L'éthique du mensonge

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
Avatar de l’utilisateur
Ucralo
Messages : 69
Inscription : ven. 3 oct. 2014 22:36
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/ucralo-t5439.html]lien[/url]
Profil : Bilan +
Test : WISC
Âge : 33

Re: L'éthique du mensonge

Message par Ucralo »

Ucralo a écrit :Par exemple, admettons qu'un esclavagiste demande à son esclave de promettre de ne jamais s'enfuir. Si celui-ci refuse de promettre, son esclavagiste le tue.
Euthyphron a écrit :Ce qui est contraire au devoir dans cet exemple, ce n'est pas la sincérité de l'esclavagiste, c'est qu'il fasse une telle promesse (en réalité une menace). Faire une fausse promesse de ce type, pour intimider, n'est pas du tout conforme au devoir. Et si la promesse est sincère, c'est son contenu qui est immoral, et non pas l'intention de la tenir.
J'ai l'impression que tu as interprété mon exemple comme : Admettons qu'un esclavagiste promette à son esclave qu'il tuera cet esclave si celui-ci s'enfuit. Là, effectivement, je suis d'accord avec toi.

Mais l'exemple que j'ai donné était celui-là : Admettons qu'un esclavagiste demande à son esclave de promettre de ne jamais s'enfuir. Si celui-ci refuse de promettre, son esclavagiste le tue. Il n'est pas question de la sincérité de l'esclavagiste, mais de celle de l'esclave. L'esclave, doit-il se faire tuer, faire une fausse promesse ou bien faire une vraie promesse ? Je pense que, dans ce cas, le devoir commande de faire une fausse promesse.

J'ai fait un raisonnement similaire à celui de Kant, mais en faveur du mensonge dans le cas particulier où on est un esclave et où on promet à son esclavagiste de ne pas s'enfuir :

Accepterais-je bien avec satisfaction que ma maxime (de faire la fausse promesse à mon esclavagiste de ne jamais m'enfuir pour me tirer de l'embarras) dût valoir comme une loi universelle (aussi bien pour moi que pour les autres) ? La réponse est OUI. Je peux vouloir une loi universelle qui commanderait de mentir dans ce cas précis.

Cependant, selon une telle loi, il n'y aurait plus à proprement parler de promesse de ne pas s'enfuir quand on est esclave. En effet, les esclavagistes ne seraient pas idiots : ils n'exigeraient pas à leurs esclaves de faire de telle promesse en sachant qu'ils ne la tiendront pas. Mais c'est une bonne chose qu'ils n'aient pas la possibilité de l'exiger. Autrement, les esclavagistes auraient un pouvoir énorme en supprimant très facilement à leurs esclaves toute possibilité de s'enfuir : on oblige l'esclave à promettre et hop, le tour est joué.

Avatar de l’utilisateur
Euthyphron
Messages : 410
Inscription : sam. 27 sept. 2014 09:41
Présentation : http://adulte-surdoue.fr/presentations/ ... t5407.html
Profil : En questionnement
Test : NON
Âge : 64

Re: L'éthique du mensonge

Message par Euthyphron »

Ah oui pardon, j'ai mal lu en effet. :oops:
Ton exemple lu correctement revient à ce qu'on appelle parfois l'exemple du fugitif. Supposons un fugitif poursuivi par des individus animés de mauvaises intentions. J'ai vu passer le fugitif, et ses poursuivants me demandent par où il est parti. Dois-je dire la vérité? c'est autour de cet exemple qu'a eu lieu la célèbre controverse avec Benjamin Constant.
La différence, c'est que dans ton exemple c'est l'esclave lui-même qui se désarmerait en étant sincère, mais je ne crois pas que cela change grand chose quant à la réponse à apporter.
Et puis il y a sans doute dans ton esprit une autre différence capitale, c'est la possibilité de promulguer une loi universelle disant "chaque fois qu'un esclavagiste me demande de promettre de ne pas m'enfuir j'ai le droit de désobéir". Mais cette loi n'est pas une loi! Si elle était vraiment une loi universelle, l'esclavagiste renoncerait à demander une telle promesse. D'une manière plus générale, ce n'est pas parce que l'esclavage est immoral que le bon esclave a le devoir d'insoumission. Il peut donc agir moralement en se soumettant. Je ne dis pas, bien entendu, que ce serait mon choix politique.
D'une façon générale, le devoir de ne pas mentir n'est en rien entamé par la difficulté qu'il y a à le remplir. La solution morale est donc la suivante : dire "je n'accepte pas de faire cette promesse que vous exigez de moi". Ou, s'il s'agit du problème du fugitif :"je refuse de vous dire par où il est passé".
Bien sûr, le caractère très particulier des circonstances, qui fait qu'il y a risque de périr à être franc, atténue considérablement la culpabilité du menteur éventuel! :-)
En fait, cela pose le problème de l'héroïsme, qui est exigible d'un certain point de vue, en tant que devoir, mais qui ne l'est pas d'un autre, en tant que bien peu ont la force de se conduire en héros.

