Parce que la science dit que...

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dani
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Re: Parce que la science dit que...

Message par dani »

Oui je sais, j'ai bien dit que ces données étaient fragiles. Mais les sud coréens, les chinois ont un peu d'avance sur nous tout de même et développé une expertise clinique qui peut nous guider en attendant d'en savoir plus même si leurs articles ne sont pas encore accessibles dans des revues peer-reviewed. Et comme on n'a pas grand chose d'autre pour le moment... c'est difficile de fermer les yeux. Certains hôpitaux suisses essaient aussi divers médicaments, des résultats vont aussi arriver je pense.

Mais il est vrai que des conclusions toutes récentes recommandent la prudence et le développement d'études soit observationnelles (désolée, mais c'est le terme utilisé dans l'article dans le lien ci-joint), soit des RCT de qualité. Mais en filigrane on sent quand même que la chloroquine/l'hydroxychloroquine est une option à explorer (c'est mon interprétation je l'admets)

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/32281213
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Fish
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Fish »

Je vais essayer de prendre un peu de recul sur l'ensemble de ce sujet.

L'intention initiale était de parler de "fast science" (un terme que j'imagine dérivé des critiques de Pierre Bourdieu sur les "Fast Thinkers"). Il a été rappelé à plusieurs reprises que le fil quittait ce thème pour s'orienter sur "pour ou contre la Chloroquine" ou "pour ou contre Raoult" (je simplifie). Mais je pense que c'était couru d'avance, dès le premier post. Imaginez que je poste un texte bien ficelé, qui appelle à la retenue et au doute sur ses convictions dans les débats politiques. Je me plaint, à bon escient, de la mauvaise foi et des facilités qui peuvent régner au sein de débats. Puis, j'annonce que je vais prendre un exemple pour illustrer mon propos: le conflit israélo-palestinien. Dans mon exemple, je tente de démontrer en quoi la politique d’Israël est assimilable à l'Appartheid. Enfin, je termine par "mais ce n'est pas ce débat qui m'intéresse alors SVP veuillez ne pas renchérir sur le conflit israélo-palestinien, restez focalisés sur la mauvaise foi en politique"... ben là je me suis permis de livrer une opinion critiquable et j'empêche les autres membres d'y répondre.

En illustrant la fast-science avec la Chloroquine, forcément, ça allait dériver. Si on prend un sujet polémique, il ne faut pas s'étonner que la polémique intervienne. C'est pour ça qu'il est utile, quand on veut déminer une polémique, de faire une analogie avec un domaine qui ne l'est pas. Par exemple: QI et génétique c'est polémique ? On démine en prenant l'analogie sportive.

Dans ce sujet nous faisons tous, sans exception je crois (moi inclus donc), de la "fast science". On y pratique exactement ce qu'on critique. Sur le fond de la question de la Chloroquine, je ne suis pas certain que nous soyons très éloigné des débats facebook. On pourrait dire que sur un forum de surdoués, ça la fout mal. Mais en fait, c'est pas grave du tout, à une condition: si on a suffisamment de recul pour déterminer quand nous faisons, nous, de la fast-science. Autrement dit, si on ne se sert pas des autres ailleurs sur le web, mais de nos propres discussions ici, pour déminer cette fast-science. Dans ce cadre-là, il est utile d'avoir un sujet polémique, et je ne pense pas qu'il faille scinder ce fil entre le débat sur la Chloroquine et le débat sur la fast-science.

Je vais illustrer mon propos par un exemple: le conflit israélo-palestinien.

...

Naaaan j'déconne.

Je reviens sur l'histoire de la Suède qui a abandonné l'utilisation de la Chloroquine. Ca rentre dans le cadre de la question: cette Chloroquine est-elle susceptible d'avoir des effets indésirables ? Car si c'est le cas, l'idée de l'administrer largement, sans être certain des bénéfices, prend un tout autre sens que si elle n'a pas d'effets indésirables (même si le débat reste malgré tout). Je résume, en simplifiant:
1: la Chloroquine peut aider, pas sûr, mais elle n'a pas d'effet négatif. Donc au mieux ça aide, au pire ça ne fait rien.
2: Ah mais non, la Chloroquine a des effets négatifs, c'est pour ça que la Suède a arrêté de l'utiliser
3: Ca compte pas, en Suède ils utilisaient une dose trop forte.

Le hic dans cet échange simplifié, c'est qu'on ne sait pas si la dose utilisée en Suède est vraiment ce qui pose problème. On a juste un argument qui dit que ça peut poser problème. C'est possible, c'est pas idiot de le penser. Mais ça n'est pas une preuve. Donc en gros:
- soit c'est vraiment le surdosage qui est la cause de l'échec de l'utilisation de la Chloroquine en Suède, et donc ça ne dit rien sur la toxicité des essais de Raoult. Mais en revanche, ça pourrait indiquer que, même à une dose élevée, elle n'a pas d'effet. Donc à une dose plus faible, elle n'aura plus de toxicité, certes, mais elle aura encore moins de bénéfice. Ah mais attention, qu'est ce qui prouve qu'en plus d'avoir une toxicité qui augmente, le bénéfice ne diminue pas en surdosage ? Ca pourrait être une courbe en forme de sommet, avec un accroissement du bénéfice au début puis une chute. Oui, ou pas. Etc.
- soit ça n'a rien à voir, le dosage était certes élevé, mais pas forcément délirant. Après tout, il a été administré par des professionnels connaissant leur métier. D'ailleurs, quand tu lis la notice de l'Aspirine, en vente libre, il est bien écrit qu'il faut se limiter à une certaine dose (3 ou 4g par jour, je ne sais plus), sauf sur prescription d'un médecin. Donc un pro semble autorisé à dépasser la dose "normale". Donc le surdosage en Suède pourrait être rationnel. Oui il pourrait, mais est-ce que c'est bien le cas ? C'est une possibilité, pas une preuve. Etc.

Il y aurait probablement encore plein d'autres questions à se poser. Ce que j'essaie de montrer, c'est que quand on veut aller au bout d'un sujet, on rentre très vite dans d'innombrables ramifications de questions, et qu'il ne suffit pas d'avoir des "possibles", ni des "hypothèses pas idiotes".

Je voudrai terminer par une remarque de Kurai, plus haut (mais ce que j'en tire vaut pour tout le monde):
Kurai a écrit :Puisqu'on est à citer Libé comme source de science maintenant:
J'ai senti, peut-être à tort, une dose de mépris dans cette remarque. Genre "Libé, c'est quand même pas une référence scientifique".

C'est pas faux.

Mais nous, dans ce sujet, que faisons nous ? Sur bien des points, on ne va pas au bout des questions. On envisage des possibles, qui ne sont pas idiots. Mais on n'a pas de preuve. Comment répond on ? En allant fouiller sur Internet. Qu'ont fait les journalistes de Libé quand D. Raoult a critiqué le protocole Discovery ? Ils ont contacté directement des acteurs de Discovery pour avoir un autre point de vue. Ils n'ont pas fouillé sur internet, comme nous. Ils ont fait un boulot d'investigation. Est-ce que ça démontre tout ? Non bien sûr, les gens de Discovery ont pu leur raconter des bobards. Mais nous, on n'a même pas fait ce travail-là. On n'a pas contacté les suédois pour savoir ce qui a pu les pousser à utiliser un dosage élevé. Alors soyons honnête: Libé c'est pas le sommet des références scientifiques. Mais nous, là, on est encore un bon cran en dessous.

Bien au chaud derrière nos écrans, on fait de la fast-science.
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Tamiri

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Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

Fish a écrit : mar. 14 avr. 2020 18:40
Kurai a écrit :Puisqu'on est à citer Libé comme source de science maintenant:
J'ai senti, peut-être à tort, une dose de mépris dans cette remarque. Genre "Libé, c'est quand même pas une grosse référence scientifique". C'est pas faux. Mais nous, dans ce sujet, que faisons nous ? Sur bien des points, on ne va pas au bout des questions. On envisage des possibles, qui ne sont pas idiots. Mais on n'a pas de preuve. Comment répond on ? En allant fouiller sur Internet.

Qu'ont fait les journalistes de Libé quand D. Raoult a critiqué le protocole Discovery ? Ils ont contacté directement des acteurs de Discovery pour avoir un autre point de vue. Ils n'ont pas fouillé sur internet, comme nous. Ils ont fait un boulot d'investigation. Est-ce que ça démontre tout ? Non bien sûr, les gens de Discovery ont pu leur raconter des bobards.

Mais nous, on n'a même pas fait ce travail là. On n'a pas contacté les suédois pour savoir ce qui a pu les pousser à utiliser un dosage élevé. Alors soyons honnête: Libé c'est pas le sommet des références scientifiques. Mais nous, là, on est encore un bon cran en dessous.

Bien au chaud derrière nos écrans, on fait de la fast-science. Si ça se trouve, on est tous, là, au sommet de la montagne de la stupidité. Mais en essayant de comprendre, en doutant, on peut espérer descendre dans les tréfonds de la vallée de l'humilité.
Non, il n'y avait pas de mépris. Encore une fois, je fais la disctinction entre deux niveaux de discours qui se mélangent dans ce fil (qui est devenu une tribune à pour/contre Raoult en utilisant exactement ce que je dis qu'il ne faut pas faire, et c'est vrai que la longueur a tendance à avoir un impact sur la manière dont je m'exprime - ce n'est pas une excuse, mais ca décrit bien le tension que ce genre de communication multi-niveau peut générer). Il faut aussi prendre en compte le fait que j'essaie de bosser, et que les attaques continuelles sur les réseaux sociaux, c'est énervant. Une médecin avait compilé une liste d'articles et avait twitté l'adresse qui traitait des différents résultats qui avaient été soumis, communiqués ou publiés, qui contenant 83 sources, et qui m'aurait été utile pour mon boulot, mon ordi a buggé, et maintenant, je n'ai plus cette liste perdu au fin fond des insultes des pro-Raoult/contre-Raoult. Donc, au bout d'un moment, je n'échappe pas à l'énervement.

