L'art triste.

Le lieu de Culture, comme le titre de la rubrique l'indique. Ici il s'agira d'Oeuvres et d'Auteurs du vaste paysage culturel. Textes, photos, vidéos...
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Gioia
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L'art triste.

Message par Gioia »

Bonjour tout l'monde :hai:


Je me questionne beaucoup sur la définition de l'art au sens général et la manière dont celui-ci est communément perçu. D'après les avis que je note, l'art est une création, une production qui a pour but de rendre le produit fini esthétiquement agréable à l'œil. Autrement dit, dès lors qu'on crée quelque chose de beau, voire d'un peu original, ça peut être considéré comme de l'art.
Après maintes réflexions sur le sujet, je trouve que de nos jours les créations en tout genre sont trop facilement estampillées "artistiques", sous prétexte qu'elles sont tout simplement le résultat d'une production, peu importe le niveau de recherche, peu importe la nature plus ou moins plaisante du résultat, peu importe s'il y a présence ou non d'un message véhiculé. On crée, donc on est artiste. Et encore plus si ça fait le buzz.
Je trouve, personnellement, que c'est assez réducteur de définir l'art comme une production originale et esthétique. Selon moi, il s'agit bien sûr d'exprimer quelque chose: un concept, une idée, une émotion, mais dans le but précis de sublimer ce quelque chose, en touchant à la fois notre propre âme et celle des autres. Dans le meilleur des cas, de se transcender. Pour moi, cette transfiguration se fait au moyen d'une certaine subtilité, touche à l'implicite, à l'émotion pure, en même temps qu'elle peut solliciter les cinq sens, même si le produit fini est évidemment matériel (et encore j'ai un doute: faut-il obligatoirement matérialiser pour être artiste ?).
J'aurais du mal, aussi, à considérer quelque chose de trop grossier et explicite comme artistique, parce que j'associe vraiment la production artistique à la subtilité.
Je vous joins pour illustrer cette idée une image d'une oeuvre qui fait polémique en ce moment: le plug anal situé place Vendôme, de McCarthy:
http://www.liberation.fr/culture/2014/1 ... it_1124593
Je trouve qu'il est trop facile de dire qu'il s'agit d'art, et pire encore, considérer que ceux qui n'y adhèrent pas n'ont pas compris toute la profondeur du message (sans mauvais jeu de mot, hein :lol: ) comme j'ai pu le constater dans mes recherches. Après, pour ceux qui ont de vrais arguments en faveur d'une œuvre artistique intéressante, je reste bien sûr ouverte et curieuse.

Je souhaiterais savoir ce que vous en pensez, et surtout connaitre votre définition/conception de l'art.

Bien à vous et au plaisir de vous lire. :hai:

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Léo
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Re: L'art triste.

Message par Léo »

Bien que peu adepte de l'institutionnalisme en art (en disant cela, je fais dans la tautologie), je trouve cette œuvre assez réussie. Je suis assez d'accord sur la "facilité" à nommer art un peu tout et n'importe quoi mais je trouve que Mc Carthy reste subtil malgré la soi disant grossièreté de sa sculpture éphémère qui a été, faut pas l' oublier, principalement attaquée par des personnes adeptes du Printemps Français, groupuscule extrémiste quand même... et je dirais que c’est plus l'attaque de l’œuvre qui doit poser question. Je précise que l’œuvre est implicite. Ce sont les journalistes qui se sont rués sur l'inspiration évoquée par Mc Carthy. La colonne Vendôme est en soi une érection à la gloire d'un pouvoir pas forcément subtil non plus.

La subtilité, je suis d'accord avec toi, est un peu ce qui rend l’œuvre intéressante mais qu'est-ce que la subtilité ? et là, grand gloups... Je n'ai pas de réponse à ce qu'est l'art. A vrai dire, je pars du principe que l'art ne doit souffrir d'aucun poncif même si il en est parfois à l'origine...
L'art n'est pas qu'une affaire de bon ou mauvais goût non plus. Il arrive fréquemment que des personnes finissent un débat artistique sur "de toute façon, chacun ses goûts" et, en général, ces personnes là ont du mal avec l'art moderne et contemporain. Concernant cette remarque, je ne parle que d'une expérience /interprétation personnelle. Je n'étends pas, loin de moi l'idée de généraliser.

En tout cas, l'art pose question, nul doute la dessus. Je dirais que l'art qui ne pose aucune question risque de se sentir bien seul dans son petit confort institutionnel/individuel/ou autre.

Je peux simplement dire que j'apprécie, autant que toi la subtilité et que je la retrouve autant dans une estampe japonaise, que dans un tableau de Bonnard, que dans une pensée de Duchamp, que dans un carré blanc, que dans une boîte de conserve Pop art ou bien même pas du tout dans les œuvres d'art...
C'est la chose la plus difficile à définir... la subtilité, la justesse et peut-être ce qu'on appelle le talent... Tout le monde ne peut pas être artiste de même que tout le monde ne peut pas être sportif ou instit... Je reste persuadée qu'il faut faire attention à ne pas réduire l'art à une histoire de goût personnel ou de loisir non plus. (J'espère ne pas passer pour prétentieuse).