Avatar de l’utilisateur
ZeBrebis
Messages : 218
Inscription : ven. 19 sept. 2014 11:59
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/forumeurs-forumeurs-t5381.html]Mes bleus de brebis en vitrine [/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 38

Re: L'éthique du mensonge

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit :
ZeBrebis a écrit :Je me suis mal exprimée : bien qu'ayant assez conscience du fait qu'on donne à entendre quelque chose de caricatural, d'orienté, et donc de faux, on n'appelle pourtant pas cela un "mensonge". Mais pour moi c'est de même nature ; par paresse, par lâcheté, par colère, on exprime du faux en le sachant, même si ce n'est pas au même degré de visibilité, que ce soit pour soi (moins conscient) ou pour les autres (difficile de déceler le fait que la personne ment).
Je pense qu'il faut quand même distinguer ce qui est déformation consciente de la vérité et ce qui est impuissance à s'exprimer sincèrement. Comme tu l'as dit toi-même, la sincérité au sens de "vérité de soi" est impossible. Si elle est impossible, y manquer ne saurait être une faute.
Je la tiens pour impossible en effet, ne serait-ce que par le fait que nous n'avons pas forcément conscience de nous. Néanmoins, je crois qu'on peut manquer à la sincérité lorsqu'on est conscient du fait que nous sommes sous l'influence d'un biais (les paresse, lâcheté ou colère dont je parlais) mais qu'on le laisse sévir.
Un mensonge tel qu'on l'entend couramment est pour moi simplement un biais installé confortablement, autorisé par la conscience. Mais ne pas chasser en soi ce qu'on a vu qui ne devrait pas y avoir sa place n'est il pas aussi une autorisation par défaut (le silence vaut acceptation, comme pour l'administration) ?

De mon point de vue la sincérité est un travail sans relâche si on veut y progresser réellement, et toute démission face à ce travail une forme de mensonge car nous laissons sciemment du faux dans nos paroles.

Et c'est pourquoi je suis très tolérante envers moi-même comme envers les autres sur ce plan car il serait inhumain d'exiger de se tuer à la communication vraie.
La position consistant à condamner les gros dérapages tout en banalisant les petits me semble sinon une hypocrisie manichéenne, posant les honnêtes hommes d'un côté et les menteurs de l'autre, deux catégories d'hommes bien distinctes. Alors qu'en fait tous nous avons des postures de fuite ou agressives, régulièrement, et qui peuvent se traduire par du mensonge à différents degrés.
Que les uns fassent la morale aux autres me semble donc du plus mauvais effet.

Avatar de l’utilisateur
Boby
Messages : 219
Inscription : mer. 3 sept. 2014 21:21
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/bout-vous-lire-t5336.html]Ne pas cliquer ici[/url]
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Localisation : A la campagne y'a toujours un truc à faire...
Âge : 43

Re: L'éthique du mensonge

Message par Boby »

Réponse 1 : Un devoir qui dépendrait des circonstances ne serait pas un devoir.
Réponse 2 : Le point de vue moral porte sur la valeur des fins et non des moyens. Ce qui dépend des circonstances, ce sont les moyens que l'on utilise, en vue de fins dont la valeur reste constante. Les circonstances pourront peut-être augmenter le mérite, lorsqu'elles renforcent la tentation de ne pas faire son devoir. Mais elles ne changeront pas les fins que poursuivrait toute créature intégralement raisonnable.
Ok merci, je comprends mieux.
► Afficher le texte
Nous verrons cela... Destinée ... ou PAS !

Répondre