Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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W4x
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Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par W4x »

J'ouvre ce fil suite à une discussion initiée ici à la fin de laquelle la réflexion de Doonarrala aura fait mouche dans mon esprit. Je vois dans ce fil l'occasion de centraliser les témoignages divers et variés des enseignants du forum quant à leur pratique quotidienne, leur vision du métier, et surtout le rapport personnel qu'ils ont à la pédagogie. L'on a vu souvent par ici des témoignages relatifs à la scolarité, fût-elle excellente, chaotique ou banale mais peu en somme depuis l'autre côté du bureau.
Ne soyons pas sectaires, on nous le reproche assez^^ les autres membres et en particulier ceux qui sont parents sont invités réagir, quant à leur vécu ou celui de leur(s) enfant(s) vis-à-vis de certaines pratiques pédagogiques. Il ne s'agit pas de faire doublon avec ce fil relatif à l'expérience ou l'épreuve pour certains de la scolarité, mais plutôt d'envisager le débat sous l'angle professoral.
[tabs:La genèse]
D'une scolarité excellente jusqu'au bac je n'ai cependant retiré quasiment aucun plaisir à l'école. Quand je n'étais pas perdu dans mes pensées je me demandais ce que je faisais là, me contentant de passer dans la classe supérieure... jusqu'en maîtrise. Finalement, mon parcours post-bac étant plutôt cahoteux, je me suis retrouvé sans trop le réaliser à préparer les concours (CAPES et agrégation) par défaut plus que par vocation. C'est en tous cas ce que je me disais, bien que mes deux parents fussent enseignants, et que j'aie juré de ne jamais faire la même chose qu'eux. Et puis le mécanisme tranquille du passage en classe supérieure étant en bout de course, j'étais au pied du mur.
C'est ainsi que j'ai commencé à travailler en 2007, parce que je ne savais "rien faire d'autre" : des passions, fussent-elles dévorantes, pour les langues, le dessin ou les jeux vidéo ça ne nourrit pas son homme (et sa femme non plus).
Avec le recul, je pense tout de même que j'avais certaines prédispositions, et c'est à mon avis une condition absolument nécessaire pour exercer ce métier, et surtout l'exercer avec plaisir. Dès le collège j'aimais expliquer des choses à ceux qui ne comprenaient pas, étudiant j'ai donné quelques cours particuliers, et j'aimais d'autant plus le faire avec des élèves en difficulté que cela représentait un défi de prendre des détours de pensées, me mettre à leur place pour comprendre et attaquer la difficulté sous le meilleur angle. Mais je développerai ceci plus loin.
[tabs:L'IUFM]
Du passage à l'IUFM, censé nous former et nous préparer à nous-mêmes former les citoyens de demain (c'est beau), je n'ai pas retenu grand-chose. Cependant j'ai eu la chance de rencontrer deux bons formateurs et ma tutrice de stage, qui ont su aller au-delà de leurs prérogatives et nous présenter la pratique professionnelle sous un angle très pragmatique, sans langue de bois et hors du fatras terminologique que l'on ne manque pas de subir au détour des textes officiels ou dans la littérature. De formateurs eux-mêmes encore en exercice en milieu difficile j'ai retiré bien plus que des séances théoriques en amphi ou des stages obscurs de "mise en situation".
[tabs:Dans l'arène]
L'hétérogénéité. A tous les coins de textes officiels, de discussions entre profs ou de conseils de classe, c'est à mon sens le défi principal à relever. Se retrouver face à des groupes allant de 22 à 33 élèves, avec tout autant de niveaux, de sensibilités, de passés scolaires à gérer est un mur que l'on se prend de pleine face chaque année, que l'on soit expérimenté ou non.
Très vite j'ai abandonné l'idée de trouver une vitesse de croisière supportable par tous afin de, grosso modo, boucler le programme dans les temps et en mener la majorité vers la classe supérieure. Face à un public très hétérogène (c'est-à-dire en dehors de l'ouest parisien...), il m'est très vite apparu que cette solution en apparence de facilité n'en était pas une dans les faits, tout d'abord au niveau pratique mais surtout au niveau éthique (cf. l'onglet suivant).
Dans une classe, se trouvent 2 types d'élèves : ceux que j'appellerai les "légalistes" et les autres. Les légalistes forment le centre d'une sorte de courbe de Gauss -plus ou moins large selon les endroits- mêlant origines sociales, personnalité, acquis sociaux et comportementaux, et résultats scolaires. Les légalistes sont à peu près rangés quand on descend les chercher dans la cour, font globalement ce qu'on leur dit et plus généralement encore s'acquittent honnêtement de leur "métier d'élève" quand le prof fait honnêtement le sien. C'est la majorité silencieuse qui fait ce qu'on lui dit, au sein de laquelle les profs ont souvent peu de chose à dire sur chacun.
Les autres. Les autres... Perturbateurs nés, cas sociaux, mais aussi brillants qui s'ennuient (hqi ou non), syndicalistes en devenir... tous ceux qui ne rentrent pas vraiment dans le moule et réclament une attention particulière constituent cette minorité -toute relative- qui fait de la pratique enseignante un vrai sport.
Voilà donc le schéma classique d'une classe, avec lequel qu'on le veuille ou non, il faut composer 10 mois durant.
[tabs:La pédagogie en soi]
La banlieue parisienne eut tôt fait de me faire redescendre sur terre et adopter, en plus des réflexes de survie, une pratique adaptée à un public "moderne" au sens bien compris du terme. Sur le plan éthique, et pas que pour me donner bonne conscience, je ne conçois pas de laisser d'élève sur la touche sans tout essayer. Hors cas pathologiques, je pars du principe que tous sont en capacité de comprendre ce que je dis moyennant des approches différentes. Évidemment c'est bien là que se situe tout le nœud du problème, face à des gamins parfois déjà très critiques vis-à-vis du système scolaire, souvent formatés en cela par l'exemple parental ou l'abus de télévision.
Cet épisode parisien m'aura vite fait rendre à l'évidence que la coercition seule ne me permettrait pas d'acheter la paix sociale et que je n'aurai rien à perdre à tenter de joindre l'utile à l'agréable en essayant de faire travailler ce groupe des "autres".

Être plus présent physiquement auprès des élèves en difficulté, employer des détours de pensée et de langage, me mettre à leur place pour mieux comprendre leur difficulté et leur permettre de la surmonter, je ne sais pas si et en quoi ma condition de surdoué y contribue mais c'est réellement un des aspects qui me plaît dans le métier. Ne rien lâcher auprès d'eux, se fixer des objectifs moindres, adapter la notation ou le mode d'évaluation quitte à être hors programme ou hors textes officiels, quitte à jouer largement de la corde affective, je n'exclus aucune éventualité avec ceux-là partant du principe que même s'ils sont là contre leur gré ou de par les défauts du système il faut que l'on passe une année (ou plus^^) ensemble. Mon idée est par exemple de les mettre en avant en soulignant davantage leurs forces ou leurs petites réussites que leurs faiblesses, les faire participer à l'oral ou les responsabiliser vis-à-vis du groupe : les nommer par exemple "responsable du bruit" lors d'activité de groupe, ou les solliciter pour distribuer ou ramasser des feuilles, vu que cette population se retrouve généralement vite sous ma main au 1er rang^^ Tout ceci étant bien entendu conditionné par leur degré d'adhésion à ce contrat, ce qui est parfois loin d'être gagné. Certains sont demandeurs, d'autres complètement réfractaires.
On peut légitimement remettre en question cette pratique, la qualifier de démagogique ou extrascolaire, hors de mes attributions. Ce n'est pas faux et je ne me cache pas d'acheter la paix sociale avec ceux avec qui ça fonctionne, mais j'y vois un bon moyen de joindre l'utile à l'agréable, tant pour eux que pour moi et le reste de la classe.

Je ne pense pas être en reste avec l'autre extrémité de la courbe. Je me revois dans ces élèves brillants qui s'ennuient, silencieusement ou non, et là aussi sans doute par sensibilité, par nécessité je n'entends pas les laisser pour compte. Je garde en mémoire cette phrase entendue en stage de 1ère année : "les bons élèves, quelle que soit votre pédagogie, s'en sortiront". C'est frappé au coin du bon sens mais me laisse un goût d'inachevé. Différencier ma pratique pour ceux-là me paraît tout aussi essentiel que pour ceux qui se trouvent dans la situation opposée. Je m'efforce dans la mesure du possible de leur proposer des exercices plus difficiles, nécessitant recherche et autonomie, de les valoriser par la participation orale voire m'en "servir" pour faire avancer le cours. Ceux-là, surdoués ou non, ont un cerveau qui ne demande qu'à carburer et ont le droit à autant d'attention que les autres.