Autant je rejoins ceux/celles qui trouvent que l'art s'est éloigné de sa fonction sociale et politique dans le sens où le concept a rendu son accès plus difficile, autant je ne peux que me désoler de voir qu'une œuvre, même si on la trouve choquante ait été attaquée par des personnes dont je ne partage aucune valeur. Je trouve que cette attaque rejoint la conception de l'art dit dégénéré et pour moi, c'est le signe que quelque chose cloche... A l'époque où la colonne Vendôme fut renversée, ce le fut par des "révolutionnaires". Courbet , également, souhaita que ce "symbole de barbarie" soit délogé. Si on confronte la sculpture de Mc Carthy ainsi que son attaque à l'historique de la colonne Vendôme, je crois qu'on peut dire qu'il y a là quelque chose d'intéressant à analyser. Plusieurs lectures historiques autour du pouvoir, de qui attaque quoi, au nom de quelles valeurs... etc etc... Finalement cette œuvre révèle quelque chose de social et politique...et fait sens et, avis personnel je la trouve drôle et pas choquante du tout...

Cela n'est que mon avis, un avis parmi plein d'autres pensées que je ne prends pas le temps de développer et m'excuse si cela manque de précision..
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Flamb'
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Re: L'art triste.

Message par Flamb' »

Si on re-situe dans le contexte, la pièce de McCarthy est exposée à Paris sur la place Vendôme dans le cadre de la FIAC.
La FIAC (Foire d'art Contemporain de paris), c'est donc un évènement où l'on doit vendre des oeuvres, où les galeries paient un bras leurs emplacements pour essayer de montrer leurs meilleurs poulains/artistes . Pour vendre, faut faire du buzz, mccarthy est carrément dans le buzz.
Personnellement je ne serai pas fière à l'idée d'être un artiste vendu à la FIAC. Parce que c'est une foire, et que l'oeuvre est vue pour sa valeur marchande plus qu'autre chose dans ce genre d'endroit. McCarthy a exposé dans d'autres évènements à but non lucratif par ailleurs.

En 2014, pour se faire connaître, il faut faire le buzz sur la toile. Une grande partie de la toile risque de voir ce buzz sans même faire l'expérience de la pièce, mais je pense que l'artiste, vu le reste de son travail (très provoc' premier degré, des Bush sodomisant des cochons, des cochons, des gens à poil en position provoc, des plug partout), est là pour du buzz, de la provoc. Je ne sais pas si le but de l'art est d'être dans le buzz, la provoc. L'oeuvre peut évidemment provoquer (émotions, stupeur, gêne), mais provoquer les gens pour simplement les provoquer, bof.
Et puis c'est très premier degré son histoire, ou alors je n'ai rien capté.

Courbet à son époque était provoc' parce que peindre la réalité brute du quotidien, sans artifice, était mal vu à une époque où pour être considéré artiste peintre reconnu il fallait avoir peint de belles scènes historiques ou mythologiques.
Là McCarthy que fait-il? Il gonfle un énorme plug. Et il peut dire ce qu'il veut : "ouiii mais c'est abstrait chacun peut y voir ce qu'il veut!", quand on voit le reste de son travail je pense sincèrement qu'il prend les gens pour des imbéciles (par rapport au fait qu'on pourrait y voir autre chose qu'un plug, je ne remet pas en cause son travail en général). On ne voit pas ce qu'on veut, on voit un plug vert. Lui a peut-être pensé qu'un sapin ressemblait à un plug, mais la forme finale est un énorme plug. C'est une spécialité de pas mal d'artistes ça, de dire "oui non mais ce n'est pas ce que vous voyez en vrai, c'est autre chose". Aha.

Disons que les artistes comme Courbet qui ont pu faire le buzz à leur époque, on fait le buzz parce qu'ils révolutionnaient réellement la manière de peindre, le sujet. Parce qu'il y avait quelque chose à révolutionner. McCarthy n'a rien a révolutionner du tout, peut-être à ses débuts dans les années 60/70 mais maintenant je crois que c'est dépassé. Il n'est même plus dans le contemporain. Ça choque encore parce que je pense vraiment que beaucoup voit que c'est carrément déplacé. Et dire à ces gens "oui mais vous ne comprenez rien", c'est ridiculiser un bon sens qui à mon avis n'a rien de ridicule...
Je ne suis pas manif pour tous et tout le tintoin, c'est d'ailleurs dommage que ce soit eux qui représentent ceux qui voient en ce plug un réel problème artistique.
L'art provoc, sexuel, scato, ça fait des dizaines et des dizaines d'années qu'on en voit, que c'est assimilé.

Donc voilà à mon avis McCarthy avait peut-être un propos intéressant à l'époque de la révolution sexuelle, à l'époque pop etc, mais maintenant, alors qu'on est saturé d'images sexuelles, pornos, ça me paraît être juste une image choc en plus. Qu'est-ce que cela montre de notre société contemporaine? Qu'on est pas capable d'accepter un plug gonflé place Vendôme?

Bush qui sodomise des cochons, ok l'image est claire, mais en quoi cela est-il de l'art? C'est une caricature, une illustration, c'est brutal, premier degré. Je crois qu'on peut demander à un artiste de nous montrer autre chose que de l'illustration caricaturale premier degré.

Je pense comme Gioia que l'art peut être subtil, nous faire voir le réel d'une autre façon que par celle qu'on le voit déjà.
Là McCarthy nous fait juste un gros zoom sur ce que l'on voit déjà dans notre société, soit une société où le sexe est partout (pub, tv, internet, films,magasins, dans la rue...). Mais ça ne dit rien d'autre. Enfin pour moi.