Je ne pense pas qu'il faille mélanger les sources twitter, facebook, journaux, et les sources bibliographiques, parce qu'elles n'ont pas le même niveau d'expression, et que c'est de la fast-science. Par conséquent, quand on m'explique qu'un cas d'intoxication a été rapporté en Suède sur la base d'un journal pour expliquer que c'est toxique, on est sur un niveau simplifié, et que dans le post suivant on fait appelle à la bibliographie scientifique, on est sur un autre niveau d'analyse, et ça fait étrange. Il y a beaucoup de paramètres en jeu quand on parle d'intoxication, c'est pas juste "il y a des cas d'intoxication à la Chloroquine". Si je parle de dosage, c'est pas juste "une hypothèse". On (ceux qui travaillent le sujet) le sait clairement que le dosage a été problématique dans le soin en question parce que le patient qui était dans un cas sévère, on cherchait à tester à quel dose il allait répondre. Et d'un côté, on dirait "ce patient ne répond pas à de fortes doses alors pas de bénéfice et énormes risques", sans ne prendre en compte ceux qui ont répondu à plus faible dose et qui n'ont développé aucun symptome, et dire "ah non mais ceux qui ont répondu on sait pas si c'est la chloroquine". Il faut étudier plus sérieusement les doses, les conditions cliniques, l'état des patients, les commorbidités, et comme la majorité des data sont quasi impossible d'accès ou difficilement accessible, je considère qu'une personne médecin n'a pas à utiliser de telles simplifications.

En plus de ça, comparer le résultat en Suède et les résultats au Brésil alors que ce n'est pas la même molécule, c'est aussi problématique sur le plan scientifique (et là je parle bien sur le plan scientifique). C'est ce que j'essaie d'expliquer depuis le début. On ne peut pas décemment utiliser l'argument scientifique pour défendre une position en prenant comme source des éléments factuels incomplets. Soit on se base sur le factuel (et tout le monde peut le faire, je n'ai pas de soucis avec ça), mais à ce moment là, je refuse qu'on utilise l'argument scientifique pour justifier une position. Soit on utilise l'argument scientifique pour exposer son idée et auquel on agit en tant qu'expert et on se doit d'être complet. Je pense que Libé fait son job, et c'est normal, et ca permet à tout le monde (y compris les chercheurs) de savoir rapidement ce qu'il se passe, mais après il faut savoir comment on l'utilise. Je ne suis pas, et je ne souhaite pas faire le débat contre/pour Raoult parce que j'en assez de l'entendre à longueur de journée, et je le revois ici, et je ne sais pas sur quel niveau je dois me mettre: soit je me mets sur un niveau scientifique en faisant appel à mes compétences et à mes activités actuelles liés au COVID, et on discute vraiment dans les détails comme a commencé à le faire Pier, soit on se met à un niveau vulgarisation, et on discute sur la base des articles de journaux. Mais on ne peut pas décemment faire les choses à moitié parce qu'on fait de la fast-science comme tu le dis, et que justement le but c'est d'expliquer le principe pour éviter de le faire. Après encore, je ne cherche pas à poursuivre ce débat intéressant, mais ce n'est pas la question essentielle que je voulais développer initialement dans ce topic.

D'autant plus que tu me prêtes une opinion que je n'ai pas depuis le début, et je trouve ça déplacé.

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Fish
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Fish »

Personnellement, mais ce n'est que mon avis, je pense que ton objectif est bien, quoique tu dises, de débattre de Raoult et de la Chloroquine. Évoquer ce sujet polémique, pour dire ensuite "mais c'est pas le centre du débat", c'est pour moi une manière de verrouiller ce débat: toi tu peux en parler longuement une fois, et ensuite il ne faudrait plus en parler.

Par ailleurs, je pense que tu fais de la fast-science, et ce dès le premier post (donc bien avant d'être lassé). Je pense que Pier fait de la fast-science. Je pense que je fais de la fast-science. Je pense que... OK je vais pas citer tous les intervenants de ce fil. Ca ne signifie pas que tu ne fais que de la fast-science, et il y a plein de très bonnes choses dans tes posts, qui sont très intéressants (c'est encore mon avis perso).

Je pense que ça n'est pas bien grave, mais ça serait bien d'en avoir conscience.
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Enuma

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Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

Hors-sujet
Non Fish, je suis désolé, j'ai à plusieurs reprises indiquer que je voulais changer de débat. J'ai même essayé de prendre la contre-position, donc tu peux pas me dire que je défends Raoult ou que je veux débattre sur lui. La réponse à Pier s'est faite sur un autre topic parce que son argumentaire à charge m'étonnait de la part d'un scientifique. Ce n'est pas moi qui relance en permanence sur ce sujet. Tu noteras qu'à chacun de mes interventions en plus, c'est uniquement pour essayer de recentrer, et pour essayer de montrer que personne n'a raison ou tort, parce que la science n'appartient à personne. Ensuite, tu ne peux pas me faire un procès d'utiliser la fast-science dès le premier post, c'est mentionné que c'était la seule façon pour moi de montrer les biais de ce genre de pratique, et j'ai ensuite dit à plusieurs reprises en plus que ce qu'on faisait c'était de la fast-science et qu'on devait arrêter. Encore une fois, j'ai toujours défendu le fait que personne n'avait raison ou tort. Donc à partir de là, me prêter des intentions cachées, c'est très déplacé. Mais bon.

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Re: Parce que la science dit que...

Message par Fish »

S'il te plaît, merci de me laisser le droit de dire ce que je pense.

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wallcreeper
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Re: Parce que la science dit que...

Message par wallcreeper »

Fish, Kurai, Pier Kirool et consorts (surtout pas qu'on sort...) on fait en effet de la fast-science avec comme seul intérêt d'échanger, partager, parfois polémiquer (mais pas trop fort :P ), se réajuster et surtout apprendre ce que certains d'entre nous peuvent nous apporter avec pour tous un oeil différent de part nos compétences et notre vécu à tous. Pourquoi ? D'abord car nous parlons tous de choses pour lesquelles nous n'avons pas les réelles compétences, vécus, et expériences dans ces domaines, malgré pour certains le fait d'avoir un métier proche de ce dont il retourne, et d'autres part car, comme vous le soulignez, nous faisons avec les sources qui nous sont disponibles !

J'aurais envie de dire "Et alors" ? Quel est notre objectif principal dans tout cela ? Apprendre, affiner notre connaissance et avis, partager sur le sujet, et ce en toute tranquillité, simplicité, car nous n'avons aucune prétention à être publiés ou financés, à vouloir sauver le monde ou juste faire notre métier... L'échange sur AS va t'il révolutionner les thématiques que l'on développe, avec la qualité apportée par la pluralité des participants ? Heureusement non... La pédagogie se permet parfois des raccourcis, des analyses semblant facile au regard de la réalité selon le degré d'expertise que l'on place sur le sujet développé et surtout notre degré d'expertise à nous, des généralisations... Le tout est d'en être conscients, ce qui est pour moi primordial...

Dans tous les cas, merci à tous d'avoir poursuivi cet échange auquel je ne peux prendre part qu'en catimini, tant en terme de temps dispo mais aussi de compétences et/ou infos à engranger, compiler et digérer pour pouvoir apporter une réelle pièce à l'édifice... Je vous remercie par cette fast science de nous permettre humblement de faire un fast apprentissage de toutes ces notions... Continuons, en toute innocence !
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Pataboul »

hmmm Wall. Merci pour ce mot bienveillant, mais je ne suis pas d'accord. Ce qui rend ce fil intéressant c'est qu'on s'y efforce de faire de la vulgarisation et non de la fast-science. C'est pour ça qu'il est intéressant à suivre.
Je reconnais ta bonne intention mais je me sens insulté quand tu reprends l'affirmation de Fish qu'on fait tous ici de la fast-science, alors que je m'efforce de faire de la vulgarisation. Et je trouve que d'autres que moi peuvent légitimement en penser autant.

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Re: Parce que la science dit que...

Message par TourneLune »

Au final, vous la voyez comment, la différence entre la fast science et la vulgarisation-quand-vous-n'êtes pas un spécialiste.
Parce qu'à un moment, à moins d'être dans un débat de purs experts, si on s'autorise à réfléchir et à avoir un avis ( fragile, basé sur ce qu'on sait et non définitif) on va se retrouver nécessairement taxé de fast scienceur?

Ps: je m'excuse pour tous les soignants qui soignent, évidemment qu'on soigne les gens au mieux même en leur filant un placebo et que ce n'est pas rien. C'est quand même moins.... Moins de chances, moins de risques donc ça change pas tellement l'idée de fond. Moi ce que je ne comprends pas, c'est qu'on ne soit pas capable de se placer à divers niveau et de voir que l'image n'est pas la même selon le niveau où on se place... Mais à vrai dire ça me fatigue un peu donc je vais pas répondre et puis c'est HS...