Par exemple, et c'est là une conception toute personnelle de la chose, aborder une notion nouvelle en maths c'est se confronter à un problème nouveau et inconnu, avec les seuls outils dont on dispose jusqu'alors et un brin de jugeotte. Et aborder cette chose bien souvent abstraite c'est pour moi lui donner du sens en allant chercher des exemples concrets, et en faisant se creuser la tête aux élèves.
"Arrivés en 5e on sait faire plein d'opérations, mais quel sens donner à la soustraction 3-12?"
"On vous a fait acheter un rapporteur, mais avez-vous une idée seulement de ce qu'est un angle?"
"A votre avis comment faisaient les Grecs pour mesurer la longueur d'un cercle?"
"Où vous placeriez-vous face à un gardien de but pour avoir le plus de chances de marquer?" et j'en passe, notamment sur la notion de probabilité qui permet mine de rien de tester et exercer l'esprit critique des élèves.

De ces exemples pris au hasard j'en retire ce que je leur dis souvent : ce sont eux, par leurs remarques et leur implication (autrement dit leur "adhésion au contrat"), qui rendent le cours intéressant, pas moi. Je serais payé pareil à faire des cours magistraux en allumant le premier qui l'ouvre. Je dis souvent pour déconner en salle des profs que je ne suis qu'animateur, mais au final c'est peu éloigné de la réalité.

Pour terminer sur des généralités, je dirais que j'essaie globalement de mettre chacun en valeur à son niveau et surtout sur le plan de l'oral, et que je ne suis pas payé plus à mettre des remarques assassines sur les copies, qu'à me fendre d'un petit commentaire plus personnalisé. Je trouve par exemple que concilier travail (noté) et plaisir en leur faisant décorer la classe de dessins géométriques en couleur est une activité aussi ludique que mathématique, et que cela dédramatise l'évaluation pour certains.
De la même manière je n'ai pas la prétention d'en faire tous des cadors, et je ne crois pas d'ailleurs que cela soit possible, mais faire développer l'esprit critique des élèves et leur faire intégrer et respecter dans une certaine mesure un ensemble de règles sociales me parait un objectif à viser au même titre que l'enseignement en soi. D'aucuns diront que cela dépasse le champ de nos attributions... ça n'est pas faux non plus. Mais faute de mieux pour le moment il nous faut bien faire avec, et l'intégrer dans notre pratique.
[tabs:Les défauts de la cuirasse]
Évidemment, tout irait ainsi pour le mieux dans le meilleur des mondes des bonnes intentions. En l'état actuel des choses je sais que j'ai du mal à gérer individuellement ce fameux groupe des "légalistes", de par leur nombre et le temps que me prennent les autres. Autres qui par ailleurs sont loin de tous adhérer à ce beau projet, si bien que c'est finalement à moi de faire mes preuves pour convaincre le public. Inversion des valeurs, ça y ressemble, mais je crois que l'on n'a guère le choix de faire autrement. Je dirais que je m'y plie par la force des choses, et faute de mieux.
Ainsi, la gestion des élèves "difficiles" est loin de se passer aussi idéalement que ma vision le décrit. J'ai de nombreuses fois renoncé, agi par la force ou sans justification, par lassitude ou parce que parfois la force s'impose, comme cela peut être le cas dans un cadre bien compris de relation enfant/adulte, que ces enfants eux-mêmes n'ont jamais connu et/ou ne tolèrent pas. D'autre part en pratique, aborder la difficulté d'un élève de 3e qui se traîne 4 ou 5 ans d'échec est une autre paire de manches qu'en 6e, et deux ou trois élèves instables (au bas mot) ont tôt fait de mettre à l'envers un système dans lequel on privilégie l'autonomie et la relation individuelle à l'élève. Je n'ai franchement pas trouvé de solution à cela.

De même, je gère dans les faits bien différemment les élèves brillants ou juste très motivés à qui je donne des activités supplémentaires : s'ils veulent me rendre compte de ce qu'ils ont fait en plus, c'est à eux de venir me voir avec leurs questions et corrections à faire. Je n'ai pas le temps de revenir vers eux systématiquement, et je compte sur leur "maturité" scolaire pour faire la démarche de venir en chercher davantage s'ils le souhaitent. Du coup j'oublie souvent d'aller contrôler en fin d'heure ce qu'ils ont fait le reste du temps dans leur coin.

L'inspecteur m'a reproché l'an passé de ne pas assez faire utiliser l'outil informatique par les élèves. C'est la grande mode, surtout en maths, cependant il me laisse dubitatif. Sans doute tout n'y est-il pas à jeter, mais je n'en ressens pas le besoin impérieux, tant pour sa pertinence toute relative que pour la difficulté que l'on peut éprouver à mettre ça en place avec 30 élèves simultanément.

Enfin, rien ne m'horripile plus que d'avoir à faire le flic auprès des parents. Il se trouve des collègues qui adorent cet aspect : généralement ceux qui sont professeurs principaux, j'en suis pourtant mais c'est bien contraint et forcé car c'est loin d'être ma passion. Je reconnais que je suis nul en la matière et que je n'arrive pas à me positionner dans cet aspect social du métier (qui nous incombe oui mais dans quelle mesure...?). On nous vend que les profs se doivent d'établir, que dis-je, d'être le lien cohérent entre l'école et la maison, ça relève certes du bon sens mais dans les faits ça me dépasse totalement. On touche là aux limites du métier, en tous cas tel que je l'entends, et je ne suis pas spécialement l'animal social enclin à ce genre de chose. La plupart des parents que je convoque et avec lesquels j'échange autre chose que d'ennuyeuses banalités, c'est pour leur suggérer que leur gosse est peut-être surdoué... vous avez dit biais personnel? :P
En conclusion je dirais que ma pratique est clairement appuyée par ma sensibilité personnelle. J'aime enseigner mais, faute à la douance ou pas, je ressens peut-être trop intensément l'envie d'individualiser mon enseignement, d'être proche d'une façon ou d'une autre des élèves, et j'en ressens tout aussi intensément les échecs. J'ai aussi du mal à en cerner les limites. Je bosse à l'instinct, j'essaie de me donner les moyens de mon ambition mais je sais que d'instinct également j'ai tendance à renoncer ou céder à la facilité du rapport de force. Ma vision des choses est certainement restreinte, je n'ai passé qu'un an en lycée, bientôt 5 au collège, et je ne me suis penché que peu sur la situation au primaire. N'hésitez donc pas à éclairer de votre point de vue pédagogique cette approche des choses...

En périphérie de ceci vous pouvez aller faire un tour sur ces fils de discussion :
Les systèmes d'éducation
L’Éducation Nationale, grand corps malade
Des sciences de l’Éducation, du coach et du charlatan
Douance et scolarité
Ces utilisateurs ont remercié l’auteur W4x pour son message (8 au total) :
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amalia
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par amalia »

petit témoignage rapide d'une ex-prof...

d'une famille de prof, j'ai toujours aimé transmettre, enseigner, apprendre, et donc de fil en aiguille, et presque par hasard, me voici un jour prof de biochimie-génie biologique ; un petit détour par l'enseignement en fac au cours de ma thèse (avec des moments épiques lorsque mon prof référent me sort au bout de 5 mn : " de toutes façons, ne vous embêtez pas avec ces étudiants de psycho (je leur enseignais la bio) ils ne comprennent rien à rien"... j'avais adoré)...bref, après un peu d’enseignement en fac, je me retrouve à enseigner la biochimie en région parisienne, à des élèves qui parlaient à peine français...faire apprendre mitochondrie et réticulum endoplasmique à quelqu'un qui ne sait pas conjuguer au présent, j'ai eu du mal à voir l’intérêt. Bilan : la première année, j'ai fait bcp de français en prenant prétexte de la bio... ça a plu moyen à l’inspecteur (le sacro saint programme !) ça a été utile à mes élèves mais bon, passons...

la suite a été à peu près à l'avenant avec pour moi de grosses difficultés à accepter de voir des gosses se noyer faute d'aide adaptée ; ce qui m'a achevé, ce sont 2 petites qui avaient demandé à entre en BEP sanitaire et social : pas prises car manque de place ; elles ont galéré toute l'année en 2 sciences médico sociale, pour... être prises l'année suivante en bep...

bref, je n'ai jamais trop compris à quoi je servais, et j'étais jamais aussi bien que quand je pouvais aider plus particulièrement un élève repéré en difficulté ;

j'ai rapidement jeté l'éponge pour devenir psycho où je me sens totalement à ma place ; de ma place de psycho, je constate que les enseignants ne sont malheureusement pas informés sur les troubles des apprentissages et ne sont pas accompagnés pour gérer la différence...d'où bcp de souffrance pour mes petits patients :-(
Je n'ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c'est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson.''Rebecca West

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yann29
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par yann29 »

Cela représente d'abord, chronologiquement, le métier que j'ai préféré à celui d'ingénieur ou de chercheur.
C'est consacrer son activité à des personnes plutôt qu'à des objets ou de l'argent.
C'est travailler la matière la plus noble qui soit.
Bon, ça c'est mon côté romantique :-P
Mon côté pragmatique dira que c'est se confronter à une tâche qui forcément nous dépasse et qu'on essaye de faire au mieux. C'est exercer le plus beau métier du monde qui peut aussi être le plus navrant ou le plus terrible quand on a pas la vocation ou qu'on exerce dans de mauvaises conditions. C'est tous les jours avoir un environnement de travail hyper riche puisque ce sont les interactions avec les élèves.
C'est aussi des impératifs incontournables d'horaires, de travail de préparation, et des corrections qui peuvent pomper toute l'énergie et le temps quand on en a pas suffisamment (là par exemple j'ai des corrections que je devrais faire plutôt que d'écrire ce post :-/).
C'est mettre en forme ce que l'on sait, affiner sa connaissance, pour la rendre accessible à ceux qui ne la connaissent pas encore, c'est développer des stratégies pour leur permettre d'accéder à ces idées.
C'est enfin, c'est surtout, retirer la plus grande gratification de son activité par le lien que l'on a avec ses élèves.
Sachez reconnaître et apprécier par dessus tout ceux qui vous aiment et vous veulent du bien, il se peut que ce soit votre acte le plus essentiel. Alexandre Soljenitsyne.