Je pense Léo qu'effectivement le lien avec la colonne Vendôme est intéressant et pas anodin, mais penser que son plug peut représenter ce que la colonne Vendôme était à l'époque de Courbet, ou du moins en être un miroir contemporain je ne sais pas. Je ne pense pas. Et puis ceux qui ont descendu la colonne Vendôme étaient des révolutionnaires, pas des réacs. Là ça nous dit juste que les réacs ne peuvent pas accepter un plug en place publique. Mais les quelques réactions que j'ai vu chez des gens de mon âge ben ils trouvent ça drôle, ou absurde, le genre de truc où tu vas faire un selfie devant, mais ils ne vont pas trouver ça beau, ils ne vont pas voir de message, ils vont juste voir le buzz... C'est une image assimilée par les personnes de l'époque, donc pour moi son acte n'a rien de révolutionnaire...
► Afficher le texte
Peut-être qu'il est plus intéressant d'observer les réactions que cela suscite chez tout le monde que de considérer vraiment la pièce en elle-même comme une oeuvre d'art? Je veux dire, quand Rémi Gaillard fait le buzz sur le net et choque les réacs, est-ce que l'on doit aussi considérer ça comme de l'art, alors?

Je me suis éternisée sur le cas plug de noël de McCarthy, je n'ai pas vraiment parlé de définition de l'art, je pense qu'il n'y en a pas de concrète et c'est pour ça qu'on a le droit de voir des plugs gonflables considérés par certains comme des oeuvres.

Il y a quelque chose d'assez complexe dans l'art, c'est le contexte, le lieu où est placé l'objet. Ici la pièce "Tree" de McCarthy a été validée comme oeuvre par la FIAC (notez vraiment l'importance du marché de l'art quand on parle de FIAC), et par la ville de Paris qui a accepté de prêter le lieu. Je ne sais pas combien de visiteurs rapportent la FIAC à la ville de Paris, mais c'est beaucoup, et je ne sais pas non plus combien de fric cela rapporte à la ville d'héberger un évènement de ce genre non plus. M'est avis que ça doit brasser pas mal. Et puis ça serait mal vu pour la ville et la nouvelle maire de faire parti des réacs. Soyons "ouverts" pour faire bonne figure !
J'ai l'impression que ce plug dressé place Vendôme est une manière à l'artiste de dire qu'il nous en**** bien tous. Mais c'est subjectif et assez agacé de ma part :) .

Je ne sais pas si vous avez lu "qu'est ce que le contemporain?" de Giorgio Agamben, c'est assez intéressant sur la place que pourrait avoir un artiste, si l'artiste est un homme dit "contemporain". Je mettrai un extrait/résumé si ça intéresse quelqu'un...

J'ai l'air un peu révoltée parce que c'est un sujet qui me touche particulièrement et c'est assez dur de parler de son point de vu en disant : "je souhaiterai que l'art cesse d'être du foutage de gueule" sans paraître élitiste ou réac. Je souhaiterai également que l'art ne soit pas abordable que par l'élite... Que n'importe qui face à une oeuvre soit touché, de n'importe qu'elle façon (stupeur, gêne, curiosité, questionnement, prise de conscience etc...)

J'ai hâte de lire vos avis autant sur l'art en général que sur l'affaire de l'arbre de noël :) c'est intéressant comme sujet Gioia.

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soazic
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Re: L'art triste.

Message par soazic »

L'art pour moi est un grand mot dont je ne connais pas le sens. Il me semble qu'à la base on définit par "art", une pratique qui demande un apprentissage.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui une œuvre devient une oeuvre d'art par l'œil qui la regarde. L'art serait une œuvre reconnue par un maximum d'yeux?
Pour moi une œuvre est une création. Et l'art ma foi, je ne sais pas.
Quand j'ai vu la photo de celle de Mac Carthy, elle m'a fait penser aux arbres en bois qu'on trouve dans les jeux d'enfant ou dans certains matériel de rééducation, un truc simple, reconnaissable et donc symbolique.
Du coup j'ai découvert grâce à ces articles ce qu'était un plug anal, je constate que les tradis et compagnie sont bien plus au courant que moi de la chose.
Je suis allée voir ce qu'il avait fait d'autre, cela m'atteint du côté morbide donc bof, pas envie de me faire du mal.
Sinon, concernant la création-vu que c'est mon outil de travail- voir que les œuvres que font les patients en séance ne seront jamais vues et reconnues en tant que telles et eux ainsi en tant que ce qu'ils sont (à savoir comme chacun de nous, singuliers dans ce grand tout) me désole: des trucs incroyables qui feraient vibrer la fine parois de tant d'âmes du côté du beau et du bon.

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Léo
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Re: L'art triste.

Message par Léo »

Flam'b, Je suis également d'accord avec ce point de vue, en partie, et j'ai vraiment horreur de la fiac et du marché de l'art qui fabrique une ligne à l'horizontal qui traverse certaines grandes capitales du monde et homogénéise tout l'art en une forme très formatée... Je trouve juste navrant que des réacs se soient manifestés mais s'il s'agit d'un acte comme dans le cas de l'urinoir de Duchamps (un artiste (Pinoncelli) avait fait pipi dans l'urinoir avant de le casser), ça change un peu la donne... Pour l'instant, aux dernières nouvelles, c'est vrai qu'on ne sait pas qui a dégonflé le gonflé... Concernant la colonne et l'arbre/plug et les réactions, je trouve intéressant d'opposer/confronter/analyser deux mouvements (réactions) différents dans un contexte historique différent. Je ne les compare pas "objectivement", c'est impossible...