Allez s'pas bien grave, moi je trouve ces discussions quand même intéressantes et j'apprends des choses.
[mention]wallcreeper[/mention] , fais gaffe , à vouloir apaiser les tensions, tu vas t'attirer des foudres :lol:

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Re: Parce que la science dit que...

Message par wallcreeper »

La vulgarisation n'est elle pas une forme de la pédagogie, n'y a t'il pas une part de fast science, ne prenant pas tous les tenants et aboutissants auxquels nous ne pouvons avoir accès, ne serait ce que par les médias que l'on utilise comme source ? L'apport important d'info que Pier Kirool a fait dernièrement, de par sa proximité avec le domaine, ne peut de mon point de vue que le confirmer. Nous sommes nombreux à faire de la vulgarisation , moi le premier, et il m'est difficile d'entendre de mon coté que nous pouvons avoir la certitude de ce que nous essayons de mettre en avant, de vulgariser comme n'étant pas de la fast science surtout dans ce cas précis particulièrement, sinon ce sujet n'aurait pas lieu d'être sous cette forme.

Dernière réponse à ce fil...

Edit : je n'ai pas eu l'impression d'être insultant, pas plus que les échanges qui ont pu précéder ou les ressentis qui ont pu s'y glisser, d'où mon retrait, sujet trop à fleur de peau pour quelqu'un qui l'est trop...
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Invité

Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

[mention]TourneLune[/mention] : Je vais essayer de développer ce que j'en pense (à titre perso, ca n'engage que moi). Selon moi, la fast-science et la vulgarisation procèdent de la même manière, par simplification, mais avec des objectifs différents, du matériel différent, et des arguments différents. Et la différence se voit sur le ton, la teneur des arguments employés (fond ou forme), et sur l'endroit où on en arrive (à une explication pédagogique d'une situation ou d'un point de vue, sans nécessiter de faire adhérer les gens, ou un argument ad-hominem ou tout autre forme de rhétorique parce qu'on n'aura pas su débattre du fond).

Déjà, je repars de la structure d'un article scientifique et comment on procède à la vulgarisation (qui n'est pas un procédé simple loin de là, parce qu'il y a le piège d'émettre une simple opinion si on évacue trop l'élément scientifique). Pour vulgariser un sujet scientifique, il faut être capable déjà de cibler le public (donc potentiellement connaître son degré de connaissance du domaine pour savoir les éléments scientifiques dont on va s'affranchir ou pas, et des aspects importants à montrer). Par exemple, je ne vais pas parler à un décideur de la même manière que je parle à mes étudiants, ou à mon voisin. Ensuite, si je suis mathématicien, et que je dois vulgariser un sujet mathématique, je ne vais pas en parler de la même manière à un étudiant de biologie qu'à un étudiant de math (parce que l'étudiant de biologie a moins de background mathématiques à priori que l'étudiant de mathématiques, bien que les deux ont des bases scientifiques communes). Si on ne procède pas à cette première étape, la vulgarisation n'est pas possible (ou elle sera mal faite).

Une fois que tu es placé au bon niveau de simplification, il faut faire attention quand tu t'exprimes sur le sujet, d'expliciter l'ensemble des points de vue pertinents pour le sujet qu'on traite. Il y a certes notre point de vue à nous (en tant que scientifique sur un sujet) sur lequel naturellement on va mettre un peu plus l'accent (parce qu'on a des convictions, nous ne sommes pas neutres), mais il est quasi-indispensable d'avertir notre auditoire qu'il y a d'autres points de vue que nous n'explicitons pas et que nous n'expliquons pas. Selon l'auditoire, cet avertissement est implicite ou non, en fonction du niveau de connaissance. Par exemple (là je vais faire de la vulgarisation), admettons qu'il existe deux visions qui s'opposent en informatique théorique (au sens théorie de l'information), celui qui consiste à dire que tout évènement est déterministe et donc que lorsqu'on est dans un état donné, et qu'il y a un évènement particulier, il ne peut y avoir qu'un état résultant. Implicitement, il n'y a donc pas de hasard et si on reproduit l'expérience exactement dans les mêmes conditions, on est censé obtenir le même résultat. L'autre vision indéterministe consiste à dire qu'en réalité pour un état donné et un évènement particulier il peut y avoir des multitudes de sorties parce qu'il y a des variables qu'on ne contrôle pas et qui sont au delà de notre maîtrise. En fonction de l'adhésion à l'une ou l'autre de ces théories (qui sont toutes les deux valides), va découler un certain nombre d'approches différentes de résolution approximative des problèmes. Admettons que je sois partisan des méthodes déterministes, parce que je considère qu'il n'y a pas lieu de s'embêter avec le non-déterminisme ou que je ne suis pas convaincu de la pertinence des éléments apportés par le raisonnement non-déterministe. Je vais donc expliquer en vulgarisant ce qu'est le déterminisme, mais je suis également dans l'obligation de mentionner le fait qu'il existe une autre approche, le non-déterminisme (dont je ne parle pas ici parce qu'elle ne m'intéresse pas, ou auquel cas, j'explique le procédé en quelques mots pour faire comprendre les différences de point de vue, et pourquoi à titre personnel, je ne suis pas d'accord, partiellement d'accord; je vais citer également d'autres auteurs si j'ai envie d'expliquer que je ne suis pas le seul à avoir ce point de vue). A charge ensuite à l'auditeur de se faire une idée. Si l'auditeur pense que mon exposé sur ma méthode lui convient, il ne posera pas de questions sur la deuxième méthode. Par contre, s'il est curieux, je le renverrai vers d'autres vulgarisations ou je lui expliquerai pourquoi (en détail et sans omettre d'éléments) pourquoi il ne s'agit pas de la bonne méthode selon moi (et c'est toujours important de bien faire comprendre qu'il s'agit d'un point de vue personnel, et de renvoyer à la fois vers des articles de partisan de l'autre méthode).

A un niveau au-delà, admettons que je sois profane et que je m'intéresse à un sujet. Je vais donc vouloir en débattre et je vais commencer à m'y intéresser. Naturellement, je vais d'abord ouvrir un livre de vulgarisation scientifique pour essayer déjà d'aborder les différents éléments importants du domaine (les concepts-clefs). Une fois que je me les suis appropriés, je vais essayer d'orienter ma littérature sur des articles un peu plus technique, jusqu'à arriver dans les articles scientifiques. La structure d'un article scientifique est codifiée pour de bonnes raisons.

L'abstract permet de comprendre rapidement les éléments-clefs que l'article souhaite mettre en évidence. Il ne s'agit pas d'une conclusion. Ensuite l'introduction pose les bases, la littérature sur lequel on se base, l'historique, les concepts importants (si besoin), possiblement on explique les biais des articles références auquel on va répondre (et comme dans la vulgarisation, on procède du fait qu'on considère le lecteur ayant un niveau de connaissance pour comprendre pourquoi les points qu'on soulève dans les articles cités sont problématiques. Ce n'est pas toujours évident d'ailleurs, parce que dans les articles que l'on cite, il arrive qu'on tire des éléments hors-contexte parce qu'elles ne sont pas valables dans le contexte de l'article qu'on écrit). Ensuite, on a notre étude détaillée. Et enfin la conclusion qui rappelle les éléments clefs qu'on a démontré dans l'étude détaillée. Mais: la conclusion n'est valable que parce que l'étude détaillée et technique existe, et tout le monstre se trouve dans l'étude détaillée. Il y a beaucoup de non-dits dans la conclusion parce qu'on souhaite attirer l'attention sur un point particulier histoire d'aider les gens qui ont besoin d'aller vite à avoir un résumé.

Par exemple, je cherche un article qui traite d'un algorithme de tri rapide dans un cas donné. Lire la conclusion me permet de savoir qu'un tel algorithme existe et dans quel cas il marche. Si je veux savoir effectivement pourquoi il marche, je suis obligé de faire l'analyse détaillé du contenu de la partie développement. Et pour faire cette analyse détaillée, cela suppose que j'ai les compétences pour le faire (parce qu'il faut réfléchir à pourquoi l'auteur a décidé de suivre cette méthodologie quand il ne l'explique pas, pourquoi il a posé certaines équations, est ce qu'on aurait pu ou pas faire autrement, etc). En d'autres termes, il peut y avoir des biais que l'auteur n'a pas explicité soit parce qu'il pense que le lecteur va les trouver de manière évidente, soit parce que l'auteur n'y pas pensé (ca arrive), ou pire, il cherche à cacher quelque chose. C'est pour ca qu'un peer-review (si c'était fait correctement) est important. Sachant aussi, qu'un article peut paraitre dans un journal même si le peer-review est négatif. A titre d'exemple, ca m'est déjà arrivé d'avoir 2 reviewers qui ne sont pas vraiment des experts du domaine qui valident mes résultats tout de même, et que le troisième soulève des questions intéressantes. Mais comme le troisième est minoritaire, la revue passe quand même. Et en général, les reviews ne sont pas publiés (ou elles le sont, mais il faut les chercher soit même).

Sachant ça, le traitement d'un article scientifique ne peut pas être le même si on est profane ou si on est spécialiste. Un profane va plus se contenter de lire un article "en diagonal" pour essayer de comprendre les grandes lignes. Selon comment l'article est écrit, c'est plus ou moins facile. Un spécialiste va avoir des alarmes qui vont s'allumer parce qu'il a déjà accumulé un certain nombre de connaissances ailleurs (donc il connait les points de vue opposés, il peut comprendre les biais méthodologiques, etc). Et c'est là où on commence à avoir une divergence entre fast-science et vulgarisation.