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Le Ludoptère
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Le Ludoptère »

Bon, je n'ai pas exploré avidement les différents sujets relatifs à l'enseignement, bien que je les ai parcourus.

Je me permet de témoigner ici car, si je ne suis pas "prof", j'ai failli l'être, et il ne m'est pas impossible de repasser par cette case pour manger.

Je m'explique.

Comme le décrit W4x, j'ai moi aussi traîné en ligne plus ou moins droite (continue μ- presque partout) jusqu'en Master 1. J'ai tenté de passer le CAPES 4 fois. Trois fois j'ai été recalé à l'épreuve administrative préalable (confirmation de l'inscription - faut se souvenir de la date trois mois à l'avance, c'est pas évident). Je n'ai donc passé les épreuves écrites qu'une seule fois. Admissible à l'oral, j'ai fais n'importe quoi ce qui ne m'a pas permis d'être admis. Depuis, la réforme de "masterisation" de l'enseignement est passée par là, et je n'ai plus le prérequis pour passer le CAPES.

Mais déjà le doute m'habitait. J'ai eu l'occasion de travailler en tant que professeur de cours particulier, mais aussi de travailler en milieu scolaire en tant que personnel non enseignant (un genre de post d'éduc / surveillant en internat).

Aujourd'hui, je me pose encore beaucoup de questions autour de l'activité d'enseignant.

Je constate que :
- j'adore expliquer des choses. Je le trouve actuellement dans mon travail de deux manières : expliquer des jeux, et discuter de choses et discuter des choses ludiques avec les gens.
- j'adore bosser avec des gamins curieux et intéressés
- je trouve l’institution éducative française plutôt pourrie, tant dans ses moyens que dans ses objectifs, d'autant plus avec les mathématiques qui sont devenu un genre de "matière de sélection" : t'es bon en maths, tu va faire S et réussir ta vie, t'es nul en maths bah tu vas devenir une chiffe molle et faire un bac pro
- je ne me sens pas d'obliger à des gamins à rester assis, écouter les trucs que je dis si ça ne les intéresse pas, ou à faire leurs devoirs, sachant que moi-même je n'ai jamais fais ça (sentiment inconfortable du "fais ce que je dis, pas ce que je fais")
- en tant que branleur de "doué en maths", les trucs me viennent naturellement, donc les décomposer pour expliquer douze fois les même choses évidentes me parait difficile, surtout en le présentant à une "masse" d'élèves. C'est difficile au sens que je ne sais pas comment m'y prendre, pas que ça me saoule.

Du coup, le doute m'habite toujours, surtout quand, lors des repas de famille, j'explique un truc et qu'on me demande tout naturellement "mais pourquoi t'es pas prof de maths (ou prof de philo, c'est selon le sujet) ?".

Voilà, je rebondirai là dessus en fonction du déroulement de la discussion (et je suis fortement intéressé par les vécu des personnes qui ont / ont eu une expérience dans l'enseignement scolaire).

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Doonarrala
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Doonarrala »

Un grand merci à W4x d'avoir ouvert ce fil. :smile:
Je pense qu'enseigner est une chose très personnelle, autant qu'apprendre. Il y a de multiples façons d'apprendre et d'enseigner. Cela peut être du coup intéressant de croiser les regards au gré des témoignages, même s'il y a forcément des choses qu'on ne peut pas dire, parce qu'on n'en a pas forcément conscience, ou qu'on ne veut pas dire, parce que c'est justement trop personnel.
[tabs: Une vocation?]
Une vocation?

L'idée d'être prof, ou plutôt d'être institutrice, m'a habitée depuis l'enfance. Ma vision de l'enseignant était alors assez similaire à celle des livres de Marcel Pagnol, et je crois qu'en filigrane, il en est resté un peu ainsi. Apprendre à lire et à écrire aux autres était pour moi fondamentalement beau et juste, sachant à quel point ces deux choses étaient primordiales pour accéder aux connaissances ( aux livres, notamment, les livres que j'aime tant) et vivre en société - du moins la société que je connais.
Je ne sais pas si on peut vraiment parler de vocation, mais c'est tout de même quelque chose que j'ai gardé en moi pendant fort longtemps.
L'idée de devenir instit a perduré jusque dans mon adolescence, car contrairement à d'autres métiers qui m'attiraient (j'aurai aimé être éthologue/ océanologue), je pensais que celui-ci pouvait être à ma portée, à condition de travailler dur.

Le bac A1 obtenu, j'ai souhaité m'inscrire en fac de psychologie, pensant que cela pourrait m'aider à mieux comprendre les autres, et donc mes futurs élèves. De plus, j'ai toujours pensé qu'un enseignant devait être fin psychologue.
Mais j'en ai été dissuadée par la conseillère d'orientation et par ma mère, car, dixit, "filière bouchée" ne menant pas à l'enseignement. Après hésitation entre lettres Modernes et Anglais, j'ai opté pour l'anglais, ce que je n'ai jamais regretté. La Licence en poche, et l'année d'assistanat à l'étranger effectuée, j'ai décidé de tenter les concours.
C'est à ce moment-là que j'ai pris la décision d'abandonner l'idée d'être institutrice: à cause des mathématiques, dont j'ai absolument horreur tellement cela suscite des émotions négatives chez moi (peur, angoisse, colère, frustration...). Je ne me voyais tout simplement pas présenter un concours où il y aurait des maths. C'était l'échec assuré. Je ne m'imaginais pas enseigner des maths.
J'ai donc décidé d'être prof d'anglais et ai présenté le CAPES d'anglais. Persuadée d'avoir loupé les épreuves écrites, j'ai cherché un boulot au lieu de préparer les oraux. Évidemment, j'ai passé la barre d'admissibilité, et ai raté l'admission, car pas assez préparée. Cet incident est révélateur du peu de confiance que j’avais en moi et en mes capacités...cela a beaucoup joué sur ma façon d'enseigner les premières années.
Je n'ai pas commis la même erreur l'année d'après et suis devenue prof d'anglais. Du moins sur le papier...
Il m'a fallu quelques années pour vraiment trouver ma place dans ce métier et prendre conscience à la fois de mes faiblesses, de mes forces, de mes limites, de mes possibilités/capacités, et des valeurs que je souhaitais développer, en tant qu'enseignante.

[tabs:Débuts ]
Débuts dans le métier

Ce qui m'a posé le plus de problème à mes débuts, c'est la gestion d'un groupe d'êtres humains. J'ai toujours évité les groupes. Je crois que l'une des raisons est que j'ai toujours eu le sentiment de m'y perdre en tant qu'individu. Du coup, mon expérience de la vie de groupe était limitée à des observations plutôt qu'à un vécu étayé. De plus, faire partie d'un groupe et en être le responsable désigné, ce sont deux choses différentes. Et maîtriser des groupes de jeunes adolescents, tous extrêmement différents, avec en leur sein des relations interindividuelles complexes, m'a laissée longtemps démunie. Il a fallu apprendre, par essais et erreurs. Cet apprentissage est d'ailleurs toujours en cours.

De mes débuts, je me souviens de mes angoisses à l'idée de ne pas réussir à canaliser ma classe, et amener les élèves dans la direction souhaitée, à commettre des erreurs qui entraveraient leurs progrès et leur motivation, à ne pas être capable de préparer des cours adéquats.... Je me sentais submergée par le nombre de choses qu'il me fallait apprendre à maîtriser en même temps, dans un temps extrêmement réduit.
A l'époque, j'essayais de suivre les modèles proposés, même si je les sélectionnais en fonction de mes ressentis et de ce que je sentais me correspondait le mieux. Mais dans l'ensemble, je cherchais une recette. La recette du bon prof. La recette du bon cours. Évidemment, aucune ne me convenait vraiment et ne marchait vraiment, aussi j'ai pris conscience, progressivement, que je devais les adapter à mon mode de fonctionnement ainsi qu'à celui de mes élèves. Il m'aura fallu globalement 3-4 ans pour le comprendre et m'éloigner progressivement des modèles proposés (pour ne pas dire imposés).

[tabs:Maturation]
Une lente maturation: apprendre à connaître l'enseignant qui est en nous

Progressivement, j'ai modifié ma façon de travailler et je peux dire maintenant, au bout de 12 années de carrière, que j'ai véritablement développé un mode de fonctionnement qui m'est propre, et qui continue à évoluer de façon constante. Je ne suis plus de manuels, je ne suis plus de modèles, mais je développe mes propres modèles et activités en fonction de mes idées et de ce que je perçois des élèves. Je m'inspire aussi du travail réalisé par d'autres enseignants, mais le modifie de sorte que cela soit compatible avec les besoins de mes élèves et les miens. Tout part de mes observations. Je construis mes cours en fonction de ce que je perçois, en fonction de mon expérience (ce qui a déjà marché, dans quel contexte, pour quelles raisons, etc), et en fonction de ce que j'apprends au gré de mes lectures.