C'est un sujet complexe, en effet. Parce qu'entre l'art cool, sympa, fun, ludique sponsorisé et les réactions hystériques de quelques groupes à penchant extrémiste ou des avis sans intérêt aromatisés à pas grand chose, je ne vois pas grand chose d'autre dans les médias qui puisse apporter un sens intéressant à l'art en général, contemporain ou pas... On reste dans le grossier et j'ai l'impression qu'il n'y a plus d’œuvre à proprement parler mais la faute à qui ? (je n'ai pas vraiment de réponse)

Bon... globalement il y a un peut-être un manque d'éducation artistique... un autre gros débat... dans la mesure où une grande partie de ce qui est vu aujourd'hui est plus consommé que vu, ne peut-on pas tenter un travail de relecture systématique... c'est ardu et pas évident, j'en conviens.

Cette œuvre de Mc carthy est un évènement médiatique, certes et son dégonflage, une sorte de métaphore de ce qui se passe actuellement.
Zwip a dit ceci : Je trouve ça surtout léger dans ce que ça donne à penser (tu me diras, c'est gonflé et ça ne contient que de l'air, ça ne prétend pas être autre chose
A cela je réponds que je suis d'accord... je ne sais pas si ça fait avancer le "schmilblick" du tout et son contraire que je raconte...

Je ne suis pas contre la fabrication industrielle en art, ni contre la parabole un peu facile. Cela dépend, encore une fois, du contexte que je ne trouve pas si insensé dans le cas de cette œuvre. C'est une blague. J'ai franchement ri, d'un rire franc et pas "idiot"(enfin, si un peu) quand je l'ai vu, cet arbre de Noël anal... avec la colonne Vendôme à côté... voilà, un symbole vs un autre symbole... c'est pas si con et pas si nul. Après, on n'est pas dans une forme artistique profondément sensible et on peut se poser la question, oui, de l'intérêt d'une telle "mascarade"... Pourquoi ai-je ri et trouvé du sens à cette œuvre alors que Jeff Koons ne me fait plus rire depuis longtemps ?

Je pense qu'on vit une forme de décadence, oulala, attention le gros mot, mais pas dans le sens d'art dégénéré. Plus dans le sens : absence d'échange, conformisme, institutionnalisme, consommation... D'un côté il y a une forme d'art qui se parle a lui-même et rend son accès d'office obscur et je comprends que des gens aient l'impression qu'on se foutent de leur gueule et d'un autre côté je dirais qu'il y a des lacunes dans l'effort de fournir une pensée non immédiate... je suis peut-être un peu critique et généraliste... je m'en excuse. Je ne pense pas du tout que l'ensemble du monde soit médiocre et bête, je parle d'une ambiance générale/palpable

Sinon, Soazic, j'aime bien ton interprétation. Aussi, il est tout à fait possible d'organiser des expositions avec tes patients. Je ne vais pas rentrer dans le débat art brut et art tout court... Il y a, en effet beaucoup de catégories qui tendent à classifier, trier, et forcément ça fabrique des fossés et surtout complique un peu les choses. Je ne sépare pas la qualité d'une œuvre dite "brut" d'une œuvre d'un peintre qui entre dans les musées "classiques". Il y a un musée à Liège que j'aimerais visiter, le MadMusée qui expose des œuvres d'artistes handicapés mentaux / malades mentaux, je ne sais pas si tu connais mais il y a de très belles choses (je n'ai vu qu'en images).

Bon... emmêlage de pinceaux fait... la nuit porte conseil :-)
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Kayeza
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Re: L'art triste.

Message par Kayeza »

Gioia a écrit :D'après les avis que je note, l'art est une création, une production qui a pour but de rendre le produit fini esthétiquement agréable à l'œil.
Je pense que cette notion d'esthétique voire de beau n'a pas grand'chose à voir avec l'art, au plus tard depuis Marcel Duchamp, et certainement même bien avant. Et le fait que le beau en soi est impossible à définir n'en est qu'une des raisons, et sans doute la moindre.
Je me pose constamment ce genre de questions et j'en suis venue à me construire ma petite réponse à moi : l'art, c'est ce qui me touche et qui me fait du bien, a priori quelque chose de fabriqué (art-ificiel), qui relève d'une forme de beau (même à la Goya, même à la Guernica). La Fontaine de Duchamp ne me touche pas et ne me fait pas du bien, donc pour moi ce n'est pas de l'art, dans ma petite définition à moi. Mais il se trouve qu'il y a plein de gens qui ne sont pas de cet avis et qui souhaitent en discuter. Très bien, mais ce sera sans moi. La Fontaine de Duchamp m'interroge, certes, et certains semblent y voir une des fonctions de l'art. Mais, si j'y vais par là, tout m'interroge : l'agencement des bornes en plastique orange sur un chantier routier, par exemple. Qui les a mises là ? Pourquoi avec tel espacement et pas un autre ? Pourquoi les cinq premières sont-elles alignées et pas les suivantes ? Et pourtant, ce n'est pas de l'art, ce n'est pas *considéré comme* de l'art. Certains diront qu'il n'y a pas d'intention derrière. Voilà ce qui pourrait participer d'une définition de l'art : l'intention.

Je provoque un peu, bien sûr, mais le sujet s'y prête. J'ai du mal, beaucoup de mal, avec l'art contemporain, dans à peu près tous les domaines de l'art d'ailleurs (parce qu'on pourrait étendre ta question aux arts non-visuels, la musique et la littérature, par exemple). Personnellement, j'ai résolu la question (au moins provisoirement) en me disant : si ça me touche et que ça me fait du bien, je prends. Sinon, éventuellement, je m'interroge ou j'interroge ceux qui ont un autre avis sur la question et je peux éventuellement me laisser convaincre. Mais mon ressenti prime avant tout. Si je dois passer par tout une élaboration intellectuelle pour être touchée, eh bien je le suis déjà beaucoup moins. C'est peut-être consumériste, comme attitude, mais dans le flot de productions "artistiques" dont on est abreuvé, il faut bien développer une certaine méthode de "tri". Voilà la mienne.
Flamb' a écrit :Je ne sais pas si vous avez lu "qu'est ce que le contemporain?" de Giorgio Agamben, c'est assez intéressant sur la place que pourrait avoir un artiste, si l'artiste est un homme dit "contemporain". Je mettrai un extrait/résumé si ça intéresse quelqu'un...
Si ça peut éclairer le débat, pourquoi pas ?
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Re: L'art triste.