Pour reprendre un exemple non concret, on peut tomber sur un certain nombre de pistes scientifiques dans un domaine quelconque. Lorsqu'on va faire notre revue de littérature, il va se dégager un point de vue majoritaire et un point de vue minoritaire. En général, on va dire qu'il y a un consensus entre chercheurs pour un point de vue, et donc avoir tendance à discréditer le point de vue minoritaire.

Le scientifique va quand même garder à l'esprit la possibilité que le point de vue minoritaire (malgré ses faiblesses) puisse quand même être porteur de vérité. Par exemple, admettons que je veuille prouver l'existence d'une particule élémentaire, et admettons qu'il y ait plusieurs résultats avec des signaux forts et des signaux faibles. Tu vas avoir une partie de la communauté qui va dire "ok, au vu des preuves apportées, les signaux forts suggèrent l'existence de la particule", et à contrario, tu vas avoir une position minoritaire qui va dire "effectivement, il y a des signaux forts, mais il y a d'autres signaux qui possiblement suggèrent qu'on se trompe dans la nature de notre théorie." Si le nombre de chercheurs et le nombre d'études en faveur des signaux forts est plus élevé, on va dire qu'il y a un relatif consensus et que majoritairement les scientifiques pensent qu'effectivement on a les preuves pour cette théorie. Ca n'empêche pas qu'ils savent qu'il y a autre théorie plus minoritaire qui pourrait peut-être un jour montrer d'autres résultats. Donc il n'y a pas de certitude dans la théorie, mais tant qu'on n'a pas de signaux inverses, on va admettre que la théorie est vraie puisque prouvée. Ce truc là existe aussi en mathématiques formelles sur des problèmes complexes.

Le profane en quête de science en général cible ce qui l'intéresse. Donc il va avoir tendance à lire des articles allant dans son sens, en lisant abstract, introduction, développement dans les grandes lignes, et conclusion. Il va en tirer un exposé scientifique qui est biaisé (point de vue majoritaire ou minoritaire, pas forcément le background exposé entièrement, etc). Si l'utilisation de cet article consiste à dire: "j'ai vu un article qui dit que parmi les scientifiques, il y a ce point de vue là que j'ai compris comme ça", c'est de la vulgarisation et un débat sain basé sur des éléments factuels.

Si par contre, on est dans l'utilisation "la science dit que c'est comme ça parce qu'il y a ces chercheurs qui pensent ça, et au fait les autres études ne sont pas sérieuses parce qu'untel, untel et untel disent ça", on est dans la fast-science. Parce que même dans le cadre d'une démonstration inverse (donc une démonstration qui tenterait d'infirmer une théorie), si la démonstration ne donne pas de piste quand à l'explication du phénomène observée, on ne sait pas en réalité si c'est parce que la démonstration initiale était entièrement fausse, ou si c'est parce qu'il manquait des paramètres qui peuvent influer dans le cas général (mais qui dans certains cas particulier, parce que ces paramètre sont à 0, expliqueraient les résultats de la première théorie). Ca arrive par exemple énormément en automatique, dans lequel on construit les modèles par empirisme pour augmenter leur niveau de précision.

Et de là on en arrive à parler du but de la fast-science. En tant que scientifique, on est aussi intéressé par les journaux normaux, parce qu'ils permettent de savoir rapidement où on est ce qu'on en est dans la recherche. Exemple: DeepMind vient de faire un algorithme qui joue à 72 jeux Atari et bats tous les humains (admettons que ce soit bien fait et que ce soit de la vulgarisation). En tant que scientifique, ca nous permet de savoir que DeepMind a fait une avancée. On va donc se précipiter pour lire l'article scientifique, et en général il y a un fossé entre la news (qui au final va se révéler être plus de la fast-science que de la vulgarisation), et l'article scientifique. Exemple: Non, DeepMind n'a pas mis au point un algo qui permet de jouer à 72 jeux. Il ont effectivement améliorer un algorithme qui existait avant et qui peut jouer à 72 jeux, sauf qu'il faut réapprendre entre chaque jeu (donc jusque là ils n'ont pas innové parce que c'est ce qu'on faisait déjà avant), et l'apprentissage dure l'équivalent d'une année pour chaque jeu (donc pas d'avancée non plus de ce point de vue là). Par contre, l'article va présenter une nouvelle architecture intéressante qui améliore sensiblement les résultats d'apprentissage par rapport à ce qu'il y avait avant (parce que par exemple, on prend en compte plus de critères qu'avant). Selon comment l'article est écrit, c'est plus ou moins compréhensible pour un profane.

Donc on vient déjà de passer une étape:
- Vulgarisation: DeepMind a un algo qui joue à 72 Atari.
- Science: En réalité, on a une nouvelle archi qui permet de prendre plus de paramètres.

Et puis là il vient un débat miraculeux sur le fait qu'on doive ou non interdire le développement d'IA. Alors, il va y avoir les pour et les contre. Le bon vulgarisateur va expliquer les points de vue en essayant d'apporter des éléments scientifiques (en utilisant le jargon scientifique: variable de contrôle, etc). Il va essayer de montrer intelligemment les biais d'un article de référence, sur la base de ce qu'il sait lui. Il va faire attention de dire que c'est son avis en tant qu'expert, et mettre en référence d'autres articles pour appuyer son argumentaire. Un autre bon vulgarisateur ou un scientifique va analyser ses éléments et ses propos, et voir si effectivement les biais exposés sont valides, et dans quel contexte précis (parce que rarement une étude est complètement foireuse, et même quand c'est foireux, on peut en tirer des choses). Donc il va y avoir plusieurs points de vue antagonistes qui vont se développer.

Puis tout d'un coup, il va y avoir un type qui va sortir un argument:
- "L'IA va tous nous tuer parce que voyez ils ont un algo qui permet de résoudre 72 jeux, et machin (scientifique réputé) a dit que si jamais c'était le cas, alors tout devenait incontrolable (citation de l'article, référence avec la phrase)".
Puis un autre va arriver: "Tu dis de la merde, parce que y'a un autre article scientifique prouvé qui dit que là ton clampin il utilise pas une variable de contrôle (citation de l'article, référence de la phrase généralement dans l'abstract ou pire le titre de l'article, ou une phrase de la conclusion auquel on a enlevé toute la nuance de l'étude)".
Puis là, il va y avoir un scientifique qui va s'en mêler parce que bon, il a pas le temps de lire en détails l'étude et de faire tout le boulot que j'ai indiqué plus haut. "Non mais il utilise pas de variable de contrôle, c'est un véritable clown qui discrédite la science". Etc, etc, etc. Jusqu'à que les scientifiques finissent par utiliser des citations de journaux normaux pour justifier leur position, quand bien même les articles scientifiques auxquels ils font référence ne disent pas exactement ce qu'ils affirment ou pire sont complètement à l'opposé de l'affirmation initiale. Là on vient de tomber dans la fast-science: parce qu'on est sur des justifications scientifiques semi-vraies, et qui hors contexte ne veulent plus rien dire. A partir de ce moment là, on est capable d'utiliser n'importe quel argument scientifique et on est capable de faire dire ce qu'on veut à l'article en question. Et on se retrouve surtout à mélanger au niveau de l'argumentation des sources qui ne sont pas du même niveau scientifique.

Donc le problème en soi ce n'est pas la vulgarisation, c'est le fait en tant que profane de vouloir tirer des conclusions parce qu'elles seraient dites par des scientifiques ou présentes dans des articles, sans avoir la capacité objectivement de pouvoir traiter avec prudence l'information scientifique, et de vouloir l'imposer aux autres. Si on présente un point de vue en disant "voici le point de vue de.. qui pense que.. vous en pensez quoi ?" et on déroule une réflexion, et qu'à la fin, on ne tire pas de conclusion, on est dans un procédé normal de discussion et de vulgarisation, et de réflexion constructive qu'on peut enrichir au fur et à mesure de l’acquisition de connaissances. Si le but c'est de prendre un article et ou une citation de chercheur, lui faire dire ce qu'on veut en utilisant des éléments de langage et se servir de la science pour légitimer sa position, à ce moment là, on est dans la fast-science.

Et donc je reviens à ce que je disais dans mon post initial: le danger c'est qu'on finit par confondre "on ne peut pas conclure", avec "ce n'est pas ça", et qu'on finisse par catégoriser les gens: les uns scientifiques parce que de l'avis dominant, et les autres des mauvais scientifiques parce qu'ils ont un avis minoritaire. A la toute fin, l’annihilation complète de la science (ou sa paralysie).

Et comme en général, on met du temps à expliquer des observations pratiques réels ou inversement à valider des théories par l'expérience, on a tendance à affirmer qu'une théorie amenée par l'expérimentale (à condition qu'elle respecte un certain nombre des règles de base de la méthodologie scientifique - donc Observation, expérimentation et vérification ; Théorisation ; Reproduction et prévision ; Résultat), ou inversement une théorie sans expérimentation possible ne serait pas vrai. En physique quantique par exemple, on a un bon nombre de théories qu'on a du mal à valider expérimentalement mais pour lequel on a des signaux faibles de validité. De fait il y a beaucoup de gens qui croient à la validité de ces théories sans preuves, des gens qui n'y croient absolument pas, mais ces deux groupes d'experts ont l'honnêteté de douter. L'existence même de ces signaux faibles permet d'utiliser ces théories (alors qu'elles ne sont à priori pas validées), et étrangement, les résultats qu'on obtient expliquent des phénomènes sous-jacent. On est pourtant bien dans une démarche scientifique sans aucun problème particulier. Et ce n'est pas parce qu'un groupe affirmerait que la théorie est invalide (ce qui est vrai, parce que jusqu'à preuve du contraire, ce qui n'est pas valide est invalide, ca fonctionne dans ce sens et pas dans l'autre), que nécessairement les gens qui affirment avoir suffisamment de preuve de validité via les signaux faibles sont des clanpins ignorants. Et donc là le danger de la fast-science c'est uniquement de prendre le point de vue majoritaire, se délester du point de vue minoritaire et le dénigrer (et inversement, parce que l'inverse est aussi vrai).

