Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Euthyphron
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Si l'on est kantien, on dira que ce sont de belles histoires vraies, touchantes, exemplaires même pour le dévouement qu'elles montrent, mais qui ne relèvent pas de la moralité, en raison de la motivation purement affective de ces gestes.
La mère qui sacrifie sa vie pour sauver ses petits, pour prendre l'exemple le plus connu, ne le ferait pas pour des animaux étrangers. Elle n'agit donc pas par pur respect de la loi morale.

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ZeBrebis
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Ce ne sont pas les exemples qui étaient donnés par Emmanuelle en l'occurrence. Elle parlait d'aider des congénères non apparentés, comme on aide des gens ayant des difficultés, de manière désintéressée.
Et quid des petits d'une autre espèce recueillis ? N'est ce pas une preuve d'empathie envers le vivant ?
Nous avons connu le cas de petits humains adoptés par des animaux, mais j'ai déjà vu aussi une truie laisser téter un chaton par exemple.

Les humains n'ont pas le monopole du coeur peut on dire :lol:

Ceci dit, j'imagine qu'ils n'ont pas constitué de morale sur la base de cette empathie, et n'ont peut être pas le sentiment de faire leur devoir.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Tout à fait d'accord. Il me paraît évident qu'il y a une vie affective chez les animaux, mais qu'ils n'en ont pas fait une moralité et qu'ils ne pensent pas leur empathie en termes de devoir.
C'est d'ailleurs pourquoi il serait ridicule de condamner pour meurtre un animal prédateur.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Boby »

alors que Boby a reçu (je ne sais si c'est dans ses gènes ou dans son biberon) quelque chose de l'héritage kantien
Euh... Je prends cela pour un compliment :P
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Les humains n'ont pas le monopole du coeur peut on dire
Bel euphémisme !

Emmanuelle47 et ZeBrebis, pas d'offense, j'adore les animaux et même souvent pense que l'humain fait tellement de la :swear: qu'on gagnerait à nous en inspirer davantage (voir à ne plus exister, il est possible que ça serait meilleur pour l'univers...)

Toutefois, visiblement ici l'exercice de réflexion doit admettre certaines clôtures.
Et si j'ai bien compris, afin d'obtenir un raisonnement cohérent et indubitable dans la limite du référentiel choisi.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Il ne s'agit pas d'admiration béate des animaux, rien à voir avec le fait de les aimer ou non... mais il s'agit de regard le plus objectif possible sur ce que nous apprenons d'eux. Il ne s'agit pas que de belles histoires isolées si romantiques... mais ce sont des modes de vie.

Comme je ne conçois pas la morale hors de ce référentiel qui dépasse les frontières entre animalité et humanité, je ne conçois pas la pensée de Kant, d'autant qu'elle déifie tout.
Cette pensée est basée sur une méconnaissance du monde animal, et donc de notre humanité, méconnaissance qui s'amenuise au fil des recherches. Je trouve donc cette pensée biaisée.
► Afficher le texte
Quand il est dit que l'homme athée fait comme si dieu existait, cela signifie que faire le bien est lié à une instance extérieure à la personne. Or, je pense que cette capacité à la bonté nous est intrinsèque.
Je pense que la morale a précédé la spiritualité et non l'inverse.

Quand de manière tout à fait basique, j'éduque mes enfants et leur transmets mes valeurs, je n'ai pas besoin d'avoir recours à la spiritualité pour aborder la notion de bien et de mal. Je les invite à sonder au fond d'eux même pour évaluer où ils placent le curseur du bien et du mal... à écouter leurs émotions tout en prenant du recul sur leurs actes, car la portée des actions n'est pas toujours apparente, et il faut parfois de la réflexion pour ajuster ses comportements. Bref, tout ceci est en nous...

Penser qu'il faut une instance supérieure laisse entendre que le Bien ne peut être qu'imposé. Et non je n'y adhère pas.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Pier Kirool »