Message par Léo »

Kayeza a écrit :
La Fontaine de Duchamp m'interroge, certes, et certains semblent y voir une des fonctions de l'art. Mais, si j'y vais par là, tout m'interroge : l'agencement des bornes en plastique orange sur un chantier routier, par exemple. Qui les a mises là ? Pourquoi avec tel espacement et pas un autre ? Pourquoi les cinq premières sont-elles alignées et pas les suivantes ? Et pourtant, ce n'est pas de l'art, ce n'est pas *considéré comme* de l'art. Certains diront qu'il n'y a pas d'intention derrière. Voilà ce qui pourrait participer d'une définition de l'art : l'intention.

Je provoque un peu, bien sûr, mais le sujet s'y prête. J'ai du mal, beaucoup de mal, avec l'art contemporain, dans à peu près tous les domaines de l'art d'ailleurs (parce qu'on pourrait étendre ta question aux arts non-visuels, la musique et la littérature, par exemple). Personnellement, j'ai résolu la question (au moins provisoirement) en me disant : si ça me touche et que ça me fait du bien, je prends. Sinon, éventuellement, je m'interroge ou j'interroge ceux qui ont un autre avis sur la question et je peux éventuellement me laisser convaincre. Mais mon ressenti prime avant tout. Si je dois passer par tout une élaboration intellectuelle pour être touchée, eh bien je le suis déjà beaucoup moins. C'est peut-être consumériste, comme attitude, mais dans le flot de productions "artistiques" dont on est abreuvé, il faut bien développer une certaine méthode de "tri". Voilà la mienne.
Je ne sais pas si je vais réussir à exprimer ma passion pour les bornes de chantier :D
Je dois vous avouer que je suis fascinée par tous les "agencements"... artiste ou pas artiste derrière...ça ne répond pas plus à la question mais j'ai eu envie de répondre vite. Je crois que j'éprouve beaucoup de plaisir immédiat en observant des choses anodines et je comprends tout à fait qu'un artiste joue avec ces codes là. Est-ce parce que je suis artiste ? J'en sais rien. J'ai toujours aimé les choses... dont les bornes, les briques, les murs, les gravats entassés... tout ce qui fabrique un espace à l'intérieur d'un espace... Là je parle d'une manière de voir et d'appréhender qui m'est personnelle et n'engage en rien la définition ou validation de l'art (contemporain). Et dans la mesure où cela me semble "naturel", je ne suis pas sûre qu'il faille en passer par une intellectualisation poussée... On peut néanmoins réfléchir à l'intention, tout à fait. Un artiste déplace un objet urbain ou quelconque et "déresponsabilise" l'art de la beauté ou plutôt d'une esthétique qui pose problème... et bien, je trouve cela intéressant, intellectuellement et "sensiblement" intéressant...On revient au subjectif.... et au sensible malgré tout...

Il faudrait peut-être des exemples visibles pour illustrer nos propos... je propose Peter Fischli et David Weiss pour tout un tas de raisons et un exemple au hasard d'un détournement d'objets que je trouve poétique..
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Pardon pour cet aparté
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Re: L'art triste.

Message par Flamb' »

Ahhhh je passe rapidos mais en cherchant des extraits de Giorgio, je suis tombée sur un podcast de ce matin de France Culture qui fait une semaine spéciale art moderne/contemporain ! :D

Et un podcast du 7 Octobre 2013 sur un extrait de Giorgio Agamben

Le texte est issu d'un séminaire auquel il participait.
De ce que j'ai compris, pour lui le contemporain est celui qui vit dans son temps mais qui est dans un décalage sensible vis à vis de son temps. Ce décalage se fait parce que le contemporain arrive à voir le dessous de l'iceberg de son époque, les tissages, les trames. Il vit dans son temps (donc par exemple ne dit pas "de mon temps c'était comme ci comme ça), mais arrive à avoir du recul (ou de l'avance au choix), car il comprend qu'il vit dans une époque dont il arrive à sentir les parts d'ombres.
Quelqu'un de non contemporain peut vivre en 2014, seulement il vivrait sans se rendre compte réellement des parts sensibles, des "vibrations" de son époque.

Et donc pour revenir à l'art et à l'artiste je pense qu'un artiste peut/devrait sentir cela, qu'il arrive à observer son époque avec un léger décalage, suffisant pour avoir du recul, pour arriver à déceler ce qui se joue ou pas au jour d'aujourd'hui. Autant en terme de politique, que d'esthétique,que de social, que d'artistique...

Pour ça que pour moi, le plug de McCarthy ne joue pas avec le sensible d'un contemporain, il surfe juste sur une vague du buzz, sur les images chocs du monde... Pour moi il est dans l'instant présent (voir il est resté dans les années 70 je ne sais pas ^^). Effectivement ça peut être drôle si on l'enlève du contexte art (je ne dis pas que l'art ne doit pas être drôle), mais là dans son cas je le mets au même niveau que Rémi Gaillard (oui je suis dure mouahahaha :devil: ).