Ce dont je me suis rendue compte, c'est que je fonctionnais de façon optimale en suivant mon instinct. Je "sens" ma classe dès que je me trouve devant elle. Si je "sens" que telle activité planifiée ne fonctionnera pas bien, mais qu'une autre se prêtera mieux à leur humeur, à leur état d'esprit du moment, je modifie sur le champ et à la volée ce que j'avais prévu, sans pour autant nuire aux objectifs que je me suis fixée, et suis l'idée qui me vient alors à l'esprit (souvent des idées d’activités que j'élabore dans l'ici et maintenant...et que j'ai le malheur d'oublier si je n'ai pas le temps de les noter sur l'instant). A bien réfléchir, je me dis que mon enseignement est très ancré dans l'émotionnel.

Finis les préparations de cours apprises à l'IUFM, où il fallait tout rédiger sur papier, avec une mise en forme précise, préparer à l'avance toutes les activités, dans les moindres détails, et suivre les consignes sacro saintes (jamais plus de 7 séances par séquence, suivre une progression linéaire et prédéfinie, etc) avec en tête un élève type. J'ai progressivement arrêté de travailler de cette façon lorsque je me suis rendue compte que je ne suivais jamais l'enchainement prévu car je m’apercevais en classe qu'un autre cheminement était nettement plus adapté à ce que je percevais dans ma classe. Je prépare mes activités au préalable, en ayant en tête les particularités de mes élèves, mais me laisse la liberté de changer comme je le sens leur progression ou leur utilisation. Je n'ai jamais autant d'idées qui me viennent que lorsque je suis devant mes élèves. Ils sont ma source d'inspiration.
Ce mode de fonctionnement au travail ne me facilite cependant pas la tâche pour travailler avec certains de mes collègues, qui peuvent me percevoir comme fantasque, voire fumiste. J'espère ne pas l'être; je réfléchis beaucoup à ce que je fais, même si je suis mon instinct. Le temps gagné à ne pas tout rédiger à l'avance, je l’utilise pour actualiser et approfondir mes connaissances grâce à des lectures.

Quant à mon rapport avec les institutions, notamment les programmes...eh bien j'ai décidé rapidement que je ne les suivrais pas jusqu'au bout. Après mon année de stage, je me suis retrouvée dans le Pas de Calais, dans un établissement fréquenté par de nombreux élèves en difficulté, issus d'un milieu social défavorisé. Du coup, j'ai été rapidement confrontée à la réalité du terrain et à la prise de conscience que les programmes étaient faits pour un "élève modèle", figure évanescente dans l'institution scolaire, mais pas pour les élèves que j'avais en face de moi. Et à choisir entre programmes à respecter ou élèves à respecter, j'ai opté pour les élèves. Je suis donc le rythme de mes élèves; pas celui imposé par les programmes. Je suppose que chaque enseignant se trouve confronté à ce choix et décide du ou des compromis qu'il veut faire.

Je n'ai de fait jamais accepté de laisser des élèves sur le côté. Je crois qu'on est forcément marqué par notre vécu en tant qu'élève, notamment par les injustices subies/ vécues, par l'idéal du métier que l'on se crée au fil des enseignants qui ont marqué notre scolarité, en positif ou négatif. Dans mon esprit, l'enseignant idéal (celui que je veux être) porte de l'attention à tous ses élèves, et se montre bienveillant avec eux, tout en étant ferme "quand il faut". J'ai encore du mal avec le "ferme quand il faut" d'ailleurs. Ce qui nous semble juste et approprié à chaud ne l'est plus forcément après coup... à froid.
Personnellement, je me suis sentie très négligée dans ma scolarité, à de rares exceptions près. J'avais le sentiment de ne pas exister aux yeux de mes professeurs, et j'en ai souffert. Je fais donc mon possible pour porter de l'attention à tous mes élèves. Et ce n'est vraiment pas simple à réaliser, dans des classes chargées, avec des profils et des personnalités si différents.
C'est cette volonté de prendre en compte les besoins de chacun qui m'a menée à m'intéresser aux élèves ayant des troubles des apprentissages, mais aussi aux élèves HPI, autistes, etc. Comprendre de quoi il retourne, intégrer toutes ces données, comprendre les répercussions sur les apprentissages, le comportement, et les attitudes (dans le sens psychologique du terme) des enfants concernés, élaborer des stratégies pour les aider, contourner les difficultés, etc. s'est révélé être, et est encore ! un défi de tous les instants.

Je suis maintenant arrivée à un stade que je considère être celui de la maturation pédagogique. J'ai toujours conscience de tout ce que je dois encore apprendre, mais je me fais davantage confiance, dans mes choix, mes idées, mes ressentis. Fait nouveau, je commence à vraiment comprendre ce vers quoi je souhaite tendre. J'ai une vague idée de la façon dont je dois m'y prendre. Je sais quels domaines j'aimerais explorer pour nourrir mon intellect et orienter mes idées.
Je trouve qu'enseigner est une lente maturation. C'est quelque chose de très personnel. J'aime le fait que cela soit en perpétuelle évolution. Enseigner, c'est être confronté au vivant. S'adapter est indispensable.

Je vis mon métier avec les tripes. Il me passionne et m'interroge constamment. Je le perçois de plus en plus comme un métier d'aide et d'accompagnement.
J'ai découvert il y a peu un fil conducteur à toutes mes passions: j'aime observer, repérer les besoins, assembler les données, et modifier l'environnement pour combler ces besoins.
Pour percevoir les besoins de l'autre, il faut essayer de voir le monde à travers ses yeux; penser comme l'autre. C'est ce qu'on fait aussi quand on apprend une langue: on intègre les schémas langagiers et le mode de pensée inhérents à la langue cible. C'est une chose que j'aime particulièrement faire, même si j'en perçois aussi les limites et les écueils possibles.

[tabs:Décalage]
Décalage croissant avec le système

Plus j'évolue dans mon métier, et assois ma vision de l’enseignement, plus je ressens de la frustration envers le cadre et les limitations imposés par l’institution scolaire. Je ne peux pas modifier mon travail plus en profondeur sans pouvoir modifier mon environnement de travail. J'aimerais par exemple repenser ma salle de classe pour utiliser les méthodes Freynet, ou du moins m'en inspirer pour créer ma propre sauce pédagogique, mais je ne le peux pas, faute d'espace. Je ne peux pas pousser les murs, rajouter des étagères, des bibliothèques...vraiment adapter ma salle de classe aux besoins de mes élèves.

A vrai dire, j'en ai assez de l'enseignement de masse. J'en ai assez de voir et sentir les effets de la pesanteur du système et ses incohérences.
J'en ai assez de sentir le décalage croissant entre les valeurs professionnelles que j'essaye de développer, et celles prônées par l'Institution scolaire, qui ne correspondent pas à la réalité du terrain (ou plutôt, de mon terrain...ma perception est forcément limitée à mon vécu personnel).
J’aimerais être face à une institution qui encourage l'innovation, facilite la mise en place des projets, et prenne plus en compte les besoins humains. Actuellement, c'est exactement l'inverse qui se produit.

[tabs:Pédagogie]
Mes orientations pédagogiques actuelles

Depuis 2006, l'enseignement des langues a subi une mutation: nous devons travailler sur projets, et sur les compétences du CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues). Il s'est avéré que ce mode de travail par projet me correspondait totalement, et je trouve que dans l'ensemble ce positionnement pédagogique est plutôt positif pour les élèves, qui perçoivent mieux le sens de ce qui leur est proposé (ou plutôt imposé).

J'ai été très influencée dernièrement par Sir Ken Robinson et François Taddei. Leur vision de l'enseignement et de l’Éducation fait écho en moi.
Depuis 2 ans, je m'efforce d'intégrer davantage l’élément de créativité dans mes cours, tout comme celui du choix. A mon sens, on est plus investi dans ce que l'on fait si on a choisi de le faire, et si l'on peut s'approprier ce que l'on fait (j'ai découvert récemment les travaux autour de la psychologie de l'engagement, et ça tombe pil poil dans ce cadre).
Ainsi, j'essaie de faire comprendre à mes élèves que le cadre donné doit être respecté à la lettre (= les consignes avec les objectifs donnés), mais qu'il est important qu'ils soient capables d'aller au delà et de fournir un travail personnel et personnalisé.
Pour vous donner une idée de ma façon de travailler, je propose des "missions" à réaliser aux élèves. En début d'année, les "missions" sont balisées, puis l'élément du choix entre progressivement en compte.
Exemple: En début d'année scolaire, je demande à mes élèves de 6e de se créer une nouvelle identité. Je les mets en contexte en leur disant qu'ils doivent prendre l'avion pour partir en vacances et qu'ils doivent au passage se présenter au douanier (objectifs : apprendre à se présenter, à donner son nom, âge, nationalité, et pays). Ils doivent réaliser une carte d'identité qu'ils devront tendre au douanier pour se présenter. Pour cette séquence, le choix est limité, voire inexistant. Par contre, ils peuvent jouer sur leur imagination.