Euthyphron a écrit :Penser Dieu comme arbitraire c'est être un fanatique en puissance.
:nesaitpas: :fubar: Je ne comprends pas ce qui est sous-entendu dans cette phrase. Ce doit être "Penser Dieu comme arbitraire" ou alors le lien de causalité...
Si je dis "Croire en Dieu est une croyance non démontrée", "Dire qu'il existe, c'est négliger une incertitude", est-ce que je "pense Dieu comme arbitraire" ; ou de façon plus préoccupante, suis-je un fanatique en puissance ?
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Ah, c'est un peu la série des malentendus aujourd'hui! :(
emmanuelle47,
tu as le droit de ne pas aimer Kant, j'ai d'ailleurs plusieurs fois laissé entendre que je ne l'aimais guère non plus. Mais pourquoi t'interdire de le comprendre?
Quant tu dis qu'il se base sur une méconnaissance de l'animal et de l'homme, c'est un peu gratuit, non? Tu ne trouves pas? A la rigueur dis qu'il ne part pas du principe selon lequel entre l'animal et l'homme il ne saurait y avoir de discontinuité et que tu refuses de discuter avec tous ceux qui n'admettent pas ce principe. A mon avis on peut discuter avec tout le monde pourvu que ce "tout le monde" soit sensible à l'argumentation rationnelle, mais tu n'es pas obligée de partager cette opinion, je le reconnais.
C'est dommage tout de même que tu renvoies Kant dans les cordes en énonçant une proposition qui est typiquement kantienne : "Je pense que la morale a précédé la spiritualité et non l'inverse." Tu vois, Kant n'est pas si méchant, il est l'un des premiers si ce n'est le premier à avoir mis la morale à la première place, et toute métaphysique, ou spiritualité (mais à ma connaissance il n'emploie pas ce mot), comme dérivant de la morale.
Autre point d'accord : l'acte moral ne peut être que libre. C'est cela le vrai fondement de la morale kantienne. Je ne vois pas où tu vois l'idée d'imposer quoi que ce soit de l'extérieur. Je crois que tu précipites un peu tes réactions.

Pier Kirool,
pourquoi chercher des sous-entendus? C'est une définition du fanatique. Le fanatique est celui qui croit en Dieu, et si on lui demande ce qu'il entend par là, il voit en Dieu une sorte de despote arbitraire auquel il faut obéir quand même, parce qu'il est Dieu.
Je ne vois pas par quel tour de passe-passe on pourrait faire le même reproche à un athée! Il me semble que pour un athée il n'y a pas de Dieu, non?

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Donc c'est bien ce que je disais plus haut je n'ai rien compris.... Je ne refuse pas de discuter, j'explique ce que je pense de ce que j'ai compris.

Donc je ne trouve pas la cohérence quand il dit que l'athée fait comme si Dieu existait... Je vais essayer de relire, mais si tu as une autre formulation qui peut me faire comprendre comment concilier nos capacités intrinsèques à la bonté et le fait d'avoir besoin de faire comme si Dieu existait pour faire le bien.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Je vais essayer. Mais ce n'est pas très facile pour moi dans la mesure où comme je l'ai dit dès la première fois où cette question de l'existence de Dieu comme postulat s'est présentée dans la discussion, je ne suis absolument pas convaincu. Voici donc mon résumé de la pensée morale de Kant, plus précisément de l'existence de Dieu comme postulat de la raison pratique.
Premier point, dont je n'ai pas encore parlé jusqu'ici, parce que c'est incroyablement vaste, l'univers kantien, et parce que ce point est très complexe (je vais essayer une version courte) : pour Kant, il est impossible de prouver l'existence de Dieu. Je passe sur l'argumentation.
Deuxième point : il y a en nous une exigence de moralité. On peut en douter si l'on veut, mais en même temps reconnaissons que le nier est difficile à assumer. Je remarque que ce n'est pas ce point qui te fait tiquer.
Troisième point : cette exigence se manifeste par la capacité de se commander à soi-même, ou plus exactement de se donner à soi-même la loi.
Quatrième point : l'acte moral n'a d'autres motivations que lui-même. On dit qu'il est désintéressé. L'intérêt égoïste évidemment, mais non plus l'intérêt affectif, l'amour-propre, l'obéissance à l'autorité, rien de tout cela ne vaut comme motivation morale. Il s'ensuit qu'agir moralement n'est pas agir dans l'espoir d'une récompense.
Cinquième point : ceux qui agissent moralement ne sont donc pas récompensés en cette vie, et il arrive que le crime, en revanche, paie. Tout se passe comme si la morale ne débouchait sur rien, comme si elle n'avait aucun sens.
Sixième point : Nous continuons cependant, même en ayant compris le point 5, à ressentir l'exigence morale. Il faut donc que l'espérance qui la justifie soit placée hors de cette vie, que nous agissions comme si un monde moral était possible, dans l'au-delà en raison du point 5.
Septième point : ceci ne vaut pas pour preuve de l'existence de Dieu, et ne dédouane aucune religion des critiques qu'on peut leur faire, bien au contraire, car "la religion sans la morale n'est qu'un culte superstitieux", citation de Kant lui-même, mais justifie la piété, ou le respect d'une transcendance, je ne sais comment le dire, qui naît inévitablement de la prise en compte de l'exigence morale.
Il y aurait encore bien d'autres choses, mais j'ai essayé de faire mieux apparaître la cohérence du kantisme.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Boby »