Je ne sais pas si mon explication de la différence selon moi est clairement explicité, mais donc pour résumé, dans le cas d'un non-expert (non-scientifique) [dans le cas d'un expert scientifique ca ne devrait pas se produire]:
- si le débat procède de la présentation de point de vue en utilisant un même niveau de source, et qu'elle n'est pas à but de convaincre mais d'informer et de construire progressivement une pensée, on est dans la vulgarisation scientifique (parce qu'on présente un point de vue, et on laisse la charge à l'auditeur de poser des questions, se renseigner pour se faire sa propre idée).
- si le débat procède de la conviction pour imposer un point de vue tranché en mélangeant ce qui est scientifique et ce qui ne l'est pas (donc principalement des sources très variés, ou bien des citations hors contexte pris ici et là dans plusieurs articles scientifiques pour aller dans son sens, et donc du coup leur font dire autre chose, ou procède de biais évident parce que des hypothèses implicites avaient été formulés en amont par le scientifique dans la démarche parce que relevant d'une évidence pour les experts - et donc pas explicite pour le profane), on est tout simplement dans la fast-science.

Edit: je rajoute un point qui aussi montre les évidences entre fast-science et vulgarisation. Dans une vulgarisation, on n'interchange pas des termes scientifiques (sauf si c'est évident pour l'auditeur, ou si on a expliqué qu'on va utiliser un terme pour simplifier le discours). dans le cadre de la fast-science, on procède en interchangeant les termes scientifiques en fonction de ce qu'on veut montrer, et forcément on peut utiliser pour faire valoir son opinion des articles qui seraient en réalité totalement délié sur le plan scientifique (exemple: utiliser machine learning pour parler de reinforcement learning, puis parler de supervised learning pour parler de machine learning, et au final, quand on utilise un article qui utilise le terme machine learning on ne sait plus si ca fait référence au reinforcement learning ou au supervised learning qui sont deux choses différentes).

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Swinn
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Swinn »

C'est un peu emberlificoté ton dernier post [mention]Kurai[/mention], ce que j'en comprends interprète et projète relève essentiellement du doute et de la certitude pour le lecteur.
Un article ou un livre de vulgarisation ( et j'en ai lu un certain nombre dans les domaines qui m'intéressent) enrichit ma propre culture sur le sujet tout en me permettant de me poser de nouvelles questions et d'y chercher, non pas peut être des réponses, mais de nouvelles questions, soit à entretenir et enrichir mes doutes et interrogations sur un sujet spécifique.
La fast-science dont tu parles et dont je trouve le concept interessant permet il me semble de confirmer les certitudes du lecteur et de diminuer sa capacité à douter et à continuer à se poser des questions.
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Cioran

Invité

Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

Je profite de la réponse de Swinn pour repréciser un point important selon toujours mon point de vue: en science (celle qu'on m'a enseigné et que j'essaie de perfectionner depuis - donc s'il y a d'autres points de vue, à vous d'aller vérifier), il n'y a pas de certitudes. On est toujours en questionnement y compris lorsqu'on a des preuves. Lorsqu'on parle de validité, on parle de connaissances que l'on tient pour vrai sous des hypothèses bien précises. C'est pour ça qu'on parle plus de confiance et de degré d'acceptation parce qu'il se peut qu'on ait aussi loupé quelque chose dans le raisonnement ou que l'hypothèse de départ soit fausse (pour illustrer de manière non rigoureuse, sans passer par les histoires de systèmes de déduction logique, mathématiquement l'implication A => B est équivalent à non A ou B; en d'autres termes, si l'hypothèse est fausse, quelque soit le résultat, le raisonnement est valide). Ce qui va donc faire varier la validité présumée ou non d'une théorie, c'est le degré de confiance qu'on attribue à la preuve expérimentale (et c'est là l'enjeu des débats méthodologiques sur la méthodologie d'observation - et je vous le donne en mille: ce débat procède lui-même de la science). Donc au final, le débat qui consisterait à dire "ceci est scientifique, ceci ne l'est pas" de façon tranchée, procèderait surtout de l'exactitude (dont la définition varie en fonction de la science - ie. domaine - dans lequel on se trouve: science expérimentale, science humaine, science exacte), alors que la science moderne (au sens large) elle-même est bâtie sur l'admission d'un degré d'incertitude. Après, méthodologiquement, on a développé des méthodes pour réduire cette incertitude, et pour la rendre plus précise, mais ca ne présage rien du fait de savoir si on a raison ou tort (puisque fondamentalement, personne n'a raison, personne n'a tort dans l'absolu) et que le terme "preuve scientifique" est un véritable faux-ami il me semble par rapport à ce que le grand public pense de la science (la fast-science associant quasiment systématiquement "preuve" à "vérité absolue"). Et donc pour finir, ce qui est applicable à la science est applicable à l'epistémologie, et qu'on risque de finir par faire de la fast-science avec l'épistémologie (ce que je présente donc plus haut comme la paralysie de la science). Au passage, tout ce que j'ai décrit là est également sujet à interprétation (dans la mesure qu'il dépend aussi du sens que l'on donne à la philosophie en tant que science, et à l'épistémologie en tant que philosophie - épistémologie qui normalement ne devrait pas influencer la conception des outils méthodologiques qui relève elle-même d'une science: celle de la méthode scientifique).

Et si vous avez tout suivi de mon discours, le principal problème de ces deux vulgarisations que je viens de faire est donc le manque de citation scientifique pour l'appuyer (parce qu'il aurait fallu faire de même pour parler de toutes les autres visions de la science pour ne pas tomber dans la fast-science), et que je vous invite donc à faire des recherches par vous-mêmes sur les concepts clefs si vous voulez approfondir votre réflexion sur ce sujet: science, science moderne, méthodes scientifiques, philosophie, épistémologie, technologie, art, technique, et par extension tout ce qui va en découler au fur et à mesure: modélisation, simulation, représentation de la connaissance, théorie logique de la déduction et de l'induction, etc. Techniquement, vous devriez tomber sur énormément de documentation sur les tous premiers concepts de la science depuis Pythagore ou Platon car elles ont influencé notre construction mentale même si leur norme n'est plus en vigueur jusqu'à la science "moderne" de nos jours (et donc faire toute la liste des philosophes: Socrate, Aristote, etc. et plus récemment pour la science moderne Claude Bernard, Mendel, etc, jusque les philosophes contemporains). Et une ouverture pourrait être alors: qu'est ce qui détermine le fait d'être scientifique ou fast-scientist ? Et là, je vous répondrais ce que j'ai dit au tout début: la frontière entre les 2 est très fine, et c'est aussi pour ça qu'à mes yeux, l'ennemi numéro 1 de la science désormais c'est cette fast-science que j'essaie de décrire (mais qui je suis sûr a déjà été décrite par d'autres personnes avant moi !). Et c'est aussi pour ça que la fast-science est plus visible dans le milieu "grand public" pour lequel on peut savoir rapidement quel est l'étendu des connaissances (puisque la fast-science tient du fait scientifique rapporté, alors que la vulgarisation essaie de nourrir une réflexion par la construction; pour reformuler, la vulgarisation tient plus de la construction scientifique dans un langage simplifiée, quand la fast-science essaie de s'approprier les codes de la science au travers d'arguments simplistes qui n'ont au final rien de scientifique de part la pauvreté de leur précision), et que normalement dans le milieu scientifique (expérimentale, pratique ou recherche), la démarche scientifique prime avec les 4 points que j'ai décrit plus haut: Observation, Théorie, Reproduction, Résultat (en dehors des considérations d'incompétences, de pseudo-sciences, etc). Quand à la dernière question qui pourrait se poser: opinion, vulgarisation ou science ? L'opinion relève de la croyance (comme la fast-science), la vulgarisation et la science relève de la méthodologie de l'acquisition scientifique. En d'autres termes, on ne saura qu'une opinion n'est qu'une opinion uniquement si l'émetteur ne peut pas en faire la preuve selon la méthodologie scientifique si on le lui demande. Quand à la vulgarisation et à la science, il y a capacité à la fois de produire une source (référence) et de tenir une argumentation selon la méthodologie scientifique (le fait de produire uniquement une source en paraphrasant ou sans avoir la capacité de reformuler l'argumentation est un autre indicateur de fast-science).

Enfin pour compléter tout ça, il est évident (j'espère) que je ne cherche pas à établir ici une théorie scientifique ou philosophique de la science du profane. Effectivement, le terme est dérivé du terme des "fast thinkers". Il s'agit plus de la description (et essayer de la nourrir avec votre réflexion) d'un phénomène perceptible dans lequel tout le monde a envie plus ou moins d'exprimer son opinion sur un sujet particulier, et se sent obliger d'utiliser une source scientifique ou un terme scientifique pour donner du poids à son argumentation. En prenant toutes ces méta-considérations en compte, on se retrouve avec quelque chose de très compliqué à décrire, et qui reste très fortement lié à l'endroit où cela se produit (d'où la réflexion à plusieurs reprises dans différents post de laisser les débats et les considérations purement scientifiques dans les lieux appropriés et de ne pas embarquer ça en dehors n'importe comment en faisant croire qu'on vulgarise ou qu'on est scientifique, et ce qui est important là dedans c'est le "n'importe comment").

