ville pour redonner courage et espoirs à la population.

autre exemple (un peu plus léger)
► Afficher le texte
séance de tir aux but des quarts de finale de l'Euro 2012. L'Italie est menée par l’Angleterre notamment garce a Joe Hart (le gardien anglais) qui tire la langue et saute bizarrement pour déconcentrer les tireurs transalpins. Pirlo sentant que son équipe fait naufrage, prend un risque insensé au vu de l'enjeu et de la situation en tirant une "panenka" qu'il réussi.
Il expliquera par la suite son geste comme une volonté de redonner courage et espoir à ses coéquipiers (ce qui a marché d'ailleurs puisque l’Italie s'est imposé). D'Ailleurs c'est intéressant de voir comment les visages italiens se décrispent après le but

pour ce qui est des valeurs, ce sera une prochaine fois...

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Euthyphron
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Boby,
concernant l'immortalité de l'âme et l'existence de Dieu comme juge parfaitement juste, quelque chose d'essentiel à la pensée de Kant va dans ton sens : il s'agit de ce qu'il appelle des postulats de la raison pratique. Cela veut dire qu'il est hors de question de les démontrer scientifiquement, nous ne savons pas que Dieu existe et que l'âme est immortelle, mais lorsque nous nous conduisons moralement nous faisons comme si c'était vrai. Or, puisque nous devons nous conduire moralement, nous devons croire.
On peut transposer et dire que nous devons agir comme si un monde meilleur était possible, et donc c'est qu'un monde meilleur est possible. Ce n'est pas tout à fait fidèle à Kant, ce que je viens d'écrire, mais cela va dans son sens.

Dunkleosteus,
on peut trouver bien des critères de supériorité, c'est une des causes de pollution de la question de l'homme supérieur. Celui que tu proposes est séduisant. L'homme supérieur, ce serait en gros le leader charismatique, qui tire tout le monde vers le haut.
Quelques réticences, néanmoins :
1) il paraît impossible de former quelqu'un, ou de se former soi-même, à devenir ce leader. Si nous acceptions ta réponse comme la seule possible (ce que tu ne demandes pas!) nous serions contraints de subir la supériorité magique de certains hommes surgissant au cours de l'histoire, parfois non sans brutalité.
2) l'admiration s'attache à la personne admirée, c'est en ceci qu'elle est illusoire, car nul n'est charismatique toute sa vie, et tout le monde a son fameux quart d'heure de gloire. La croyance en la supériorité de l'admiré ne dure donc que le temps d'une illusion.
3) c'est pourquoi il n'est pas nécessaire d'être supérieur pour entraîner les foules, il suffit que les foules croient qu'une force magique les soulève, et une idole de bois fait l'affaire, si elle est vraiment magique.

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