Plus tard, dans l'année, je leur demande de raconter une journée dans la vie de quelqu'un (objectifs: parler en continu de quelqu'un; raconter une série d'évènements habituels à l'écrit ou à l'oral au présent simple).
1) Ils doivent choisir la personne dont ils raconteront la journée (réelle ou fictive)
2) Ils peuvent utiliser le support de leur choix (papier ou numérique), raconter leur histoire sous forme d'une BD, d'un journal intime, d'un clip vidéo, etc.
De mon côté, je m'engage à m'adapter à leurs choix, pour peu qu'ils respectent le cadre que je leur donne ainsi que les objectifs. Nous élaborons ensemble le barème, avant la réalisation de la tâche finale, pour que le contrat soit clair pour tout le monde.
Je les autorise aussi à choisir de travailler seuls ou en groupe (2 élèves maxi cependant, car sinon cela me complique trop la tâche pour l'évaluation).

La séquence est entièrement construite autour de la mission. Je leur donne progressivement les outils et les aides pour pouvoir la mener à bien (leçons sur les points de grammaire à maîtriser, champ lexical, outils méthodologiques, activités d'entrainement, etc). J'évalue également l'acquisition des connaissances en cours de séquence (évaluations classiques), et la tâche finale me permet de voir s'ils parviennent à se les approprier pour réaliser concrètement quelque chose. C'est là que j'ai le plus d'écueils. Poussés par leur enthousiasme, ils sautent des étapes, vont trop vite sur certaines choses (ou alors c'est peut-être moi...), etc...et sur le plan du contenu (= la communication en langue anglaise), le résultat final peut être décevant (charabia, franglais, etc).

Dans l'ensemble, je trouve mes élèves bien plus motivés qu'avant. La collègue documentaliste m'a dit récemment qu'elle voyait régulièrement des élèves au CDI qui travaillaient leur anglais. Quasiment à chaque fois qu'elle demande le nom de leur professeur, mon nom est mentionné. Des élèves en grande difficulté se prennent au jeu et me rendent un travail. Je n'arrive pas à les aider à progresser vraiment, car pour cela il faudrait que je puisse les prendre à part pour mettre en place des aides plus spécifiques et ciblées, et faire du "mentoring" (travailler sur leurs points forts pour les aider à sortir de la spirale infernale de la mésestime de soi et de l'échec), mais ils semblent prendre plaisir à suivre les cours et s'investissent à leur manière. Je crois que c'est le point qui me procure le plus de satisfaction.
Quant aux élèves HPI, j'espère qu'ils parviennent à y trouver un peu leur compte, malgré le fait que le rythme de la classe soit encore trop lent pour eux. Ils auraient eux aussi besoin que je puisse les mettre ensemble pour leur permettre d'avancer à leur rythme. C'est un problème que j'essaye actuellement de résoudre. Du moins, la réflexion est en cours.

Sinon, j'essaye également d'intégrer de plus en plus dans mes cours les TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l'Enseignement). Je fournis aux élèves, sur le cahier de texte numérique, des liens vers des activités ludiques leur permettant de travailler les points étudiés. Je leur fais utiliser des outils comme le Wallwisher (maintenant appelé Padlet), et leur prépare des activités numériques complémentaires qu'ils peuvent faire chez eux, en autonomie (souvent, cela leur fournit un exemple de ce que j'attends).
Personnellement, j'adore cet outil. :)
Je mets aussi à disposition des élèves des enregistrements audio des mots ou expressions à mémoriser, afin qu'ils puissent apprendre leur prononciation.
Bref, les outils numériques permettent vraiment d'enrichir les cours et j'y vois un énorme potentiel pédagogique, notamment dans l’individualisation du suivi.

[tabs:Là où le bas blesse...]
Là où le bas blesse...

Ce sont les doutes constants. Je ne sais pas si je parviens vraiment à donner un niveau suffisant à mes élèves en anglais. Je sais que je parle trop français en classe actuellement; peut-être que mes élèves ne sont pas assez confrontés à la langue, notamment orale. Je ne parviens pas à évaluer l'impact que mes choix pédagogiques ont sur les élèves du point de vue de leurs connaissances et apprentissages. Et à vrai dire, j'ai du mal à évaluer tout court, que ce soit le travail de mes élèves ou le mien.
J'ai souvent l'impression d'avancer à l’aveuglette et de jouer à "l'apprenti-sorcière".
Enseigner, c'est à mon sens vraiment un tâtonnement permanent.

Et il y a ce problème insoluble du vécu des élèves, parfois très dur, parfois entravant. Leur contexte familial, social, qui les tire vers le bas, et contre lequel on ne peut lutter. Souvent, je me sens démunie et découragée. Révoltée aussi. Et très, très impuissante. C'est le revers de la médaille à vouloir être proche des élèves, à vouloir "voir à travers leurs yeux", à fonctionner sur le mode empathique...émotionnellement, on s'en prend plein la figure.

Je supporte également de moins en moins les entraves institutionnelles et l'hypocrisie de la politique éducative actuelle.

[tabs:Conclusion]
Conclusion

Pour moi, enseigner dépasse le cadre de la transmission des connaissances. C'est aussi une transmission de valeurs humaines. C'est aider l'autre à se construire personnellement et socialement. Du moins, c'est aider l'autre dans son processus de construction, à un moment donné. Le processus de construction de l’individu ne cesse jamais en fait. L'aide est ponctuelle, éphémère sur l'ensemble d'une vie, mais elle peut être aussi déterminante (hélas, pas seulement en bien...enseigner est une lourde responsabilité). Enseigner et éduquer...à ma connaissance il n'existe pas de mot qui intègre ces deux notions de façon conjointe. Dans mon esprit, pourtant, cela ne fait qu'un.
Je vois aussi de plus en plus mon rôle d'enseignant comme une forme de catalyseur: aider l'autre à développer son potentiel, quel qu'il soit.
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par W4x »

Beaucoup de choses m'interpellent dans ton témoignage Doonarrala, et je me reconnais dans bien des aspects que tu évoques.

Sur un plan un peu plus personnel je souhaite rajouter quelques observations. La pratique du métier m'a fait découvrir (ou peut-être déterrer) un pan de ma personnalité que je ne soupçonnais vraiment pas.
Je suis d'un naturel plutôt calme et introverti, pas spécialement sociable ni disert. Il a bien fallu me rendre à l'évidence, dès mon année de stage mais surtout lors de ma première année de titulaire en banlieue parisienne, que je devais sortir de cette réserve. J'en suis sorti d'une part de par le plaisir que j'ai à enseigner, et donc par l'enthousiasme que je mets à la tâche : je parle sans cesse, gesticule, déambule dans la classe etc. ; et d'autre part à cause du constant et nécessaire travail de maintien de l'ordre qu'il me faut assumer. Lors d'une de mes premières heures là-haut avec une classe de 3e complètement frappés, je me suis vu de dessus, sur fond de bordel ambiant et je me suis dit "c'est eux ou moi". Très binaire certes mais je crois que la gueulante que je leur ai envoyée a fait que je suis encore dans le métier aujourd'hui. Et jusqu'à ce moment-là je ne me soupçonnais même pas ce genre de ressources.
6 ans après j'ai quand même ajouté quelques nuances à ma palette, mais il demeure que je suis complètement différent en classe et en dehors.

Sur le plan didactique j'ai rapidement évolué aussi. Je fais l'effort de revoir mes activités d'une année sur l'autre, en fonction de ce qui a plus ou moins bien marché, j'essaie de fabriquer de temps à autres du contenu nouveau au fur et à mesure que j'intègre les difficultés propres à chaque notion : les élèves ont ça de bien que d'une année sur l'autre ils éprouvent toujours les mêmes difficultés dans les mêmes chapitres ^^ Il est vrai que je joue pas mal sur la corde affective, empathique, et que cela m'aide souvent à me mettre à leur place, que ce soit pour une difficulté d'ordre technique ou plus généralement liée à l'institution. J'adapte ma posture, mon vocabulaire, mon discours presque au cas par cas quand j'ai l'occasion de pouvoir m'occuper d'un élève individuellement. Evidemment cela a, dans une certaine mesure, les défauts que tu évoques... Mais je dirais qu'aujourd'hui je me sens globalement à l'aise, je peux aller (parfois) bosser sans avoir rien préparé :angel: car sans notes je sais ce que j'ai à dire, et au pire si j'ai oublié mon texte c'est l'occasion de se détendre un peu le temps que je trouve^^