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Pataboul
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Pataboul »

[mention]wallcreeper[/mention] , je sais très bien que ce n'était pas ton intention. La violence que j'ai perçue viens de mon interprétation, pas de toi. En comprenant ce que tu as vraiment voulu dire je sais que ton message est bienveillant. Aucun reproche de ma part.
J'ai sans doute été moi même un peu vite en qualifiant ce qu'on fait ici de vulgarisation. C'est aussi un jugement bien catégorique et pas forcément à propos.
Je l'ai relevé pour pointer qu'on n'est pas d'accord sur cette notion de fast-science.

[mention]Kurai[/mention] là aussi, simple remarque et pas un reproche: je pense que ça serait plus agréable si tu ne faisait pas systématiquement d'aussi longues réponses, ça rendrait plus facile aux autres d'intervenir ou de suivre le sujet.





Pour faire plus synthétique à propos de la différence entre fast-science et vulgarisation scientifique, ma version:

- un point important est que l'une est une démarche pédagogique, l'autre un phénomène de société. C'est pas de même nature, la comparaison a ses limites. On ne peut pas trop les évaluer objectivement, mais selon son bagage scientifique on peut juger assez fidèlement ce qui s'adresse à un public moins averti que soi, pour l'une et l'autre.

- la vulgarisation, je pense que c'est d'ajuster la complexité des notions qu'on veut transmettre et son moyen de communication au public visé. Au fond, n'est-ce pas juste de la pédagogie en dehors des écoles, souvent moins formelle?
Ca me semble toujours plus ou moins lié à une démarche, une pratique.

- la fast-science, telle que je l'ai comprise dans ce topic, est une dérive de communication, un phénomène de société. Chaque fois où la science est employée comme argument dans une rhétorique trompeuse, ça participe au phénomène.
C'est parfois une démarche assumée, je pense au marketing ou à certains discours politiques qui ne laissent guère de doutes. D'autres fois c'est inconscient, parce-que la fast-science est un composant de la culture collective actuelle.



Propage-t-on de la fast-science malgré nous?
Pour être objectif, cela demande d'évaluer la justesse des arguments avancés, or c'est ce à quoi on travaille, et mieux on le fera moins on fera de la fast-science. Je ne préfère pas qu'on se juge entre nous, on n'a que des tensions à y gagner.

Ce qui m'importe le plus est qu'on ait une conversation honnête, constructive et agréable. Que si ça ne nous empêche pas de colporter un peu de fast-science, au moins ça en vaille la peine.
Je ne dis pas que c'est ce qu'on fait mais on s'y efforce avec assez de succès compte tenue du sujet, et j'espère bien que ça n'ira qu'en s'arrangeant.

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Re: Parce que la science dit que...

Message par dani »

La réponse de [mention]Kurai[/mention] est longue, mais très bien étayée et du coup ça permet aussi d'en pointer certains points essentiels comme tu le fais [mention]Pataboul[/mention]

Un exemple assez bon je trouve de ce qu'est le processus de vulgarisation ;-) .

Sinon, perso, j'aime bien ce fil, même si ça dérape par moment. Forcément, c'est presque inévitable vu le sujet, mais on se réajuste plutôt bien et je me réjouis de vous lire à mon retour dans quelques jours
Rien ne vous emprisonne excepté vos pensées, rien ne vous limite excepté vos peurs, rien ne vous contrôle excepté vos croyances. (Marianne Williamson)

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Pier Kirool
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Pier Kirool »

Je le concède, j’utilise parfois les articles de presse quand j’ai la flemme de chercher les comptes-rendus de pharmacovigilance suédoise ou brésilienne, et, oui, je prends aussi parfois des exemples « hors science » parce que c’est parlant et diffusé. Je ne suis pas en train d’écrire une revue de la littérature quand je discute ici. Il est vrai que je voudrais bien transmettre des doutes à certains ou certaines, et leur permettre de réfléchir aux problèmes scientifiques et communicationnels posés par DR qui l'emmènent au delà de la fast-science (la sienne, celle de ses adeptes et des médias). Je ne conçois de faire celà qu’avec des arguments. C’est ce que j’ai essayé de faire ici.
Je signale qu'un protocole sur l’association HC + AZ en prévention de l’infection chez les soignants démarre à l’AP-HP. On va avoir des réponses sur des gens jeunes et en bonne santé. Ca dégagera le terrain de la réflexion. Mais ce sera un peu long.
  • Fast Science
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PS : Kurai, question personnelle
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

Juste pour donner une information:

1. J'ai dit que je ne reviens pas sur le cas Raoult, parce que ce n'est pas le sujet, donc je n'y reviens pas. Encore une fois, je ne suis pas ici pour défendre ou combattre Raoult. Je n'ai pas de croisade à mener. Il y a des scientifiques partout dans le monde qui travaillent sereinement, qui ont des opinions différentes, sans avoir absolument à vouloir mener une guerre et c'est très bien comme ça.

2. j'ai répondu en MP à Pier sur les questions personnelles. J'ai déjà dit qu'à mes yeux, dans un endroit public où se mélangent scientifiques et profanes, il n'y a pas d'autorité personnelle à démontrer (je ne me sens pas obligé d'indiquer si je suis affilié CNRS, INSERM, ou autre), et je n'ai pas non plus à montrer patte blanche (parce que l'argument qui consisterait à dire qu'il faille démontrer qu'on ne travaille pas à l'IHU, qu'on n'est pas de la famille de Raoult, etc. pour avoir le droit de s'exprimer est caduque et non-avenu). Si on a besoin de débattre pour savoir si oui ou non j'ai les connaissances que je prétend, on débat sérieusement à un niveau scientifique, avec de vrais arguments (et pas des attaques ad-hominem, et des simplifications à l'extrême).

3. Je ne reviens pas sur les affirmations qui consistent en "ceci est faux", et puis poster un lien de l'INSERM qui ne fait que confirmer ce que j'ai vulgarisé (en utilisant un procédé de fast-science comme indiqué en plus - alors effectivement je n'aurai pas dû utiliser l'expression "tests cliniques normaux" visiblement quand je faisais référence au développement normal d'un traitement, d'une molécule ou d'un médicament, et j'admets volontiers que mon manque de précision peut avoir conduit à une mécompréhension de mon propos. Ceci relève de la fast-science et comme mon exemple fast-scientist, ca illustre bien encore pourquoi on ne peut s'affranchir de la rigueur scientifique lorsqu'on aborde des questions scientifiques avec des termes scientifiques ou techniques). Chacun se fera son avis en toute intelligence, en reprenant les posts s'il le faut. Je pense que ça en dit long aussi sur l'état de la société dans lequel on est: "Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et ce n’est pas parce qu’un développement est long et complexe qu’il est vrai" => personne n'a dit le contraire (j'ai déjà à maintes reprises évoqués en MP ou sur le chat ma faiblesse sur la synthèse du fait que je ne connais pas le public auquel je m'adresse donc difficile de savoir ce qui peut être facilement déduit ou non par le lecteur; cf mon post sur la vulgarisation).

Pour tout le reste, c'est la n-ième que je redemande à ce qu'on arrête de me prêter des opinions (exemple: je n'ai pas parlé de DR spécifiquement dans la dernière quote qui le concerne, mais bien de tous les médecins y compris DR (que vous qualifiez par ailleurs quasiment de non-médecin). Déformer un propos pour essayer subtilement de faire passer son opinion personnel est pervers et malhonnête. A ce niveau, ce n'est même plus de la fast-science, mais de la fake news. Je ne suis pas à 100% objectif bien évidemment, comme toute personne j'ai mon opinion personnelle, et comme tout scientifique, j'ai mon opinion scientifique sur la question, mais je m'efforce de l'être ici en essayant de ne pas défendre une opinion particulière (oui les études de DR envoient des signaux positifs, et oui il faut encore des essais cliniques qui vont prendre du temps pour avoir une preuve d'un niveau suffisant que ce n'est pas autre chose et que ce n'est pas toxique, je ne peux pas être plus explicite que ça). Donc ce serait bien de respecter ça.

Pour le protocole dont vous parlez, depuis hier j'en suis ravi, mais précisez aussi qu'il va durer 70 jours, et que des mots comme "quelques semaines" ou "un peu long" signifient chez nous "quelques mois".