Je ne vois pas par quel tour de passe-passe on pourrait faire le même reproche à un athée! Il me semble que pour un athée il n'y a pas de Dieu, non?
Personnellement, je le comprends bien comme cela : Il n'y croit pas.
Croire en Dieu est une croyance non démontrée
Cela me fait penser à une phrase que m'avait dit le curé (à l'histoire bien chaotique) il y a bien longtemps :
La croyance en l'existence de dieu ne se démontre pas, car si on pouvait le voir / le prouver, on ne croirait pas en lui, on saurait.
EDIT : trop lent
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Merci pour cette présentation Euthyphron. Je me dis que tu dois nous ressentir comme bien ingrats de ne faire que te mettre à mal, quand toi tu prends beaucoup de précautions et de temps pour nous expliquer ton domaine.
Ne le prends pas personnellement, c'est viril comme un match de boxe mais cela ne te vise pas. C'est Kant qu'on va passer à tabac visiblement...et le pauvre ne pourra pas franchement défendre son point de vue sinon par ta voix ;)
Euthyphron a écrit : Deuxième point : il y a en nous une exigence de moralité. On peut en douter si l'on veut, mais en même temps reconnaissons que le nier est difficile à assumer. Je remarque que ce n'est pas ce point qui te fait tiquer.
Troisième point : cette exigence se manifeste par la capacité de se commander à soi-même, ou plus exactement de se donner à soi-même la loi.
Quatrième point : l'acte moral n'a d'autres motivations que lui-même. On dit qu'il est désintéressé. L'intérêt égoïste évidemment, mais non plus l'intérêt affectif, l'amour-propre, l'obéissance à l'autorité, rien de tout cela ne vaut comme motivation morale. Il s'ensuit qu'agir moralement n'est pas agir dans l'espoir d'une récompense.
Cinquième point : ceux qui agissent moralement ne sont donc pas récompensés en cette vie, et il arrive que le crime, en revanche, paie. Tout se passe comme si la morale ne débouchait sur rien, comme si elle n'avait aucun sens.
Sixième point : Nous continuons cependant, même en ayant compris le point 5, à ressentir l'exigence morale. Il faut donc que l'espérance qui la justifie soit placée hors de cette vie, que nous agissions comme si un monde moral était possible, dans l'au-delà en raison du point 5.
Pour le point numéro 2, il me semble que c'est l'empathie qui est innée chez nous comme chez les autres animaux. Les lois morales ayant été érigées sur cette base sont à mon sens le fruit de la capacité d'abstraction de l'Homme, dans le but de promouvoir ce qui est appelé Bien et qui favorise la vie en communauté. Nous avons même l'armada complète pour rendre ce Bien incontournable en punissant matériellement ceux qui nuisent à autrui.
Loin d'être gravé en nous comme dans du marbre dès la naissance, je crois que c'est la culture qui grave cela en nous à force d'éducation (proprement dite, avec "dressage" par les proches, et par immersion dans la société et imitation).

Et même après tout cela c'est bien imparfait. On néglige des gens ayant besoin d'aide, on jette des choses à des endroits inadaptés, on brusque ceux qui nous agacent...Etre moral est le travail d'une vie pour s' approprier et comprendre profondément ces lois morales, pour oser voir que nous sommes loin de cet idéal seriné partout et qu'on culpabilise de ne pas avoir atteint (alors que personne ne l'atteint !).

Dans quel but alors fait on ce travail qui mène à la moralité (qui est, il me semble, le stade au dessus d'avoir des actes moraux, car c'est s'éduquer pour en avoir le plus possible) ?
On se détache ici de l'obéissance à un impératif préexistant à la conscience de notre psyché, on le forme de nos mains pour finir ce que la société avait commencé. C'est un acte de construction personnelle qu'on entreprend par conviction. Pas la conviction d'un au delà en ce qui me concerne, mais la conviction que le lien entre les humains ne se fait réellement qu'en étant moral. Et le contact avec le monde plus généralement.
Etre moral c'est donner à ce(ux) qui nous entoure (nt) une valeur, une présence, c'est donc le remède à la solitude existentielle que d'interagir de manière harmonieuse avec l'Autre.

