édit final : je suis désolée j'ai fait un pavé... mais si on me lance sur le sujet de l'école et de ses réformes... ! C'est mon dada
Bon pour rebondir sur -disons le- cette idée qui ressort que "l'incompétence généralisée" serait plus une théorie du complot qu'autre chose, je vais essayer de vous citer plus de sources pour que vous puissiez vous faire une opinion par vous même au lieu de juste m'en référer au livre qui résume bien tout (et qui est connoté forcément -à tord ou à raison?- vu le "classement" de son auteur).
A propos du titytainement, très rapidement tiré de Médiapart :
"Il faut rappeler que Brezinsky est celui qui a conceptualisé le "tititainement" , sorte de panem et cirenses post moderne selon lequel deux dixièmes de la population mondiale suffisent à assurer la production , la population surnuméraire devant être encadré en la dérivant vers un abêtissement généralisé.
....
Malheureusement pour lui , son livre " le grand échiquier " est beaucoup lu : des journalistes lui avaient posé la question de savoir si ce n’ était pas dangereux d’ écrire un livre ou il dévoilait tant la stratégie qu’ il préconisait pour les USA. Il a répondu " de toute façon les gens ne lisent pas ".
http://blogs.mediapart.fr/blog/jocegaly ... -selection
Vous pouvez parfaitement lire le grand échiquier (plus édité je crois, mais on trouve une version téléchargeable sur internet, je l'ai sur clef si cela intéresse) et vérifier que ceci n'est pas une affabulation.
Alors il pourrait y avoir théorie du complot sur le fait que ce "tititainement" ne soit ou pas appliqué en France (puisqu'on ne peut réfuter que ce soit le cas en Amérique... Brezinsky ayant été conseiller de Carter, puis dans les gouvernements Reagan, Bush et Obama maintenant, ce n'est pas pour repeindre les fleurs roses de la tapisserie du salon de la Maison Blanche, quand au niveau de culture des Américains moyens...)
Là il est plus difficile de se rendre compte de ce qui se passe chez nous, il n'y a pas un texte écrit spécialement dans cette orientation permettant de faire tomber les masques.
Mais déjà l'analyse "de l'intérieur" des réformes est une bonne indication.
Maternelle et primaire : tout passe par le global, dont
on sait que cela ne marche pas.
Un très bon article de SOS Education. On peut télécharger l'étude complete en bas de l'article (étude longue mais très intéressante).
Ce document met donc en avant la réalité des pratiques enseignantes et cinq cas de figure ont été distingués :
77% des enseignants ont adopté l’un des 23 manuels de la méthode mixte,
15% « bricolent » leurs propres supports d’apprentissage,
4% utilisent un manuel syllabique,
3% combinent un manuel syllabique et un manuel mixte,
1% combinent deux manuels mixtes.
Après avoir fait passer des tests à 23 classes de CP en juin 2013, les scientifiques sont arrivés à cette conclusion : les élèves qui réussissent le mieux se trouvent dans les classes où les enseignants utilisent un manuel syllabique
Alors pourquoi nos différents gouvernements ne font rien (et qu'on ne me parle pas de
la circulaire de Robien qui interdit le global... non suivie parce que pour avoir un retour au syllabique il faudrait déjà former les profs à cette méthode !).
Je le vois déjà à la maternelle, où mon fils travaille sur des supports en global : reconnaitre son prénom en majuscules, puis le reconnaitre en minuscules, en script. Reconnaitre le nom des jours, des mois (commencé tout ça en première année). Le lien avec les lettres n'est jamais fait, ils commencent en deuxième année à voir l'alphabet mais ne s'en servent pas de support d'apprentissage des mots qu'ils doivent reconnaitre.
Et le global ne sert pas qu'à apprendre à lire ou écrire... On retrouve ces méthodes en maths par exemple au collège et au lycée, où l'on n'apprend plus à résoudre une équation, mais à reconnaitre les solutions. (oui oui, pas de technique de résolution, mais des recettes toutes faites). Résultat des courses, on les récupère en physique sur la fin de leurs études (TS ou en post bac) ne sachant pas résoudre des équations simples type premier degré ax = b (je vois de tout, x = b-a, x = a/b, inventez ce que vous voulez) ou ne sachant pas utiliser les fractions (on fait comment pour additionner deux fractions ? Savent plus...)
Enseignement des sciences par la lecture de documents, et leur analyse, puis découverte des phénomènes par des travaux pratiques sans explications. Normalement ils doivent "s'approprier les notions", on ne leur demande plus de connaissances, mais des "compétences" comme "savoir analyser un texte scientifique", "savoir rédiger une argumentation critique"...
Question bête : on fait comment pour parler et écrire à propos de relativité ou de mécanique quantique (oui oui ils en ont au programme en TS) quand on n'a aucune base, ni de sciences, ni de maths, ni même... de français et de lecture pour comprendre les textes ?
Et deuxième question bête : ils feront comment, nos futurs ingénieurs, s'ils n'ont pas les bases pour apprendre comment on fait pour calculer que sais je, la résistance d'un pont par ex ? Un ingénieur qui ne sait pas additionner deux fractions ou transformer un système d'équations, il fait comment pour travailler ?