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Pier Kirool
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Pier Kirool »

Vous avez parfaitement le droit de ne répondre ni sur vos liens familiaux avec DR, ni sur votre lieu de travail, pas de problème.
kurai a écrit :Il faut savoir qu'un test clinique normal se déroule en plusieurs phases:
- Tests chez les animaux : l'idée est de savoir l'efficacité des molécules in-vivo sur des pathologies et les possibles effets secondaires à observer chez l'Homme.
- Tests randomisés en double-aveugle (ou pas) chez les humains : il faut bien qu'on teste chez nous !
- Production de médicament et commercialisation, surveillance par l'Agence du médicament
On ne passe pas du tout des tests sur les animaux aux études randomisées. Vous oubliez les phases I et II, chez l'homme, qui sont fondamentales.
INSERM a écrit :Lors de son évaluation préclinique, la molécule d’intérêt est testée sur trois espèces différentes, dont un rongeur. Les données étudiées sont d’ordre pharmacologique, pharmacocinétique et toxicologique (...)
L’évaluation clinique repose sur trois phases :
La phase I est menée sur une vingtaine de volontaires, sains ou malades en fonction de la molécule évaluée. Il s’agit de la tester pour la première fois chez l’homme afin d’observer son évolution dans l’organisme en fonction du temps (cinétique) et d’évaluer sa toxicité. Pour cela les volontaires sont en général hébergés pendant quelques jours dans un centre spécialisé afin de subir une batterie d’examens permettant de vérifier de très nombreux paramètres cardiaques, respiratoires, sanguins…
La phase II se déroule chez des volontaires malades. L’objectif est de déterminer la dose minimale efficace du médicament et ses éventuels effets indésirables. Une première étape permet de déterminer la dose minimale efficace pour laquelle les effets indésirables sont inobservables ou minimes. Une seconde phase consiste à administrer cette dose à 100 à 300 malades, si possible pour rechercher un bénéfice thérapeutique.
La phase III est la phase finale avant la mise sur le marché. Elle permet d’évaluer l’efficacité du médicament sur une cohorte de patients plus importante : de quelques centaines en cas de cancer, à des milliers pour des maladies très fréquentes comme l’hypertension. Les volontaires sont le plus souvent répartis en deux groupes afin de comparer l’efficacité du candidat médicament à un traitement de référence (s’il en existe un) ou à un placébo. Cette phase dure souvent plusieurs années, le temps de recruter les patients et de suivre l’évolution de leur état de santé.
Le lien est ici.
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Invité

Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

- Tests chez les animaux : l'idée est de savoir l'efficacité des molécules in-vivo sur des pathologies et les possibles effets secondaires à observer chez l'Homme.
- Tests randomisés en double-aveugle (ou pas) chez les humains : il faut bien qu'on teste chez nous !
- Production de médicament et commercialisation, surveillance par l'Agence du médicament
Tests chez les animaux (in-vivo/in-vitro) => Etape 2
Tests chez les humains (randomisés, double-aveugle, "ou pas" = autres) => Etape 3 (P1, P2, P3)
Production et commercialisation, surveillance => Etape 4, 5, 6

C'est bon, on peut arrêter la rhétorique maintenant ? Je trouve ça particulièrement gênant chez quelqu'un qui utilise volontairement les mêmes procédés pour confondre sciemment la définition de "guérir" alors qu'il sait que le sens change en fonction du domaine => éradication en épidémio / rémission en santé. Si vous étiez moins malhonnête, vous n'essaireriez pas de faire croire que qu'il y a une différence fondamentale entre ce que j'ai dit et votre lien, mais que j'ai bien mis en évidence le "randomisé double-aveugle" à cause du fait qu'il s'agit de l'argument phare dont on parle en permanence, et que j'ai bien précisé "ou pas". Je vois que visiblement, ca fait partie d'une stratégie de discrédit - qui rejoint ce que j'interprète comme une tentative de porter l'argumentation sur ma personne, mais peut-être que je me trompe dans le ressenti - dont je ne comprend pas très bien le but dans le cadre de ce forum.

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Pier Kirool
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Pier Kirool »

Je n'avais pas compris que "Tests randomisés en double-aveugle (ou pas)" pouvait vouloir dire "tests non randomisés ouverts de phase 1 et 2". NB (pour ceux qui nous lisent) : les tests in vitro peuvent se faire sur des cellules humaines.
Je ne comprends pas "procédés pour confondre sciemment".
Sinon sur l'exemple :
Je pense que la diminution de la charge virale ne guérit pas le patient, en particulier si la diminution n'a lieu que dans les Voies Aériennes Supérieures, puisqu'il y a une étape de multiplication virale dans les poumons sans que le virus (je parle du SARS-Cov2) ne soit forcément présent "plus haut". Mais que vouliez-vous dire ? Je ne connais pas de signification particulière au terme guérison en épidémiologie.
La rémission est un état de guérison apparent ou la maladie n'est pas détectable, et ou l'on sait qu'elle peut revenir. Elle peut être complète ou partielle, clinique, biologique ou moléculaire.
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Re: Parce que la science dit que...

Message par TourneLune »

Bah là, moi je vois une bagarre de vocabulaire et j'y comprends plus rien :(

Invité

Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

Je viens de tomber sur un billet qui résumait plutôt bien un des aspects de ma pensée sur la fast-science que j'ai essayé d'expliquer tout le long, exprimé différemment et selon un point de vue différent, et qui essaie de pointer les dérives de tous les côtés auxquelles on assiste en ce moment dans tous les sujets (technologique puisque visiblement on a un nouveau débat qui s'insère en ce moment avec le tracing, sociétal avec le déconfinement et la réouverture des écoles, médical, etc), alors je partage :

https://blogs.mediapart.fr/baptiste-lib ... ientifique

Note: Etant donné que les billets qu'on partage reste quand même fortement colorés d'une ou plusieurs opinions, même lorsqu'elles ne sont pas clairement exprimées et sont plutôt implicites, cela ne signifie pas que je partage ou non, partiellement ou entièrement, la totalité ou non de ces opinions. Je pense qu'on ne doit pas oublier ce fait là aussi quand on partage des ressources, histoire d'éviter les sur-interprétations faciles ! (Oui, je suis devenu méfiant depuis quelques jours dans la vie courante... ^^).
Ces utilisateurs ont remercié l’auteur Invité pour son message :
dani

Invité

Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

J'en remets une couche (désolé), mais je voulais partager une citation dans un article de journal (une fois n'est pas coutume !) parce que je trouve intéressant de voir que depuis que j'ai décidé de parler de ça, de plus en plus de chercheurs expriment un peu plus ouvertement le même ressenti que moi sur les problèmes de fast-science (que cette période de covid exacerbe) ! (Ils ont tous lu AS !!! :lol: - bien évidemment, je dis tout ça sur le ton de la plaisanterie !)
François Renaud, chercheur du CNRS au laboratoire « maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle », contacté par 20 Minutes, peste également contre la rapidité du partage de ces études depuis la pandémie de Covid-19 : « On découvre seulement de quoi il s’agit, il est beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions sur ce nouveau virus. On est en train de perdre la science, parce qu’il faut des années avant de valider une étude. »
https://www.20minutes.fr/sante/2767043- ... e-chinoise

Il est aussi intéressant dans la mesure où en allant plus loin on peut voir que la science a bien une construction basé sur la mesure, le questionnement et les antagonismes (l'article présente ici le point de vue de chercheurs qui sont sceptiques et nuancés, et il y a d'autres chercheurs qui continuent à travailler sur le sujet parce qu'ils trouvent ça probables).

J'en profite pour repréciser un autre point de la construction scientifique que je commence à avoir apparaître à propos des journaux et des revues scientifiques, et qui a le don de m'énerver un peu plus :lol: Notamment, certains propos peuvent prêter à confusion, alors que pour les scientifiques, c'est assez évident, par exemple, cette phrase:
« Ce qui se passe en ce moment, c’est que les articles sont mis en ligne avant l’étape de relecture. Les auteurs mettent à disposition du public un travail qu’ils considèrent comme abouti, mais c’est un travail qui n’a pas encore été évalué par la communauté scientifique. Ce n’est pas la version finale à laquelle l’on peut faire confiance. »
Il faut bien comprendre aussi que les termes "accepté (évalué) par la communauté" ou "publié dans un journal peer-review" ou "version finale à laquelle on peut faire confiance" ne signifient pas que toute la communauté scientifique approuve, et qu'on fait confiance aveuglément à un article publié par rapport à un pré-print. Il s'agit surtout de dire qu'il y a des experts (en général, 3 à 5 experts - qui sont d'autres chercheurs, n'importe lesquels) qui ont relu le papier en question et qui pensent raisonnablement qu'il est bien construit pour être dans un journal scientifique. En soi, cela donne un certain gage qui est renforcé par la qualité du journal. Plus il est difficile de publier dans un journal, plus on considère que l'article est relativement bien construit et présente un niveau de preuve suffisant.

Ceci dit, en tant que chercheur, nous savons très bien que parmi le panel d'experts qui font la review, certains ne travaillent pas nécessairement sur le sujet que l'on traite ou n'ont pas nécessairement toutes les clefs en main pour évaluer la problématique à laquelle nous tentons de répondre dans notre article. Un champ de recherche est extrêmement vaste, avec une multitude de questions. Chaque question peut faire référence à des centaines d'articles connexes. C'est utopique de penser que tous les chercheurs d'un même domaine sont capables de répondre à toutes les questions de ce domaine ou d'avoir une idée de réponse sur toutes les questions.

De fait, si un reviewer, qu'il soit ou non du domaine, ne travaille pas une question, il lui sera difficile d'appréhender toutes les possibilités autour de la question que l'on traite. Par conséquent, un reviewer ne tranche pas sur la réponse à la problématique posée par l'article. Il indique simplement qu'à titre personnel, il a été [raisonnablement] convaincu (ou non) par le contenu de l'article, et que l'article lui a appris quelque chose d'utile à titre personnel et qu'il trouve ça relativement nouveau. Il indique également si d'après lui d'autres chercheurs pourraient en tirer quelque chose.

En d'autres termes, ce n'est donc pas parce qu'un reviewer trouve quelque chose intéressant pour la communauté, qu'il ne va pas y avoir un autre chercheur (plus au fait et plus au courant) qui va trouver le contenu inadapté. Il peut arriver parfois que les reviewers ne sachent pas que le sujet traité par un article a déjà été traité ailleurs, ne comprennent pas pourquoi les auteurs ont utilisé telle ou telle méthode, etc.