Enfin, tout comme toi je me sens tout de même très prisonnier d'une institution rigide et poussiéreuse, avec ses obligations, ses codes et son politiquement correct. Je prends des libertés avec le programme dont je sais qu'elles pourraient m'être reprochées si je tombais sur un inspecteur tatillon (ce qui ne m'est jamais encore arrivé), tout comme je pourrais tomber un jour (là encore ce n'est jamais arrivé) sur un chef d'établissement dirigiste et fermé au dialogue. De même, je me sens bien désarmé face à des élèves en perdition totale (et parfois aussi leurs parents), qui nécessiteraient un enseignement adapté et qui pourtant traîneront leur échec jusqu'à leurs 16 ans sans qu'on n'y ait pu faire quoi que ce soit d'utile.
D'autres jours, je me dis que je serais bien en peine de justifier de l'utilité de tout cela, ou que je serais bien hypocrite d'essayer de le faire, à des élèves qui me demanderaient "à quoi ça sert?"... disons que c'est peut-être dû à certaines parenthèses existentielles^^

Je pense cependant que ce qui me pèse le plus actuellement est la surcharge des classes, tant pour moi que pour les gamins. Conséquence directe des suppressions de postes, je ne l'apprendrai pas aux enseignants ici mais peut-être aux autres, le seuil actuel est à 30. Ce ne sont ni nous ni les chef d'établissement qui décident... cela signifie concrètement qu'avec 149 élèves en 6e par exemple, on fait 4 classes de 30 et une classe de 29... si l'on a la chance d'en avoir 156 par exemple, on nous fera peut-être la faveur de moyens supplémentaires pour faire 6 classes de 26 seulement. Je passe sur le fait que les élèves d'ULIS (en situation de handicap) et non-francophones y sont parfois intégrés, mais ne "comptent" pas pour l'administration ! Ou comment dépasser ce seuil des 30, avec parfois pas assez de chaises pour tous :fubar:
Outre le fait qu'avec la meilleure volonté et les élèves les plus sympa 30 ce n'est pas gérable, j'ai ressenti la différence cette année : j'ai retrouvé cette année des élèves que j'avais l'an passé dans une 6e surchargée, qui étaient complètement étouffés, médiocres et désintéressés du système, complètement transformés dans le travail et l'attitude dans une 5e à 25... le constat est aussi rapide que flagrant.

Quoi qu'il en soit, le métier m'a fait évoluer, révéler ou redécouvrir certains aspects de ma personnalité et j'entends bien continuer ainsi un moment encore même si je ne ferai peut-être pas carrière toute ma vie, tant que cela m'apporte et que je peux apporter aussi.
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elsaada
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par elsaada »

W4x a écrit :Il est vrai que je joue pas mal sur la corde affective, empathique, et que cela m'aide souvent à me mettre à leur place, que ce soit pour une difficulté d'ordre technique ou plus généralement liée à l'institution. J'adapte ma posture, mon vocabulaire, mon discours presque au cas par cas quand j'ai l'occasion de pouvoir m'occuper d'un élève individuellement.
A ce sujet, j'aimerais partager une réflexion que j'ai en ce moment, en lien avec cette idée d'empathie.

Je ne suis pas enseignante mais j'ai donné des cours de français dans une école privée quand j'étais encore en Suisse et maintenant, je suis assistante de français en Irlande du Nord. Je travaille dans trois établissements différents, un collège pour filles où j'ai des groupes de 2-3 élèves adolescentes, un centre de formation continue pour adultes où je prends en charge des demi-classes et une école pour enfants handicapés (plusieurs types de handicap psycho-moteur), là ils sont 5-10 par classe, et ont de 10-15 ans.
Dans cette troisième école, ils apprennent seulement les toutes toutes premières bases; compter jusqu'à 10, mois de l'année, dire son prénom... Quand je suis arrivée ici je parlais très mal anglais. Du coup, moi aussi j’avais un handicap. Autant eux ne parlent pas le français, autant ils se sont rendu compte que par rapport à un autre domaine d’expertise, la langue anglaise en l’occurrence, je n’étais pas à leur niveau et même plus, ils avaient des choses à m’apprendre. Comme j’ai eu l’impression que ça facilitait grandement le contact et le rapport avec les élèves, j’ai essayé de calquer ça dans mes deux autres écoles. D’une part, je leur demande assez souvent de m’aider quand je parle anglais (si je ne trouve pas un mot, ou autre) et d’autre part, j’ai axé les cours sur leurs passions, leurs hobbys, en gros tout ce en quoi eux sont experts et moi non. Quand ce n’est pas possible, j’essaie de rester ouverte à ce qu’ils sont, à leur individualité.
Au lycée, j’avais un prof de français que je n’aimais pas du tout, pour deux raisons. Premièrement, je n’arrivais pas à le respecter, il était toujours en retard, il mettait trois plombes à corriger les travaux et j’avais l’impression qu’il ne maîtrisait ni sa matière, ni ses cours. Deuxièmement, il avait l’air de nous trouver tous stupides, dans son approche il y avait un côté un peu éduquer la jeunesse aux choses de l’esprit mais en se plaçant toujours en position de force. Par exemple, pour une bonne analyse, une bonne idée, c’était le genre à dire : « Oh oui bravo c’est très bien ! » mais dans le ton, dans la manière, on entendait : « C’est bien débile tu progresses. » Il n’était pas du tout ouvert, pour lui, quelque chose venant d’une personne plus jeune ou moins expérimentée que lui était forcément inintéressante. Je me souviens d’une fois où il avait dit : « Quand on a des problèmes psychiques, comme la schizophrénie par exemple, on va chez le psychanalyste ». J’ai levé la main pour lui signaler son erreur mais il l’a pas reconnue, et il ne l’a jamais fait par la suite alors que je suis sûre qu’il a du se renseigner après (ou du moins, je l’espère pour lui).
Donc pour conclure, je pense qu’un bon prof c’est à la fois quelqu’un qui maîtrise vraiment sa matière, quelqu’un de réellement intéressé à ce qu’il fait, mais qui n’adopte pas une posture de toute-puissance, au contraire. Je crois qu’il faut toujours se rappeler que l’élève a plein de compétences dans d’autres domaines que le nôtre, qu’il maîtrise forcément beaucoup de choses même si c’est en-dehors du savoir scolaire (ça peut être n’importe quoi, un sport, les séries télés américaines, la musique…) et qu’en s’y intéressant, réellement et sans condescendance, on crée de l’échange. Et ça passe mille fois mieux d’apprendre, quand il y a de l’échange. L'élève ne se sent plus stupide, il se sent comme une personne intéressante profitant de l’expérience d’une autre personne intéressante pour élargir son champ de connaissances. Ca peut paraître idéaliste mais j’ai l’impression que tant avec des gamins qu’avec des ados ou des adultes, ça marche.

Bon, il y a des limites. Justin Bieber, j’avoue, même en essayant de m’ouvrir au maximum je peux pas. :D1

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Doonarrala
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Doonarrala »

J'aimerais partager un article découvert récemment, car je trouve qu'il s'insère bien dans le sujet de ce fil, qui est à la base une réflexion sur sa vision de l'enseignement, et donc aussi sur son identité en tant qu'enseignant, tout comme celui du thème du forum (une démarche réflexive professionnelle peut mener en quelque sorte aux mêmes sentiers rocailleux que ceux empruntés par les personnes à haut potentiel: la tendance à remettre en cause les visions consensuelles):
Assumer une identité réflexive

Philipe Perrenoud, sociologue de formation, professeur honoraire à l'Université de Genève, s’est particulièrement intéressé au monde de l’Éducation. Il partage ici une partie de sa réflexion sur la construction d'une forme d'identité professionnelle des enseignants, et la manière dont celle-ci s'élabore sur le plan individuel, pour finir par donner des pistes susceptibles d'encourager ce type de développement professionnel.
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babouch

Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par babouch »

Je n'ai pas vraiment tout le lu (enfin quand même le premier post ^^) et je ne suis pas encore enseignante (mais ne désespère pas de l'être bientôt) mais mon stage 3 semaines m'a quand même permis de découvrir plusieurs choses.

Comme la psychose autour de la sécurité, il faut que tout soit prévu que tout soit calculé, aucune place à l'improvisation ( ex : évacuation de bus des la maternelle, préparation au tremblement de terre, préparation en cas de nuage nucléaire...) et cela m'a réellement surprise pas que c'est mal de vouloir des mesures de sécurités mais tout ça me faisait ressentir un sentiment d'insécurité à l'école, alors que quand j'étais petite pour moi l'école était un élément sur et où j'étais en sécurité.

De plus le mélange des élèves handicapés ( mental) et non handicapés n'étais pas des plus facile ( stage en école unique de plus) car entre les différences de niveau rien que dans une classe normale sont importante et que ne l'on peut pas être au petit soin pour chacun, alors quand un élève demande une attention particulière cela est difficile à lui accordé de plus l'évaluation n'est pas au même niveau, les attentes ne peuvent pas être les même...

Il y a également le manque d'implication de certains parents pour les devoirs ( pas tous et peut être cela à toujours était...) ma quelque peu agacé, comme un élève qui viens à l'école et dit à la maitresse : " Maitresse, faudra que vous me fassiez faire mes devoirs, car ma maman ELLE elle travaille" donc je trouve qu'il y a peu de considération pour les enseignants comme si tout était prêt, que l'on n'avais rien à faire et en plus de quoi se plaint-on on a les Vacances ( certes mais qui s'en plaindrais ? ^^)

ça et tant d'autre chose qui m'ont surprise mais je crois m'être éparpiller ^^ fortement désolé mais je voulais savoir si d'autre partager cet avis que parfois on ne se rend pas bien compte du métier tant que nous ne l'avons pas expérimenté...