C'est aussi, étant donné qu'on existe par rapport à l'autre le fait d'exister pleinement, le plus profondément possible.
Détaché du monde on n'agit pas, on ne s' exprime pas, on flotte dans des limbes.

(Comment ça, qu'est ce que j'ai fumé ? Mais rien, c'est mon état naturel :lunettes9: )
Je sais que c'est fouilli, et j'étais lamentable en philosophie à l'époque (7 au bac quand même :think: ), mais je tenais à dire que je n'ai pas changé d'avis et que décidément je ne suis pas kantienne.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

ZeBrebis a écrit :Merci pour cette présentation Euthyphron. Je me dis que tu dois nous ressentir comme bien ingrats de ne faire que te mettre à mal, quand toi tu prends beaucoup de précautions et de temps pour nous expliquer ton domaine.
Ne le prends pas personnellement, c'est viril comme un match de boxe mais cela ne te vise pas. C'est Kant qu'on va passer à tabac visiblement...et le pauvre ne pourra pas franchement défendre son point de vue sinon par ta voix ;)
Euthyphron a écrit : Deuxième point : il y a en nous une exigence de moralité. On peut en douter si l'on veut, mais en même temps reconnaissons que le nier est difficile à assumer. Je remarque que ce n'est pas ce point qui te fait tiquer.
Troisième point : cette exigence se manifeste par la capacité de se commander à soi-même, ou plus exactement de se donner à soi-même la loi.
Quatrième point : l'acte moral n'a d'autres motivations que lui-même. On dit qu'il est désintéressé. L'intérêt égoïste évidemment, mais non plus l'intérêt affectif, l'amour-propre, l'obéissance à l'autorité, rien de tout cela ne vaut comme motivation morale. Il s'ensuit qu'agir moralement n'est pas agir dans l'espoir d'une récompense.
Cinquième point : ceux qui agissent moralement ne sont donc pas récompensés en cette vie, et il arrive que le crime, en revanche, paie. Tout se passe comme si la morale ne débouchait sur rien, comme si elle n'avait aucun sens.
Sixième point : Nous continuons cependant, même en ayant compris le point 5, à ressentir l'exigence morale. Il faut donc que l'espérance qui la justifie soit placée hors de cette vie, que nous agissions comme si un monde moral était possible, dans l'au-delà en raison du point 5.
Pour le point numéro 2, il me semble que c'est l'empathie qui est innée chez nous comme chez les autres. Les lois morales ayant été érigées sur cette base sont à mon sens le fruit de la capacité d'abstraction de l'Homme, dans le but de promouvoir ce qui est appelé Bien et qui favorise la vie en communauté. Nous avons même l'armada complète pour rendre ce Bien incontournable en punissant matériellement ceux qui nuisent à autrui.
Loin d'être gravé en nous comme dans du marbre dès la naissance, je crois que c'est la culture qui grave cela en nous à force d'éducation (proprement dite, avec "dressage" par les proches, et par immersion dans la société et imitation).

Et même après tout cela c'est bien imparfait. On néglige des gens ayant besoin d'aide, on jette des choses à des endroits inadaptés, on brusque ceux qui nous agacent...Etre moral est le travail d'une vie pour s' approprier et comprendre profondément ces lois morales, pour oser voir que nous sommes loin de cet idéal seriné partout et qu'on culpabilise de ne pas avoir atteint (alors que personne ne l'atteint !).

Dans quel but alors fait on ce travail qui mène à la moralité (qui est, il me semble, le stade au dessus d'avoir des actes moraux, car c'est s'éduquer pour en avoir le plus possible) ? On se détache de l'obéissance à un impératif préexistant à la conscience de notre psyché, on le forme de nos mains pour finir ce que la société avait commencé. C'est un acte de construction personnelle qu'on entreprend par conviction. Pas la conviction d'un au delà dans mon cas, mais la conviction que le lien entre les humains ne se fait réellement qu'en étant moral. Le lien avec le monde même plus généralement, se fait en lui donnant une valeur, une présence. C'est le remède à la solitude existentielle à mon sens que d'interagir de manière harmonieuse avec l'Autre.