Autre point, lorsqu'on parle de comité indépendant, on parle surtout de reviewers qui ne sont pas liés aux auteurs de l'article, mais cela peut-être n'importe quel chercheur du domaine (cela signifie que même le plus grand des chercheurs peut se retrouver évaluer par un débutant). La politique de sélection des reviewers se fait sur la base du volontariat auquel chaque journal ajoute ses propres critères en fonction du domaine scientifique. Les reviewers sont sélectionnés de manière anonyme, et normalement, chaque auteur a la possibilité d'indiquer au journal une liste de reviewers acceptables ou à éviter (et contrairement à ce qu'on pense, pas juste par conflit d'intérêt, mais aussi si jamais on a des grief avec un chercheur qui pourrait potentiellement nous reconnaitre au travers de notre style d'écriture, ou parce qu'on sait qu'il y a un reviewer qui travaille la question et qui sera plus à même de juger le contenu). Donc en partant du principe qu'on peut presque "choisir" nos reviewers, il est évident que le terme "indépendant" prend un autre sens. Vous ajoutez également à ça que dans la recherche, il y a de la compétition (dans lequel chacun pense que son idée est meilleure que celle de l'autre, en particulier si on travaille la même question, on a tendance à risquer de manquer de recul), qui ralentit encore plus le process de review, et vous comprenez que l'indépendance n'est pas vraiment de l'indépendance.

Je veux bien faire comprendre que ce n'est pas parce qu'un papier est publié que toute la communauté scientifique approuve, et qu'il n'y a pas de biais. Il n'y a juste pas de biais évident sur le plan méthodologique, et les résultats semblent "valables" pour les reviewers, sachant qu'en plus seuls les auteurs de l'article reçoivent la review. Et très souvent, des articles sont publiés sans qu'ils répondent entièrement aux questions soulevés par les reviewers. Par un exemple, un reviewer peut dire: "Nous conseillons à l'Editeur en Chef de publier cet article. Mais voila une liste de question à laquelle il serait intéressant de répondre."
A ce moment là, l'éditeur en chef a 4 possibilités:
- Accepter l'article tel quel
- Demander une révision mineure
- Demander une révision majeure
- Refuser l'article.

S'il accepte l'article tel quel ou en révision mineur, il n'est pas obligatoire pour les auteurs de l'article de répondre à toutes les questions des reviewers. Il pourrait y avoir une question hyper pertinente qui pourrait remettre en cause le papier, et qui pour autant peut passer à la trappe. A partir de là, une fois qu'un article est publié, il est accessible à l'ensemble de la communauté scientifique, et les autres chercheurs font leur boulot (se servir de l'article comme base pour consolider une théorie, ou au contraire la démonter). La publication assure la paternité. Donc ce n'est pas parce qu'un article a été peer-reviewed et publié, y compris dans un journal réputé, que son contenu a valeur de vérité accepté par tout le monde ou la majorité. C'est un juste archivage de connaissance qui a été relu par quelques autres et jugé crédible. Ca signifie aussi qu'un article peut par exemple être refusé dans Science alors qu'il sera accepté dans Nature (pour montrer à quel point le process de review dépend bien des reviewers). Il peut même arriver qu'on soumette 2 fois un papier en changeant rien dans le fond et en changeant juste la forme, et qu'on se retrouve avec des décisions contradictoires (refusé puis accepté).

En fait, ce qui va faire qu'on va avoir confiance en un article, c'est le mécanisme de review du journal. Normalement, une review prend plusieurs mois (entre 1 et 5 mois pour Nature par exemple, ca peut aller jusqu'à 2-3-4 ans) et peut avoir un certain nombre de rounds de review. Plus il y a un nombre de rounds élevé, plus on peut se dire que globalement les auteurs ont été amené à réfléchir plus en profondeur au contenu de leur article. Il est très rare qu'un article passe dès la première review. Ceci dit, ce n'est pas parce qu'on a l'assurance de la difficulté de publication qu'on va faire confiance à l'article aveuglément ou accepter ses conclusions, mais cela signifie simplement que la réflexion a été poussée le plus possible. Donc lorsque vous voyez un article qui sort dans Nature ou Science, ayez bien à l'esprit qu'en général cela fait plus d'un an (parfois 2, parfois 3) que les travaux ont été "achevés".

En ayant en considération tout ça, cela vous explique pourquoi en période de crise on communique en pré-print et pourquoi les études sont quasiment toutes baclées, et pourquoi elles ne sont pas destinées au grand public. Je suis assez sceptique lorsque j'entends qu'on est capable de faire des review en 10 jours (théoriquement ca pourrait être envisageable, mais dans les faits, c'est impossible). Si on devait attendre les review, on en aurait pour des années avant de communiquer. Il faut aussi prendre en compte que des articles, il y en a des dizaines soumis chaque jour, que les chercheurs font de la review bénévolement (donc sur leur temps de travail). C'est matériellement impossible de tout faire en même temps. Les reviewers sont les mêmes chercheurs qui font de la recherche dans leur labo au quotidien. Ce que je cherche à vous dire, c'est que les pré-print permettent aux chercheurs de décupler leur capacité de review (parce que de toute façon, ce travail de review on le refait pour les articles publiés lorsqu'on fait l'état de l'art, donc ca n'a absolument aucun sens d'attendre une publication. Un pré-print suffit pour être jugé par tout chercheur.). Mais pour le grand public et l'utilisateur final, seul un article publié a une valeur mesurable. Il faut vraiment faire cette dinstinction entre les deux: le chercheur qui va tout remettre en cause (et pour qui la publication n'a aucune importance parce qu'on review en permanence, y compris des articles publiés, pour les critiquer et les faire avancer), et le grand public qui doit attendre les résultats publiés (parce qu'on a l'assurance qu'il y a au moins 5 personnes qui les ont relu et commenté).

Petite note sur les journaux:

Le classement des journaux scientifiques et leur réputation sont en général basés sur ce qu'on appelle le facteur d'impact (en plus de sa renommée dans le temps), qui est en gros, le nombre de citations moyen de chaque article publié dans une revue. Le facteur d'impact de nature est de 42, ce qui signifie qu'en moyenne, un article de Nature se retrouve cité 42 fois (que ce soit pour appuyer la thèse de cette article ou la remettre en cause). En général, un journal avec un facteur d'impact élevé signifie qu'il est extrêmement difficile de publier là-dedans, que les reviewers sont assez exigeants et connus internationalement pour leur oeuvre. Le facteur d'impact est aussi remis en cause parce qu'un journal qui existe depuis 200 ans et donc lu par énormément de gens aura un impact plus élevé qu'un journal qui existe depuis 4 ans et qui est donc relativement inconnu. La logique veut donc qu'on cherche à publier dans le prestigieux, augmentant encore son facteur d'impact. Ca ne signifie donc absolument pas que parce qu'un article serait publié dans un journal avec un facteur d'impact élevé que toute la communauté approuve ou qu'il a une valeur de vérité plus forte. Cela signifie surtout qu'il y a des gens avec une [forte] (ou pas) expertise qui jugent que l'article a un haut niveau de crédibilité et de preuve sur le plan scientifique, ou apporte une découverte majeure dans le domaine. Ca peut être un article disruptif qui va remettre en cause les connaissances acquises et complètement diviser la communauté. La valeur d'un article ou d'une connaissance ne se voit qu'à travers le temps.

Chaque domaine a ses propres critères en terme de facteur d'impact (exemple: en simulation, un facteur d'impact de 5 est considéré comme étant déjà difficile). Donc, ce n'est pas parce qu'on publie dans une revue prestigieuse qu'on va changer les normes en vigueur. Le facteur d'impact étant une moyenne, il suffit qu'un seul article soit cité 30 à 40 fois plus que les autres pour que le facteur d'impact global de la revue augmente, ce qui fait qu'en général un article (y compris dans Science ou dans Nature) aura le même niveau d'impact qu'un article d'une revue moins prestigieuse, ou bien il peut arriver qu'un article d'une revue moins prestigieuse ait plus d'impact sur le plan pratique et de la connaissance qu'un article d'une revue prestigieuse.

Voila, je voulais faire cette petite note parce que je trouve ça super important de comprendre les mécanismes en recherche, parce que j'ai l'impression que le grand public a une très mauvaise idée de comment la production scientifique est réalisée.
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Pataboul »



Une critique de Raoult qui ne fait pas dire grand chose à la science. Enfin!

dani
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Re: Parce que la science dit que...

Message par dani »

Si j'ose me permettre, ce n'est qu'en France que l'on situe le débat non sur la (hydroxy)chloroquine mais sur le personnage "Raoult". Je crois que tout le monde était d'accord ici pour dire qu'il n'est vraiment pas un bon communicateur et que son discours provocateur le dessert beaucoup et engendre des grosses résistances. Si il avait été plus nuancé dès le départ il aurait été mieux entendu (ou pas).

Ensuite, extraire des bouts de vidéo pour faire une réflexion de fond de sa rhéthorique c'est assez limite intellectuellement je trouve. Soit l'ensemble du discours de toutes ses vidéos est analysé et on en conclut quelque chose, soit rien car il dit aussi des choses intéressantes qui sont écartées. Sinon on peut s'amuser à faire la même chose avec ceux qui le contestent :huhu:
Rien ne vous emprisonne excepté vos pensées, rien ne vous limite excepté vos peurs, rien ne vous contrôle excepté vos croyances. (Marianne Williamson)

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