Enseignement de l'Histoire et de la Géographie par thèmes :
plus de réelle connaissance des faits, plus de vraie analyse non plus. Juste de la poudre aux yeux.
En Français ? Même chose, des thèmes, et on en arrive à ce que nous disais Sandrinef :
Juste un billet d'humeur pour dire que mon fils est en première. Il n'a jamais lu un roman de Zola, ni de Balzac, et encore moins de Victor Hugo. Je suis sidérée. Affligée. Mortifiée.
Hormis "Le Grand Meaulnes" et un recueil de poème de Verlaine, les "oeuvres" étudiées sont d'un piètre intérêt.
Dommage. Il a adoré Le Grand Meaulnes, mais on ne lui a, durant sa scolarité, rien proposé d'autre. Dois-je imposer des lectures à mon grand de quinze ans? Mais je ne suis pas professeur. J'ai essayé, ça ne fonctionne pas...
Et voilà le coup de grâce cette année: il a dû choisir un roman à lire parmi une liste proposée. Il a hésité entre un B. Werber et "La stratégie Ender". La stratégie Ender a gagné. La stratégie de lobotomie a gagné. et moi j'ai envie de me pendre
A mon époque (houuu je suis vieille... heu non pas tant que ça en fait ? Tient ça a été rapide cette évolution... très rapide...) on n'avait plus le Lagarde et Michard, mais un autre type de livres qui était du même style. Remis au gout du jour, plus imagé, textes un peu différents, mais au final une approche siècle à siècle, abordant les auteurs classiques ou moins classiques mais dans un soucis de continuité, permettant de bien saisir les différents courants et évolutions littéraires. Si l'on était nul en français bah on le restait (comme maintenant... pas si sur, maintenant ils n'ont même plus une idée vague pour beaucoup de quelques auteurs et ne sont plus capables de s'exprimer correctement à l'écrit) mais on avait une idée générale correcte, et vu quelques livres ce qui permettait d'évoluer ensuite si on le voulait.
Aux profs on leur demande de s'adapter à ces nouvelles méthodes d'enseignement. On nous demande de participer à cette fabrique de déculturation.
Alors que reste-t-il ?
Les langues, ah oui. L'économie. Le droit. La comm.
Donc en gros, on ne fait plus de scientifiques au sens général du terme (oui, la désaffection pour les sciences est réelle, on va manquer cruellement de scientifiques très rapidement, c'est déjà le cas), on ne fait plus de réels historiens, philosophes ou autres littéraires, finalement les seuls qui ont un débouché seront... profs.
les "secteurs porteurs" actuellement sont ceux qui donnent des débouchés dans la finance, le tourisme, etc... Des activités qui n'ont pas besoin de réflexion (heu je suis désolée si je vexe du monde, je ne dis pas hein, que ceux qui en font ne réfléchissent pas... )
Alors les différents gouvernements sont ils incompétents ? Mal informés ?
Je doute...
Etude demandée en 2007 par le gouvernement de l'époque :
Les clefs du succès des systèmes scolaires les plus performants
Toutes les réformes faites ensuite vont à l'encontre de ce qui est clairement posé en synthèse de l'étude :
Nous avons ainsi pu observer que les meilleurs systèmes scolaires remplissent trois critères :
1) ils incitent les personnes les plus compétentes à devenir enseignants,
2) ils leur fournissent une formation de qualité et
3) ils s’assurent que le système est conçu pour offrir à chaque élève le meilleur enseignement possible
(lire l'étude pour les solutions appliquées pays par pays pour améliorer ces trois points, et comparer à chez nous...)
Là où une véritable formation initiale poussée est demandée, chez nous on la supprime (puis on la remet dans une forme qui ne sert à rien).
Là où pour inciter les meilleurs éléments à devenir profs ailleurs ils augmentent le salaire de base, chez nous on le diminue (oui oui, les primo arrivants sont passés de 1600 euros à 1300 euros ces derniers temps...)
L'école actuellement fabrique des gens qui se servent de leur cerveau non pour avoir une réflexion critique sur leur monde, mais juste pour avancer vers la fin. Et servir.
Pour conclure petite citation tirée de
cet article, lui même rédigé à partir d'un livre qui reprend les textes que la commission européenne, l'OCDE ou l'european round table consacrent à définir les ajustements structurels exigés par la réforme de l'école :
Une éducation européenne - Vers une société qui apprend. Un rapport de la Table Ronde des Industriels Européens, ERT, février 1995 (NB : à l'occasion d'une réunion extraordinaire du G7 à Bruxelles, consacrée à la " Société de l'information ") :
" La clé de la compétitivité de l'Europe réside dans la capacité de sa force de travail à relever sans cesse ses niveaux de connaissance et de compétence. Dès lors, la responsabilité de la formation doit en définitive être assumée par l'industrie. Le monde de l'éducation semble ne pas bien percevoir le profil des collaborateurs nécessaires à l'industrie. L'éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique. "