von_z4ngt a écrit :Je vois, en effet la croyance est justifiée (je la trouvais non justifiée dans la solution énoncée à la page précédente, mais dans la solution officielle c'est bon).
J'ai du mal à comprendre ce que tu entends par opacité référentielle

.
Le problème selon moi c'est que au moment où L sait que D n'a pas été embauché, il n'a plus aucune raison de croire que "celui qui va être pris a dix pièces dans la poche" puisque cela dépendait de sa croyance en "D va être pris pour le poste". C'est à mon tour de ne pas être clair

!
Edit : tu es logicien Kliban ?
Bonjour, bonjour
Non, je ne suis pas logicien. Je suis ingénieur à la base. Polymathe, en vrai - je suis capable, disons, de naviguer dans les grands flux des savoirs, mais il y est des tempêtes auxquelles je ne sais pas faire face. Pour la logique, j'ai fait un peu d'IA, un peu de philosophie analytique, un peu de philosophie des mathématiques et un peu de logique mathématique. Je ne connais les problèmes relatifs à tous ces machins là qu'à la façon d'un vulgarisateur++, en fait.
L'opacité référentielle est un terme inventé par Quine, je crois, pour désigner un phénomène qui a très vite embarrasser les logiciens. Je vais essayer d'expliquer ça sans entrer dans les détails (qui sont infinis...).
La référence d'un terme, c'est l'objet du monde réel qu'il désigne. Les termes (les noms dans la phrase, si tu veux, grossièrement) sont pris dans des propositions. Par exemple dans
(P) "Un chat est sur le paillasson",
les termes "chat" et "paillasson" sont pris dans la proposition (P). En situation assertive (quand on affirme quelque chose : ceci est cela, ceci fait cela, etc.), les termes peuvent être remplacés par d'autres dès lors qu'on sait qu'ils sont reliés par une relation d'identité (on parle de substitution "préservant la vérité",
salva veritate). Si on admet que chat = "Animal de l'espèce
Felis silvestris catus" alors (P) est tout à fait identique à
(P') "Un Animal de l'espèce
Felis silvestris catus est sur le paillasson"
Le contexte est
extensionnel : on peut remplacer chacun des termes par n'importe lequel des termes (pour toute l'extension des termes) qui lui est identique, sans changer la vérité de la proposition.
Tout cela change quand on passe en contexte dit
intensionnel : cela concerne non plus des propositions sur des états de choses, mais des attitudes d'un au regard d'une proposition - on parle d'
attitudes propositionnelles : croyance, savoir, espérance, regret, etc. La forme est donc non plus "A" mais (par exemple) "Je crois/sais/veux que A".
Dans ce cas, il n'est plus possible de substituer à A une version dans laquelle certains termes ont été eux-mêmes substitués.
"Je sais que le chat est sur le paillasson"
n'est pas identique à
Je sais qu'un un Animal de l'espèce
Felis silvestris catus est sur le paillasson
Il faudrait aussi que je sache qu'un chat est un Animal de l'espèce
Felis silvestris catus.
On parle alors d'opacité référentielle : derrière "chat", dans 'je sais qu'un chat...", la référence n'est pas claire, "chat" peut très bien désigner, pour "Je", autre chose qu'un _chat_. On ne peut plus opérer aux substitution extensionnelles.
Le second problème que tu évoques n'est pas tout à fait celui de Gettier. Au moment où il est embauché et qu'il se rend compte qu'il a lui aussi 10 pièces dans la poche, il y a une modification des croyances de L. Il se rend compte que ses croyances étaient fausses
au sens où la référence à celui qui n'est plus D mais lui, mais qu'aussi elles étaient vraies
au sens où, logiquement parlant, elles ne peuvent être prises en défaut.
On se rend compte en fait que pour résoudre ce problème, on est obligé d'introduire quelque chose qu'il ne prend pas en compte : le contexte. Du moins c'et mon avis sur la question

. Dans le contexte de L, avant embauche, le seul embauché possible est D. Et donc la proposition "celui qui va être embauché" ne peut renvoyer qu'à D. Dans le contexte de l'observateur, avant l'embauche, "celui qui va être embauché" peut renvoyer soit à L, soit à D. Dans le contexte de l'après embauche, il y a révision des croyances du fait de la modification de "celui qui va être embauché" en "celui qui est embauché". Les contextes de l'observateur et de L sont réunifiés et L peut se rendre compte à la fois du fait qu'il était justifié à croire ce qu'il croyait dans le contexte précédent l'embauche, et à réviser sa croyance dans le contexte suivant l'embauche.
Mais introduire ce genre de considérations suppose 1. une approche dite dite
pragmatique (relative aux circonstances de l'énonciation, et donc à sa contextualisation) et 2. pose destas de problèmes quant au savoir. Car si la savoir est une "connaissance vraie justifiée" (c'est la définition traditionnelle que Gettier essaie de remettre en cause), alors l'introduction du contexte peut laisser entendre qu'il n'y a savoir que dans un cadre contextuel donné. Et qu'un changement de contexte modifie le savoir. Qu'en advient-il alors de la vérité, si le savoir qu'on en a dépend des justifications contextueles ? On voit que traine derrière ce type de question : peut-on faire confiance au savoir scientifique

. On peut donc soit essayer d'éliminer la question du contexte - affiner la définition du savoir pour ne plus avoir besoin de faire intervenir un contexte - iu, à mon sens de façon bien plus intéressante, travailler à définir ce qu'est un contexte dans lequel une notion acceptable de vérité scientifique - et du savoir associé - peut être pensée.
Bon, j'espère que c'était un peu clair - désolé, je n'ai jamais su être synthétique

De main gauche à main droite, le flux des savoirs - en mes nuits, le règne du sans-sommeil - en mon coeur, ah, if only!, le sans-pourquoi des roses.