Si on prend comme référentiel le texte de Giorgio sur l'homme contemporain, l'artiste et son art serait comme une sorte d'instant toujours sensiblement en avance, dans le sens où cela ne colle pas tout à fait avec ce qui se passe à l'instant présent, mais qu'il crée une sensible brèche qui nous emmène vers une suite, vers une prise de conscience de ce qu'il se passe dans le monde actuel.

Mais c'est assez sensible à toucher...

Extraits :
► Afficher le texte
soazic : Pour moi une œuvre est une création. Et l'art ma foi, je ne sais pas.
Si c'est oeuvre dans le sens quelque chose fabriqué par quelqu'un, je pense comme toi que toute oeuvre est création. L'art aussi est à mon sens création, mais on peut sûrement distinguer l'art et une création artisanale de souffleur de verre par exemple... Si la dextérité et la beauté des créations du souffleur sont indéniables, je ne pense pas qu'un souffleur de verre, lorsqu'il souffle un vase ou un verre, y voit autre chose qu'un vase ou qu'un verre. Si la beauté qu'il leur donne ajoute une esthétique certaine à leur fonction de récipient, les objets qu'il crée sont à la base des objets fonctionnels...

Je pense comme Gioia que c'est surtout un moyen humain de s'exprimer. Comme la musique, la littérature, le cinéma. C'est un moyen de s'exprimer autrement que par la simple communication/échange d'un individu à un autre, parce qu'il y a peut-être des choses qui sont trop complexes, ou impossible à faire passer par la parole, ou alors que certains arrivent plus facilement à s'exprimer via un biais artistique que par la parole pour se connecter au monde (d'où soazic un besoin pour certaines personnes de passer par l'expression artistique pour s'exprimer et ce pour quoi tu travailles?)
Je suis peut-être dure envers un grand pan des artistes, mais à mon avis dire que l'art n'a pas à véhiculer de sentiments, d'émotions, de prise de conscience, que l'art n'existe qu'en tant qu'art (d'ailleurs je n'ai jamais compris cette phrase), ben ça me fait peur.
Avant les peintres de fresques dans les églises peignaient pour véhiculer un message, donc expression qui passait par un autre biais que la parole.
Après les peintres de scènes d'histoire, mythologie etc, faisaient passer pleins de messages dans leur peinture, c'est vraiment une autre manière de parler, si on en a les codes.
Ensuite quand se rapproche du moderne la parole picturale se libère et se diversifie...
Et là j'ai l'impression qu'on a tellement tordue l'expression qu'elle en devient inintelligible parfois ^^ (tout autant qu'en littérature ou en musique je te rejoins Kayeza).

Peut-être qu'en fait on tord beaucoup trop partout l'expression, le langage, et ce que l'on ressent au niveau artistique n'est qu'une conséquence de ce qu'il se passe au niveau du langage même, mais ça c'est un autre débat et je n'y ai pas réfléchi huhu.

Réduire l'art qu'à une autre manière de s'exprimer c'est sûrement très réducteur, il y a aussi quelque chose de l'ordre de la trace, du "je suis passé par là" (comme les fresques préhistoriques), qui est important aussi. On veut laisser une empreinte de nous sur le monde...

soazic je plussoie Léo, je ne sais pas quelles sont tes restrictions légales et tes possibilités mais faire une expo des travaux de tes patients c'est un super projet... Ya quelques artistes qui ont travaillé en collaboration avec des patients catalogués comme "incapables de faire de l'art alors on va les ranger dans art brut parce qu'ils sont fous et en fait les résultats sont justes époustouflant. Là je dirai que c'est de l'expression émotionnelle pure du coup c'est souvent impressionnant de vérité...

edit: en fait je ne suis pas passée si rapidos que ça haha.

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Gioia
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Re: L'art triste.

Message par Gioia »

Bien l'bonsoir tout l'monde ! :hai:

Eh bien que d'échanges riches sur ce vaste sujet ! J'ai beaucoup aimé lire vos interventions.
Je constate qu'il est assez difficile d'avoir une conception bien définie de ce qu'est l'art, et je doute même qu'une définition claire puisse exister, en fait. Ce qui semble primer, suite à la lecture de vos posts et les avis qui me parviennent ici et là, c'est la notion de création et de sensibilité/réceptivité au produit fini ou au message véhiculé, du moins d'après ce que je crois comprendre. Je pense pour ma part que notre sensibilité face à une œuvre s'éveille surtout lorsque ce qui est transmis est subtil, pour reprendre cette notion de subtilité peu facile à définir mais je vais tenter de m'expliquer. J'entends par subtilité un vecteur qui conduit à l'émotion... vecteur dont le tracé est implicite, léger mais bien pensé, travaillé, presque invisible mais communiquant (hum, c'est pas clair du tout :think: )... une forme de langage de l'âme entre l'émetteur et le récepteur. Je pense que l'émetteur (artiste) produit sa création avant tout pour lui même, selon ce qui le touche et ce qu'il a envie de transmettre à travers son œuvre, et qu'il est donc son premier récepteur dans la mesure où il est celui qui vit et ressent au sens brut les émotions liées à sa propre création. Je pense que le but premier de l'artiste est non seulement de sublimer le concept qu'il veut exprimer mais de se sublimer lui même. Reste ensuite le partage ou l'exposition de son œuvre à la vue/oreille/toucher de tous, qui trouveront ou non des éventuels récepteurs, des personnes qui auront été sensibles au tracé, au vecteur. J'ai le sentiment de m'égarer un peu mais c'est ce que je dirais si j'avais à tenter d'approfondir le concept de subtilité dans l'art, mais qui ne l'oublions pas, reste quand-même flou. C'est quelque chose que je ressens mais je suis peut-être à côté de la plaque. Il faudrait que je trouve des exemples. Après, je pense qu'on peut intégrer aussi dans l'art des choses plus brutes, plus grossières, moins fluides, mais toujours dans le but que le produit fini et/ou le message véhiculés soient transfigurés.
Je sais pas du tout si je suis claire.

