Tombeau à Carlo

Le lieu de Culture, comme le titre de la rubrique l'indique. Ici il s'agira d'Oeuvres et d'Auteurs du vaste paysage culturel. Textes, photos, vidéos...
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Boutès
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Tombeau à Carlo

Message par Boutès »

Pour ceux qui connaissent cet irrépressible terrassement que génère la moindre poignée des accords génialement distordus du sixième livre des madrigaux de Carlo Gesualdo, et pour ceux qui n'auront qu'une seule envie à lecture de cette accroche - vivre cette expérience existentielle inoubliable ! (auquel cas, se ruer dans la demi-heure sur le petit bijou discographique réalisé par La Compagnia del Madrigale, tout fraîchement paru chez Glossa!) - je souhaiterais dresser un tombeau à cet ovni baroque que fut celui qu'on appelle encore (et surtout!) le compositeur assassin, pour avoir osé trucider son épouse adultérine, et étouffé l'un de ses enfants, avant de le jeter dans le puits de son ancestral domaine italien...

Autrement dit comment un homme peut-il aussi bien manifester les comportements les plus bestiaux (en bon aristocrate qu'il ait pu être néanmoins), tout en incarnant le génie le plus absolu d'une des formes artistiques les plus raffinées, celle du madrigal baroque, jusqu'à devenir l'égérie de nombre d'artistes du XXe siècle (Stravinsky, Schnittke...) ? Ce compositeur emblématique et fascinant ad aeternam, en élargissant un peu le débat, peut aussi être le prétexte à orienter une discussion sur la question de la place du mal dans l'Art.
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Kayeza
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Re: Tombeau à Carlo

Message par Kayeza »

J'ai un peu du mal à saisir ton objectif en créant ce sujet : tu trouves ce compositeur génial, et ?
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Boutès
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Re: Tombeau à Carlo

Message par Boutès »

et prétexte à discuter, sinon de son oeuvre elle-même, du moins des rapports complexes entre morale et Art, voire entre vie et oeuvre chez l'artiste.
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Kayeza
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Re: Tombeau à Carlo

Message par Kayeza »

Depuis le début de l'après-midi, je l'écoute sur grooveshark (mieux que deezer, car sans pub) et je suis effectivement sous le charme. C'est un très bon complément aux Cantates de Bach que j'ai tendance à écouter en boucle (mais pas en travaillant, parce que je comprends l'allemand et que ça me perturbe). En plus, là, c'est a capella, c'est donc la pureté de la voix qui peut se déployer dans toute sa splendeur. Merci de cette découverte !

Sinon, concernant la place du Mal dans l'art, il faudrait peut-être en parler dans un sujet dédié. J'en connais un qui aurait de quoi dire sur le sujet... Pour ma part, je suis en train de lire Sade (pour la fac), après avoir lu "Les liaisons dangereuses". Autant j'admire la langue du XVIIIe, autant cette prééminence de ce que j'appelle le mal dans ces oeuvres (encore plus prégnant chez Sade, of course) me met profondément mal à l'aise. Et je ne comprends pas comment on peut élever de la sorte Sade au rang d'écrivain génial. Mais je ne suis sans doute qu'une âme sensible qui n'a rien compris...
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Re: Tombeau à Carlo

Message par Boutès »

Je suis ravi, Kayeza, que, malgré le côté un peu égocentré voire sectaire de mon post, tu aies suivi ce que j'y écrivais, et bien plus encore, que tu apprécies cette musique!

Le rapprochement que tu fais avec Bach me parle énormément, car le plus grand choc émotionnel qui m'ait donné, enfant, envie de pratiquer moi-même la musique, fut la découverte de ce chef-d'oeuvre, à chaque écoute (ou lecture) plus inouï, que sont les Sonates et partitas pour violon seul (j'aime beaucoup les cantates également, mais j'avoue ne pas en être un grand expert, tant elles foissonnent, j'ai davantage écouté les Passions de Jean et de Mathieu, qui toujours me subjuguent).

Tout cela pour ajouter que ce rapprochement que tu fais me paraît lumineux, car ces deux compositeurs me semblent comme les deux faces d'une même pièce...A Bach, la beauté apollinienne (pour reprendre le vocabulaire de Nietzsche dans La Naissance de la tragédie), la maîtrise profondément raisonnée de l'Harmonie mise au service d'un spirituel qui - que l'on croie ou non - irradie l'âme, et à Gesualdo, l'exacerbation dionysiaque, celle des plus grandes passions, des plus grandes folies, le chahut intérieur enfin dompté par - suprême paradoxe - la dissonance, la modulation volontiers incongrue...Ces deux flux musicaux - apparemment antithétiques - se rejoignant néanmoins dans leur puissance à créer une alchimie artistique insensée sachant ériger la misère de l'Homme en une grandeur (...ce doit être parce que nous sommes à la veille de Pâques que je me surprends à causer un peu à la manière du père Pascal!).

C'est d'ailleurs ce qui m'ipressionne beaucoup chez Gesualdo, sa capacité à avoir puisé dans sa furie bestiale l'énergie d'une musique éminemment spirituelle, voire profondément religieuse (cf. ses Chants sacrés). Ce qui pourrait amener à le rapprocher, dans le domaine littéraire, du Verlaine repenti des poèmes de Sagesse par exemple.

Autrement, je partage pleinement ton point de vue sur Laclos, et plus encore sur Sade, tous deux me tombent des mains. Au risque de paraître ultra-réactionnaire, je suis assez d'accord avec le Michel Onfray qui s'exprime dans cette séquence vidéo (et attends avec impatience la publication du livre sur Sade qu'il annonce)
http://www.youtube.com/watch?v=QksjED5gA0k

et je tends à ne retenir de lui que l'image du vieux crouton libideux qui transparaît sous la plume (pour le coup admirable) de Jacques Chessex, dans Le dernier crâne de M. de Sade.
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