Cependant certaines choses m'ont extrêmement plus comme lorsqu'un élève à compris ce qu'on lui expliquais au bout d'un certain temps ( dans ces coup de temps la on ferai presque un tour de stade avec le tee-shirt sur la tête comme les joueurs de foot ;) ) et la fierté que certains élèves épprouve lorsqu'ils réussissent cela m'apporte une grande joie et le partage de la connaissance font que ce métier me plait...

Alors enseigner, c'est le plaisir de partager la connaissance, cette fierté que l'on a lorsque l'on réussit quelque chose que l'on penser difficile, donner de l'espoir pour plus tard et essayer de faire aimer la vie en général, d’éveiller la curiosité de certaines et d'encourager ceux qui n'aime pas à se motiver pour faire ce qu'ils veulent plus tard ...

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PointBlanc
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par PointBlanc »

J'enseigne depuis quinze ans dans le même établissement du fin-fond de la Seine-et-Marne ; il n'est ni facile, ni difficile. C'était pourtant dur les premiers temps : j'étais loin de Paris, où je voulais vivre à l'époque ; je n'avais aucun sens de l'autorité. J'ai connu des débuts comme il y en a beaucoup.

Plus tard il arrive un moment, je crois, où il faut redouter la facilité : j'en suis là. Les mauvais jours - ou plutôt les jours un peu tièdes, disons, comme aujourd'hui, où je rentre chez moi sans que le feu ait pris, où les choses, simplement, se sont faites, sans enthousiasme, sans trop de résistance non plus - je m'aperçois que je me répète, qu'insensiblement je parle de plus en plus - ou bien c'est que je prends conscience de tant parler et je ne le supporte plus.
Donc je rentre chez moi et je me fais de faux procès.
Je me retrouve à la place de cette élève de quatrième à qui j'expliquais il n'y a pas trois heures que quand on écrit on doit s'interdire ces jugements à l'emporte-pièce qui pétrifient et reviennent en fait à se juger soi-même ; que l'idée d'il y a deux jours n'est pas forcément moins bonne que celle d'il y a dix minutes parce qu'elle est déjà vieille et l'autre neuve. Ainsi de suite. Je passe mon temps à dénoncer des raccourcis et des biais de perception dont je suis constamment coupable. Moi aussi je foutrais bien tout au panier par déception, alors qu'il n'y a pas de raison, que peu ou prou ça marche, que je suis le seul à me plaindre.

C'est tout ce que j'aime dans ce métier : cette évidence que rien au fond ne me distingue de mes élèves, sinon pour cette fragile certitude que je suis légitime à leur enseigner. Ma paresse vient du même endroit que la leur ; mes doutes ne sont pas d'une autre nature. J'essaie d'être franc avec eux là-dessus : je crois important qu'ils me voient me tromper et reprendre, me tromper et reprendre, l'admettre, ne pas faire semblant de ne jamais avoir été en tort. Je tâche de me montrer patient sans jamais cesser de rappeler ce que je suis en droit d'attendre. Et je suis heureux quand ils y arrivent, heureux aussi, au fond, quand je me trompe, comme aujourd'hui donc - puisque mes erreurs sont une occasion de mieux cerner les leurs - tout comme les leurs m'offrent souvent de mieux cerner les miennes.

Je n'avais pas prévu d'enseigner : il fallait manger, j'avais fait lettres, je n'avais pas beaucoup de choix, pas vraiment non plus le courage de chercher ailleurs. Je répète un peu trop souvent que ce métier m'a beaucoup appris : je ne sais pas si je le pense vraiment, si je me console par là de n'avoir pas couru le risque d'apprendre autre chose, autrement. Je sais en revanche que ces questions ne ressurgissent pas au hasard et n'importe quand, seulement les jours ternes. Le reste du temps je n'ai pas de raison de me les poser.
Vous qui vivez qu'avez-vous fait de ces fortunes ?

Lmh
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Lmh »

prof de maths depuis 28 ans.... 1 année en collège (la première ) puis 27 ans en lycée dont 21 dans le même.
Je fais ce métier par passion... c'est une vocation.
J'utilise toutes les facettes de l'enseignement en groupe, la dynamique du groupe...tout en connaissant chacun de mes élèves.... Apprendre tout seul ce n'est pas facile, apprendre en groupe c'est génial si c'est bien géré.
J'ai toujours un peu de mal à dire en mots ce que je suis capable de faire dans la réalité.
Ma première préoccupation, c'est d’instaurer un climat de confiance. ... je n'y arrive pas toujours mais presque.... une fois la confiance installée, nous pouvons travailler ensemble.
Ma seconde préoccupation c'est de faire comprendre que l'erreur est la brique constructrice du savoir. Donc réjouissons nous de faire des erreurs ensemble: lecture, calcul, raisonnement ... j’essaie de dresser une sorte de catalogue fictif avec les élèves et puis aussi de dédramatiser...
Et puis ensuite la construction de l'évaluation... essayer de faire comprendre que le but d'un apprentissage n'est pas une note chiffrée mais une ouverture vers autre chose....
Je suis également musicienne, passionnée par l'art du piano, pianiste amateur , dingue de piano... je me nourris de musique , de piano. J'adore mes heures de travail au piano...
Mon enseignement des mathématiques est bâti comme un apprentissage instrumental : technique et interprétation, les deux étant indissociables, mais parfois il est nécessaire de faire des exercices techniques seuls .
je travaille depuis de nombreuses années avec des terminales S. Pour moi , la mise en condition pour passer le bac est comme de préparer un orchestre à interpréter une œuvre... je suis le chef d'orchestre ...
je pourrais disserter de heures sur le sujet...

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Chacoucas
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Chacoucas »

Intéressant. Pour ma part j'ai comme PointBlanc été prof un moment par nécessité, en Lettres aussi. Meilleure expérience professionnelle que j'ai eue à ce jour pour rester honnête. Le contact permanent avec les élèves et la jeunesse est très agréable et enrichissante, et transmettre un savoir un goût ou des bases de réflexion est... disons naturel mais aussi un des plaisirs de l'existence, surtout si on aime apprendre, soi même. La transmission fait partie de l'apprentissage. Peut être pas le même domaine exactement, mais les deux se complètent et se cimentent.

Par contre, en tant qu'élève peu motivé par les cours de mon temps, et d' autant plus "braqué" si le prof concerné avait décidé de se "battre" pour que je travaille, je n'ai tout simplement jamais pu répondre à un élève me disant "de toute façon je suis là parce que je suis obligé, ça ne m'intéresse pas". Impossible pour moi de tenter de lui transmettre les valeurs de l' humanisme ou de la littérature dans ces conditions qui me semblent simplement antinomiques. Et ma conception de l' apprentissage ou du savoir passe par l'idée qu' en soi, seul le désir est constitutif de la réussite dans un projet d'apprentissage. Et quelques ressources, évidemment. Peu importe le prof, le livre, les moyens, l'indice forcément subjectif du "passionnant" de la matière, j'ai toujours équilibré mon inattention en cours par une lecture rapide du manuel la veille d' un contrôle, appris des trucs qui m' intéressaient de manière quasi exclusivement extra scolaire. Il me parait insensé de penser que je puis aider à réussir un élève hors des méthodes qui me correspondaient. D 'autant plus si ils ont un peu le même profil d'"ennuyés chroniques". J' ai donc "lutté" contre moi même et mes convictions, en collège/lycée.

Un autre aspect positif était de vérifier ce que certains professeurs m'avaient dit (que j' estimais relativement puisqu' ils me laissaient être inattentif et faire les choses plus ou moins à ma manière): "Il te faudra travailler si tu passes derrière le bureau un jour, on devient pas professeur facilement" (d' autant plus marquant que le métier m' attirait pas, étant ado), ou "un jour tu seras peut être prof et tu comprendras mieux ce qu' on t' explique (quant à 'l intérêt de faire des efforts, l' importance de l' école ou ce genre de thèmes)". Ben oui j'ai vu qu'il fallait travailler. Mais en l' occurrence c'est moins intéressant que d' apprendre, s' organiser pour les corrections, les devoirs, les réunions et caresser tout le monde dans le sens du poil. Donc l'intérêt existentiel ou humain de la chose reste somme toute assez anecdotique au sens de l' ado que j' étais. Et il s'avère que j'ai été incapable de comprendre, au contraire j'ai fini par voir un aspect que je soupçonnais mal mais qui m'a choqué. La politique administrative concernant la gestion du flot de nouveaux étudiants chaque année, les quotas, le rôle sélectif des notes, les pressions que le système scolaire fait subir aux élèves en les convaincant qu'ils ne sont pas faits pour telle ou telle filière... Et je n'ai pas su y remédier sans me mettre l'administration à dos (façon de parler, mais globalement ne pas obéir... encore une fois, tel élève, tel prof), personnellement. Je suis devenu assez triste en fait, de comprendre que l' intérêt d' un établissement n' est pas d' aider un adolescent à se construire mais de le caser dans les filières disponibles, et garder un bon taux de réussite dans les statistiques. Donc ne pas faire de vagues etc... Et ne pas s'intéresser aux individus. J' ai vécu ça comme si j'étais passé exactement de l' autre côté et que la réalité du métier était telle que je la décrivais lors de mes coups de colère irréfléchis d' adolescent. Ce qui m'a choqué, j'aurais aimé un truc plus humain, plus rose...