Tain', je me perds !

En tout cas, ce qu'il y a d'efficace ici c'est que le concept est tellement difficile à cloisonner que les idées et arguments des uns et des autres peuvent facilement ouvrir de nouvelles brèches au sein de notre raisonnement, voire bouleverser un peu les critères qui alimentent notre fil conducteur.

Ah oui, aussi :
" Sinon, concernant la création-vu que c'est mon outil de travail- voir que les œuvres que font les patients en séance ne seront jamais vues et reconnues en tant que telles et eux ainsi en tant que ce qu'ils sont (à savoir comme chacun de nous, singuliers dans ce grand tout) me désole: des trucs incroyables qui feraient vibrer la fine parois de tant d'âmes du côté du beau et du bon."

" Ya quelques artistes qui ont travaillé en collaboration avec des patients catalogués comme "incapables de faire de l'art alors on va les ranger dans art brut parce qu'ils sont fous et en fait les résultats sont justes époustouflant. Là je dirai que c'est de l'expression émotionnelle pure du coup c'est souvent impressionnant de vérité... "


:clap:

Je plussoie mille fois. Par contre, je sais pas quoter...

Sur ce, je vous salue ! L'art m'a un peu achevée, je vais me coucher. |-)

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Re: L'art triste.

Message par Gioia »

Tiens, en parcourant le topic des scènes de films qui nous ont marqués, je me suis souvenue de cette scène finale sublime du film "Quatre minutes", qui illustre parfaitement la forme artistique qui me touche au plus au haut point. Cette scène est plus efficace que les définitions que je pourrais tenter de mettre dessus. Un bien bel hasard ! Tout y est: la création, le talent, l'imagination, et surtout cette espèce d'énergie émotionnelle, à la fois brute, violente et instinctive, et pourtant tellement travaillée en finesse... une force qui touche au sublime, qui transcende.

La voici: https://www.youtube.com/watch?v=1M9mwCLi8Jg

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Re: L'art triste.

Message par Gioia »

" Sinon, concernant la création-vu que c'est mon outil de travail- voir que les œuvres que font les patients en séance ne seront jamais vues et reconnues en tant que telles et eux ainsi en tant que ce qu'ils sont (à savoir comme chacun de nous, singuliers dans ce grand tout) me désole: des trucs incroyables qui feraient vibrer la fine parois de tant d'âmes du côté du beau et du bon."

" Ya quelques artistes qui ont travaillé en collaboration avec des patients catalogués comme "incapables de faire de l'art alors on va les ranger dans art brut parce qu'ils sont fous et en fait les résultats sont justes époustouflant. Là je dirai que c'est de l'expression émotionnelle pure du coup c'est souvent impressionnant de vérité... "

:clap: :clap:

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Re: L'art triste.

Message par zwip »

Pardon d'avance pour la longueur.
Moi je ne voulais pas mettre mon nez dans ce sujet, c'est pas ma faute, c'est Léo qui m'a poussée :lol: .
Bon, j'agrémente de spoilers afin d'écourter la lecture...
Kayeza a écrit :
Gioia a écrit :D'après les avis que je note, l'art est une création, une production qui a pour but de rendre le produit fini esthétiquement agréable à l'œil.
Je pense que cette notion d'esthétique voire de beau n'a pas grand'chose à voir avec l'art, au plus tard depuis Marcel Duchamp, et certainement même bien avant.
La définition rapportée par Gioia (je note bien que tu ne la fais pas tienne, Gioia) est en effet parcellaire. Elle n'en est pas pour autant inintéressante. Car dire que l'art a pour but de rendre un produit fini agréable à l’œil, c'est pointer un des buts des arts appliqués (ce que recouvrent aujourd'hui grosso modo les termes de design ou d'artisanat d'art) : des arts qui consistent à travailler l'apparence d'un objet qui n'a pas pour fonction première d'être une œuvre d'art.
► Afficher le texte
Or on n'a pas toujours jugé sage de séparer "art noble" (ou beaux-arts, ou art pur, comme vous voudrez) et arts appliqués (ou tous autres arts parfois qualifiés de "mineurs"). Je pense par exemple aux expérimentations du Bauhaus, où l'on fabriquait sans distinction tapis, tableaux, fauteuils, sculptures, affiches... Expérimentations on ne peut plus fécondes : il me semble que l'art ne perd rien dans ces rapprochements.
***
Ceci dit, je ne cherche pas à me faire l'avocat du diable, mais inclure ou non l'art du souffleur de verre n'est pas à mon avis le nœud du problème... En effet je me demande si l'on gagne à définir l'art strictement, autrement dit si l'on gagne à beaucoup exclure.
► Afficher le texte
Et puis je pense que les questions posées par le dégonflage du plug sapin de MacCarthy ne se limitent pas à celle de savoir si cet objet est ou non de l'art...
► Afficher le texte
Il y a d'autres points soulevés par cette affaire et qui m'interrogent davantage (et pardon si je m'écarte alors un peu de l'idée de définition de l'art qui est l'objet premier de ce topic) :