Je sais que c'est fouilli, et j'étais lamentable en philosophie à l'époque (7 au bac quand même :think: ), mais je tenais à dire que je n'ai pas changé d'avis et que décidément je ne suis pas kantienne.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Ce qui fait que tu n'es pas kantienne, c'est que tu assimiles l'empathie et la moralité, alors que Kant les distingue, avec un tranchant tellement implacable qu'il suscite la répulsion, en tous cas pour nous occidentaux du XXIe siècle habitués à valoriser l'empathie.
Ce sont les points 3 et 4 qui produisent cette divergence.
Point 3 : la loi que l'on se donne par la volonté n'est pas l'empathie que l'on subit émotionnellement (ceci dit sans donner aucune valeur péjorative au verbe "subir"). Une empathie réglementaire, dont on pourrait formuler la loi, ne serait pas une véritable empathie.
Point 4 : l'empathie est un mobile affectif, donc subjectif. Il relève par là de l'intérêt et s'assimile à l'espoir de récompense (même si cette récompense n'est pas monnayable, mais se donne en émotion positive).

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Euthyphron a écrit : Premier point, dont je n'ai pas encore parlé jusqu'ici, parce que c'est incroyablement vaste, l'univers kantien, et parce que ce point est très complexe (je vais essayer une version courte) : pour Kant, il est impossible de prouver l'existence de Dieu. Je passe sur l'argumentation.
Ok
Euthyphron a écrit :Deuxième point : il y a en nous une exigence de moralité. On peut en douter si l'on veut, mais en même temps reconnaissons que le nier est difficile à assumer. Je remarque que ce n'est pas ce point qui te fait tiquer.
Troisième point : cette exigence se manifeste par la capacité de se commander à soi-même, ou plus exactement de se donner à soi-même la loi.
Oui, cette exigence est en nous.
Euthyphron a écrit :Quatrième point : l'acte moral n'a d'autres motivations que lui-même. On dit qu'il est désintéressé. L'intérêt égoïste évidemment, mais non plus l'intérêt affectif, l'amour-propre, l'obéissance à l'autorité, rien de tout cela ne vaut comme motivation morale. Il s'ensuit qu'agir moralement n'est pas agir dans l'espoir d'une récompense.
Là, je ne suis pas d'accord. L'acte moral a un intérêt: le maintien du lien social qui nous est impératif. Pour que cet impératif se réalise nous avons une attitude globalement morale, même quand l'exigence sociale n’apparaît pas évidente au 1er abord.
Euthyphron a écrit :Cinquième point : ceux qui agissent moralement ne sont donc pas récompensés en cette vie, et il arrive que le crime, en revanche, paie. Tout se passe comme si la morale ne débouchait sur rien, comme si elle n'avait aucun sens.
Oui le crime peut payer, mais l'acte moral est beaucoup porteur pour l'individu. C'est très noir comme vision de la vie, et totalement subjectif.
Euthyphron a écrit :Sixième point : Nous continuons cependant, même en ayant compris le point 5, à ressentir l'exigence morale. Il faut donc que l'espérance qui la justifie soit placée hors de cette vie, que nous agissions comme si un monde moral était possible, dans l'au-delà en raison du point 5.
Nous la ressentons cette exigence morale car elle nous est intrinsèque avant tout. J'ai vraiment du mal avec l'idée que l'on ne fait les choses que pour finir par obtenir une récompense. L'acte altruiste est en lui-même une récompense pour celui qui l'accomplit car cela nous est agréable et cela crée un climat social propice à une vie sereine et plus sûre... Il se trouve qu'en plus il est démontré que le plaisir est ressenti aussi quand on voit quelqu'un d'autre accomplir un acte altruiste.
Euthyphron a écrit :Septième point : ceci ne vaut pas pour preuve de l'existence de Dieu, et ne dédouane aucune religion des critiques qu'on peut leur faire, bien au contraire, car "la religion sans la morale n'est qu'un culte superstitieux", citation de Kant lui-même, mais justifie la piété, ou le respect d'une transcendance, je ne sais comment le dire, qui naît inévitablement de la prise en compte de l'exigence morale.

Donc oui je reste sur ma position, où je trouve que la pensée de Kant est datée, et biaisée. De plus, elle offre une vision de l'homme extrêmement triste et réductrice...
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Boby »