- La question de l'art installé dans la rue, imposé à la considération des passants ou habitants (les productions du 1% artistique - œuvres pérennes placées le plus souvent en milieu urbain, sur esplanades, ronds-points, lieux hypes ou banlieues - et autres interventions pas forcément commandées par l'état mais réalisées avec son aval, comme l'installation temporaire du plug dont on parle).
► Afficher le texte
- La question de l'envahissement du marché et des espaces d'expositions par une forme d'art estampillée contemporaine (au détriment d'autres formes qui coexistent mais ne sont pas mises en avant).
► Afficher le texte
De là découlent lissage, uniformité, répétition, fadeur. La disqualification systématique de toute critique empêche la remise en question de ce système bien huilé (celui qui l'ouvre est vite qualifié de réac - par assimilation à une certaine droite qui, il ne faut pas le nier, se fait toujours remarquer quand il s'agit d'attaquer l'art contemporain, avec des arguments le plus souvent discutables... Raison de plus pour ne pas lui laisser confisquer ce débat).

Que cet envahissement produise à la longue un rejet, qui frise parfois la réaction allergique, voilà qui semble assez naturel...

Et l'état qui pourrait jouer un rôle de régulateur joue finalement plutôt un rôle d'amplificateur : Par les choix esthétiques ou théoriques dont témoignent les expositions qu'il organise (et le fonds contemporain acquis par ses institutions type FRAC) ou soutient, par les orientations pédagogiques données aux écoles d'art, l'état tend à maintenir et reproduire l'art et le système de validation promus par le marché.
C'est regrettable, car le rétablissement d'une visibilité de la diversité des pratiques actuelles permettrait de comparer, de choisir, bref de rouvrir la discussion. La critique pourrait renaître (je ne parle pas spécialement des critiques professionnels... les artistes, déjà, savent y faire pour se critiquer entre eux, et le public aussi a aujourd'hui des moyens de dire son mot (réseaux sociaux etc.)) et de là qui sait, le niveau d'exigence remonterait peut-être d'un cran ou deux.
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Re: L'art triste.

Message par Kayeza »

Merci zwip pour cette réflexion et ces arguments. Je suis globalement d'accord avec toi, donc je ne reprendrai pas les différents points que tu évoques.

Juste une question (une vraie question, comme on dit, tout à fait naïve) : ce qu'on déplore aujourd'hui quant au désengagement de l'État et à l'influence des grands financiers, est-ce que finalement c'est un phénomène si récent que cela ? (Je ne suis pas spécialiste en histoire de l'art.) Est-ce que même les plus grands artistes (je pense par exemple à la Renaissance) n'ont pas été dépendants de et soumis à la protection des mécènes ? Et, pour aller même un peu plus loin, n'est-ce pas une des missions de l'artiste d'apprendre à composer avec ces contraintes pour jouer au plus malin et faire passer son message quand même ?
Il me semble que le fait que nous soyons soi-disant en démocratie nous aveugle et nous fait croire que le peuple a réellement le pouvoir. On sait que ce n'est pas le cas et que c'est bien l'argent qui continue à régir le monde. Ou bien suis-je trop désillusionnée ?

[edit : j'avance dans ma lecture de l'article de Mediapart et j'y trouve certaines réponses. Mais que cela ne vous empêche pas d'ouvrir le débat. À moins qu'il soit hors-sujet, auquel cas nous pourrons peut-être l'évoquer dans un nouveau sujet.
D'un autre côté, on est en plein dans le mille de notre sujet avec cet article, puisqu'il pose indirectement la question de la définition de l'art : qu'est-ce qu'un artiste, si ce n'est pas quelqu'un libre de créer ? Un artiste peut-il être pieds et poings liés par son mécène ? etc.]
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Re: L'art triste.

Message par Euthyphron »

Kayeza a écrit :Juste une question (une vraie question, comme on dit, tout à fait naïve) : ce qu'on déplore aujourd'hui quant au désengagement de l'État et à l'influence des grands financiers, est-ce que finalement c'est un phénomène si récent que cela ? (Je ne suis pas spécialiste en histoire de l'art.) Est-ce que même les plus grands artistes (je pense par exemple à la Renaissance) n'ont pas été dépendants de et soumis à la protection des mécènes ? Et, pour aller même un peu plus loin, n'est-ce pas une des missions de l'artiste d'apprendre à composer avec ces contraintes pour jouer au plus malin et faire passer son message quand même ?
Il me semble qu'il y a une grande différence, qui est que le mécène finance l'art pour en jouir, et non pour se livrer à une spéculation financière.
Dans le premier cas, composer avec ces contraintes veut dire grosso modo plaire au mécène. Dans le deuxième cas je ne sais pas trop, ce n'est pas pareil s'il s'agit pour l'artiste seulement de survivre ou bien de se faire un nom, mais l'idéal du marché, pas terrible du point de vue purement esthétique, serait de trouver le truc qui permet de faire du fric.

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Mei Run
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Re: L'art triste.

Message par Mei Run »

Y'a une série de vidéos de cours sur YouTube, de Gilles Deleuze, qui philosophe sur qu'est-ce que l'art et le beau, et que peut-on appeler art.
Y'a toute une partie où il parle de Leibniz aussi. Chu pas très forte pour résumer les choses, donc je vous laisse écouter par vous même si ça vous intéresse...

Recherche YouTube : "Gilles Deleuze, sur la peinture, séance 1" pour le début. (DSL je suis sur tablette, j'arrive pas à chopper l'URL dans l'appli :/ )
"Twenty years from now you will be more disappointed by the things that you didn't do than by the ones you did do. So throw off the bowlines. Sail away from the safe harbor. Catch the trade winds in your sails. Explore. Dream. Discover."

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