Nous la ressentons cette exigence morale car elle nous est intrinsèque avant tout. J'ai vraiment du mal avec l'idée que l'on ne fait les choses que pour finir par obtenir une récompense.
Idem, c'est difficile à entendre tellement c'est égoïste.
L'acte altruiste est en lui-même une récompense pour celui qui l'accomplit car cela nous est agréable et cela crée un climat social propice à une vie sereine et plus sûre... Il se trouve qu'en plus il est démontré que le plaisir est ressenti aussi quand on voit quelqu'un d'autre accomplir un acte altruiste.
Et bien justement, du point de vue de Kant, il semblerait que "cela nous est agréable et cela crée un climat social propice à une vie sereine et plus sûre" ... "il est démontré que le plaisir est ressenti aussi quand on voit quelqu'un d'autre accomplir un acte altruiste" soit classé dans le panier récompense (à soi même ... à l'ensemble du groupe).
Donc oui je reste sur ma position
Ton avis, tout comme ce débat est très intéressant. :-)
je trouve que la pensée de Kant est datée, et biaisée.
Pour moi elle est biaisée a cause de ses postulats bien que le raisonnement soit correct
(Comme en maths : hypothèse de base fausse + raisonnement bon => solution fausse)
Pour le "datée"... et bien je ne voit pas trop en quoi :think:... Je veux bien qu'on m'explique :-)
De plus, elle offre une vision de l'homme extrêmement triste et réductrice...
Carrément ! Et ça pique les yeux à le lire !
Il est très
"Je regarde le coté obscur droit dans les yeux"
"Je suis la lueur dans les profondeurs abyssaaaaales" :D
"La vie c'est la merde, mais en bon grand penseur ténébreux, taciturne, sinistre et moche, je dis qu'on peut y arriver" :rofl:
Nous verrons cela... Destinée ... ou PAS !

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emmanuelle47
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Boby a écrit : Et bien justement, du point de vue de Kant, il semblerait que "cela nous est agréable et cela crée un climat social propice à une vie sereine et plus sûre" ... "il est démontré que le plaisir est ressenti aussi quand on voit quelqu'un d'autre accomplir un acte altruiste" soit classé dans le panier récompense (à soi même ... à l'ensemble du groupe).
donc pas besoin la récompense dans l'au-delà, cette motivation se suffit à elle-même.
Boby a écrit :Pour moi elle est biaisée a cause de ses postulats bien que le raisonnement soit correct
(Comme en maths : hypothèse de base fausse + raisonnement bon => solution fausse)
Pour le "datée"... et bien je ne voit pas trop en quoi :think:... Je veux bien qu'on m'explique :-)
car cela date d'une époque où nous avions peu de recul sur l'Homme. Les autres cultures humaines n'étaient pas toujours considérées comme humaines. Une vision très européocentriste (si le terme existe ??? ) ... C'est l'époque du "bon sauvage", de la théorisation de la séparation nature/culture.... bref, ce sont des postulats datés, qui biaisent le raisonnement. Mais je ne nie à aucun moment le génie de la pensée Kantienne. Copernic était un génie, mais ses résultats sont aujourd'hui faux... Non le soleil n'est pas au centre de l'univers... Il n’empêche que c'était un progrès à l'époque.
Boby a écrit :Carrément ! Et ça pique les yeux à le lire !
Clairement!!

Mais cela me rappelle les débats avec certains membres de ma famille qui voulait me convaincre de baptiser mes enfants pour leur donner des bases morales: ca me révulsait de penser que la religion ou la spiritualité au sens large soit nécessaire pour "être quelqu'un de bien"... C'est que cette pensée est encore vivace.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Pier Kirool »

Euthyphron a écrit :Pier Kirool,
pourquoi chercher des sous-entendus? C'est une définition du fanatique. Le fanatique est celui qui croit en Dieu, et si on lui demande ce qu'il entend par là, il voit en Dieu une sorte de despote arbitraire auquel il faut obéir quand même, parce qu'il est Dieu. Je ne vois pas par quel tour de passe-passe on pourrait faire le même reproche à un athée! Il me semble que pour un athée il n'y a pas de Dieu, non?
Malentendu. J'avais compris : si l'on pense que Dieu est une croyance arbitraire, "un arbitraire" en quelque sorte, on est un fanatique en puissance.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Euthyphron a écrit :Ce qui fait que tu n'es pas kantienne, c'est que tu assimiles l'empathie et la moralité, alors que Kant les distingue, avec un tranchant tellement implacable qu'il suscite la répulsion, en tous cas pour nous occidentaux du XXIe siècle habitués à valoriser l'empathie.
Ce sont les points 3 et 4 qui produisent cette divergence.
Point 3 : la loi que l'on se donne par la volonté n'est pas l'empathie que l'on subit émotionnellement (ceci dit sans donner aucune valeur péjorative au verbe "subir"). Une empathie réglementaire, dont on pourrait formuler la loi, ne serait pas une véritable empathie.
Point 4 : l'empathie est un mobile affectif, donc subjectif. Il relève par là de l'intérêt et s'assimile à l'espoir de récompense (même si cette récompense n'est pas monnayable, mais se donne en émotion positive).
Je ne sais pas si je vais réussir à expliquer ce que j'ai en tête.

Quand il évoque une empathie réglementaire, une loi, est ce qu'il s'agit vraiment de morale? Autrement dit, les lois sont elle équivalentes aux règles morales? Les lois sont elles toujours morales?
Est ce que les règles religieuses sont toutes morales?

Au final, n'est ce pas là que la pensée de Kant est datée? dans le sens où il confond morale et loi (civile ou religieuse).

Si on s'extraie de cette manière d'envisager la morale, l'empathie peut tout à fait être le moteur de la morale.

Je trouve les lois plus subjectives que l'empathie au final. Si une loi nous impose de commettre des actes qui vont à l'encontre de nos ressentis suscité par l'empathie, cette loi est elle juste? Est elle morale? Cette loi est construite sur de la subjectivité arbitraire, qui peut avoir une certaine cohérence, mais qui ne répond à rien de positif pour personne, en dehors d'éventuellement une récompense plus tard.... c'est là que je fais le lien avec par exemple, les personnes qui commettent des attentats suicides pour être récompensé dans l'au delà. Leur empathie "naturelle" devrait les amener à considérer leur acte comme immoral.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Que la pensée de Kant soit datée, je le concède facilement. Il me paraît difficile en effet d'être totalement kantien aujourd'hui. Et effectivement, le contexte est bien celui d'une époque où l'on croyait que civilisation ne s'écrivait qu'au singulier, et où vérité impliquait universalité. C'est l'époque des Lumières, qui a abouti à la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen.
Mais pour autant tout ce qui a été pensé à l'époque n'est pas périmé loin de là. La preuve en est que cette pensée a gardé son pouvoir de provocation à la réflexion, puisqu'elle résiste à la compréhension immédiate et apporte des points de vue encore nouveaux pour la majorité des étudiants qui la découvrent.
Il faut que j'insiste sur un point : si vous pensez que l'acte moral est accompli de façon désintéressée, ou, autre façon de dire la même chose, qu'agir moralement uniquement dans le but d'être récompensé n'est pas méritoire, vous êtes kantiens. Vous ne pouvez pas aller plus loin que lui dans cette voie, car même le plaisir qu'il y a à se sentir utile, ou à avoir fait une bonne action, est pour Kant assimilable à une récompense, et donc si bien sûr il n'y a rien de mal à l'éprouver, il n'y a non plus rien de méritoire dans une action accomplie pour le plaisir, fût-elle bonne.
L'existence de Dieu n'est pas non plus une récompense, mais la promesse d'un monde juste (au passage, cela ne me paraît pas spécialement sinistre, mais tout simplement lucide, de signaler qu'en cette vie il y a inévitablement de l'injustice). J'ai déjà dit que je trouvais cela tordu, de ramener Dieu ainsi. Mais il ne faut pas caricaturer, c'est très clair que pour Kant si vous faites le bien pour gagner votre paradis votre conduite n'a rien de méritoire et donc vous ne gagnez même pas votre paradis.
Mais il reste encore bien des choses à dire, sans compter qu'on oublie ce pauvre Platon dans l'affaire, c'est cela les discussions philosophiques, on tire sur un fil et après c'est difficile de rembobiner.
Le noeud du débat subsistant me paraît mis en évidence par une contradiction (ou est-ce une hésitation?) que je constate dans ce que tu écris, emmanuelle47.
D'un côté tu dis que l'acte moral est accompli en vue d'un intérêt, celui de la société, ce qui veut dire que loi morale et loi sociale se recoupent nécessairement. De l'autre, tu reproches à Kant de confondre morale et loi civile ou religieuse, ce qui veut dire qu'il faut les distinguer.
Or, non seulement Kant n'est pas victime de cette confusion, mais au contraire il tranche si nettement que c'est cela qui peut déranger le lecteur, ou le réveiller. Il y a des situations où il faut désobéir à la loi civile (ou religieuse, cela va de soi) au nom de la loi morale. Quant toute une société veut procéder à un lynchage, par exemple, celui qui agit moralement s'y oppose. Et si l'esclavage a été aboli, c'est parce que certains ont pensé qu'il y avait des préoccupations plus importantes que l'intérêt de la société. Il se trouve d'ailleurs que c'est essentiellement chez Kant (et chez Rousseau) que les anti-esclavagistes ont puisé de quoi fonder théoriquement leur combat.
La moralité est donc obéissance à la loi en soi, oui, mais en même temps, de façon aussi inséparable que le recto et le verso d'une même feuille, capacité de résistance à toute forme d'oppression.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Si je comprends bien, pour qu'il s' agisse de véritable morale il faut qu'elle reste complètement extérieure à l'individu. S' il trouve ne serait ce que de la satisfaction à aider et bien agir alors ce n'en est plus.
Il ne faut donc pas que l'individu s' approprie son comportement moral...mais alors comment concilier cela avec le fait que pour lui cette moralité est inscrite en nous ?

J'ai dû rater un épisode ou comprendre de travers...Puis-je demander un éclairage ? :-)

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

En effet il y a une contradiction dans ta lecture, donc il doit y avoir quelque chose à repréciser. C'est la meilleure des démarches d'interprétation possibles face à une pensée philosophique!
La morale reste complètement extérieure à la sensibilité de l'individu (j'emploie ce mot, comme Kant ou plutôt ses traducteurs, dans son sens premier de capacité à recevoir des impressions par les sens, mais on pourrait aussi le comprendre au sens actuel). Mais pas à la volonté, qui la reconnaît comme sa norme (de même que l'intelligence reconnaît le vrai comme sa norme).
L'autonomie, qui est le maître mot, signifie étymologiquement la loi qu'on se donne à soi-même. Il suffit de comprendre que la sensibilité ne fournit aucune loi pour qu'il devienne possible de penser une autonomie morale sans souci de satisfaction sensible.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Merci pour cette explication claire Eutyphron. Il me reste un reproche à faire à cette théorie cependant.
Les lois morales sont basées comme toutes lois sur des valeurs. Elles me diront que casser une branche morte n'a pas d'importance mais que casser la patte d'un animal en a une.
A quoi doit-on ces valeurs données aux différents éléments du monde sinon à la sensibilité et à l'empathie ?

Et peut-on être moral et autonome sans interroger régulièrement ces valeurs avec notre sensibilité ?
Untel qui aura lutté contre l'esclavage a en fait accordé de son propre chef, et au vu des éléments fournis par ses sens, une valeur d'humain et non de bétail aux esclaves...Et la morale a fait qu'il s' en est alors révolté et s' est opposé à ces actes entrés en contradiction avec elle.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Puisque la loi doit commander de telle sorte que ce qui s'impose à moi s'impose à tous, sans quoi elle n'est pas la loi mais une simple maxime, c'est à la raison qu'il revient, non pas de manifester ses préférences (ce que suggère fâcheusement à mon avis le mot "valeur"), mais de déterminer ce que ma volonté reconnaît elle-même comme sa norme.
"Agis de telle sorte que la maxime de tes actions puisse être érigée en loi universelle" est la formulation de ce que Kant appelle l'impératif catégorique. C'est à ce critère que nous pouvons juger la valeur morale de nos actions. Puis-je vouloir sans contradiction l'esclavage universel? Il est évident que non. Je peux vouloir l'esclavage de tous sauf moi, en établissant une exception. Mais si je fais ainsi je ne respecte pas l'impératif catégorique et je peux donc vérifier ce que je savais déjà, réduire autrui en esclavage est immoral, même pour un misanthrope.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit :Puis-je vouloir sans contradiction l'esclavage universel? Il est évident que non. Je peux vouloir l'esclavage de tous sauf moi, en établissant une exception. Mais si je fais ainsi je ne respecte pas l'impératif catégorique et je peux donc vérifier ce que je savais déjà, réduire autrui en esclavage est immoral, même pour un misanthrope.
En l'occurrence il s' agissait de pouvoir réduire en esclavage des hommes n'étant pas considérés comme tels mais comme des sous-hommes, plus proches du singe qu'autre chose. Cela dépend bien du prisme personnel, du regard qu'on porte sur le monde. C'est également pour cela que le sacré fait des ravages, son poids supplantant celui des autres éléments du monde.

Pour le misanthrope, les autres hommes n'ont pas d'existence d'homme digne de ce nom (soit semblable à lui). Il ne reconnaît pas les autres comme semblables et de son point de vue il ne serait donc pas dans le cas de figure "tous sauf moi" parce que les autres et lui ne sont pas de même nature (dans son référentiel toujours évidemment). Il peut trouver l'esclavage moral.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Si quelqu'un s'imagine que les esclaves ne sont pas des hommes, eh bien il se trompe, non? A tel point que le misanthrope le plus aigri est capable, sans la moindre empathie, de ne pas tomber dans la même erreur, tellement elle est énorme.

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