Par la suite j'ai fait un peu d' écoles privées, BTS avec des "jeunes adultes". Plus reposant sur le plan éthique et identitaire mais frustrant néanmoins puisque la matière reste mineure et que les étudiants sont dans un "marché" cherchant un diplôme et une intégration professionnelle plus qu' un "savoir" ou une "réflexion". Donc au fond pas super motivant. Pour une "vocation" en tout cas. Quant aux cours particuliers, c'est un très intéressant cadre de travail, mais j'y ai aussi trouvé mes frustrations. Notamment le fait que le prof particulier fasse un peu "bouche trou" pour les incapacités du prof officiel, le surnombre de la classe, baby sitter quand les parents sont trop occupés pour l' enfant, ou encore simple moteur de travail par la présence, ce qui souligne au final l' écart entre classes sociales et pouvoir d'achat, mettant le métier dans un autre consensus éthique guère confortable (au fond il s'agit presque d' avouer que l'idéal d'éducation équitable pour tous n'est plus - ou pas - respecté ).

Pour conclure, enseigner c'est merveilleux, génial tout ça... Et comme j'ai lu dans les posts, ça fait grandir on apprend beaucoup de rigueur, sur soi, ce qu' on montre etc... Simplement je n'ai pas su faire ce métier sans projeter mon propre passif d'élève qui n' aime pas l' école. Et il m'a finalement semblé d'autant plus cohérent le fait que j' aie pas très bien vécu ma scolarité initiale, n'ayant pas trouvé les valeurs espérées dans le marché de l' enseignement, ni même forcément dans la salle des profs. En espérant que c'est lisible et que ça puisse apporter quelque chose au post :) . Curieux aussi de savoir si ces impressions là ont été vécues et peu mentionnées plus haut, ou si c'est strictement personnel.

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PointBlanc
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par PointBlanc »

C'est tout sauf personnel de mon point de vue. Au collège, au lycée surtout, j'appartenais au camp des médiocres qui n'éprouvaient pas le moindre intérêt pour le cours en tant que tel. Et j'ai très nettement perçu à mes débuts dans le métier - et je perçois toujours d'ailleurs, quoique plus rarement - cette tentation de laisser de côté la question de l'individu pour se concentrer sur la gestion du sordide "groupe classe" ou des flux - attitude moins efficace mais autrement plus confortable, puisqu'elle autorise à renvoyer l'élève à ses propres responsabilités quand il n'adhère pas à un fonctionnement pensé pour la norme.

Je suis cependant convaincu que l'attitude générale évolue dans le bon sens depuis quelques années, ne serait-ce que parce que de plus en plus de collègues se trouvent contraints d'admettre que l'ancien modèle est à bout de souffle et que faute de s'intéresser à eux, faute en tout cas de leur donner le sentiment qu'ils sont, davantage que des élèves, des individus à part entière y compris dans la classe, ceux qui nous sont confiés ne s'intéresseront plus à nous - autrement dit à ce que nous avons à leur transmettre, tant les deux sont devenus pour eux indissociables. Cela demande un peu de temps - quelques minutes en fin de cours, une conversation entre deux portes, quelquefois plus longtemps -, mais le bénéfice est énorme, parce que ces choses-là se savent, qu'une réputation se fait entre autres là-dessus et qu'un professeur perçu comme bienveillant aura l'attention d'une très large majorité pour tout le reste. On pourrait s'en tenir à cet avantage pratique ; je considère pour ma part qu'il est assez normal, quand on travaille avec des gens, de se soucier de ce qu'ils vivent - non par démagogie, mais bien parce que s'il s'agit à l'arrivée d'être entendu, il faut d'abord comprendre à qui on parle.

Et j'y reviens, il y a beaucoup à comprendre de soi dans ces sortes de relations.
Vous qui vivez qu'avez-vous fait de ces fortunes ?

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Kayeza
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Kayeza »

Chacoucas a écrit :Simplement je n'ai pas su faire ce métier sans projeter mon propre passif d'élève qui n' aime pas l' école.
Même chose pour moi. Je me prépare déjà à arriver au bout de ce passage éclair dans l'éducation nationale (même si je suis dans un lycée agricole), avec un soulagement d'anticipation. Autant l'idée d'enseigner en soi me plait énormément, autant le cadre dans lequel je dois le faire actuellement est totalement rédhibitoire. J'aimerais pouvoir le dépasser pour m'éclater en cours et que ça se passe bien avec les élèves, mais je n'y arrive pas. Ça me désole, tous les jours, à chaque cours, mais je n'y arrive pas. Je voudrais tout envoyer bouler, aller faire cours dehors dès qu'il fait beau, ne garder que les élèves un minimum intéressés et laisser les autres jouer sur leur portable, qu'ils soient une dizaine maxi, ne pas tenir compte des horaires, parler d'autres choses que de ma matière, etc. :(
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Chacoucas »

Oui... bah alors on se comprend... En fait je passe plus de temps "satisfait", avec de la motivation personnelle à expliquer quelque chose à quelqu' un qui de lui même vient poser une question ou se montre curieux, le fait de rentrer dans les cases demandée pour que ça soit un "métier" ne m' ayant pas du tout satisfait...

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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Pimprenelle »

Bonsoir à vous, nouvelle arrivée sur ce forum, je me rajoute à ce sujet

Il m'a semblé en vous lisant que la plupart d'entre vous enseigne dans le secondaire.
Je suis en maternelle.
Maintenant prof des écoles depuis 7 ans, j'avais auparavant travaillé pendant une dizaine d'années auprès des enfants (animation, atelier d'expression théâtral, un peu de spécialisé aussi).

Ma démarche première est le besoin de croire à un avenir meilleur, et l'avenir c'est les enfants.
Je ne me suis jamais sentie l'âme de soulever des foules mais plutôt d'agir à une micro échelle, à mon petit niveau : là c'est une classe (finalement ça fait pas mal d'enfants !) pendant 1 an (là par contre c'est vraiment court !).

Même si jeunes, ils arrivent déjà avec leurs parcours, tous si singuliers, et leurs bagages, parfois beaucoup trop lourds, impossibles à porter pour de si petits bras...
Puis ils partent vers les classes supérieures... chaque fin d'année on se dit en rigolant qu'on restera ensemble toute la vie et que je ne les laisserais jamais aller au CP !
Mais j'ai la chance maintenant de travailler dans une école qui va jusqu'au CM2, comme ça je peux continuer à les voir et leur faire les gros yeux (et plus même :@ ) quand ils courent dans les couloirs... ou autre !

Pour certains, qui accaparent beaucoup mes pensées, j'ai l'impression de juste les empêcher de se noyer, à défaut de leur apprendre à nager...
oui, si petits déjà, les écarts sont flagrants. Mes observations m'amènent à constater que les carences familiales, au niveau affectif, creusent un fossé sidérant...
Les difficultés ou différences sociales, culturelles, financières ne sont pas les plus gros problèmes dans je ce que je constate à mon niveau.
Les enfants le plus en difficulté souffrent surtout de déficit affectif, malveillance voire maltraitance.
Les dossiers socio-judiciaires trainent sur des bureaux, parfois depuis des années quand il s'agit de grande fratrie, et RIEN ne se passe... et l'on voit ses enfants de plus en plus plonger et... couler...

J'apprends petit à petit à mieux le vivre, surtout pour rester efficace dans ma mission et donc le plus utile possible. Et je me dis qu'un jour, plus tard, quand je m'en sentirai le temps et la force, je prendrai les armes (militantes) pour m'attaquer à ce grave problème de société (en moyenne en France 2 décès par jour d'enfants suite à des violences familiales... ça fait vomir...).

Donc en attendant ce moment, je continue et m’épanouis beaucoup dans ce métier malgré tout, si si !

C'est intellectuellement très riche, toutes les disciplines à enseigner donc à explorer, exploiter, préparer.
Du bricolage pour aménager sa classe, construire des meubles, la peinture, la musique, la danse, le modelage, l'apprentissage du code alphabétique, tous les moyens didactiques et pédagogiques pour y parvenir, le champ des possibles est tellement vaste, ça donne même le tournis, et la sensation aussi de ne jamais être assez à la hauteur car la tâche est immense et perfectible à l'infini...
ça dépend, ça dépasse... et c'est tant mieux :P !

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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Pimprenelle »

Doonarrala a écrit :J'aimerais partager un article découvert récemment, car je trouve qu'il s'insère bien dans le sujet de ce fil, qui est à la base une réflexion sur sa vision de l'enseignement, et donc aussi sur son identité en tant qu'enseignant, tout comme celui du thème du forum (une démarche réflexive professionnelle peut mener en quelque sorte aux mêmes sentiers rocailleux que ceux empruntés par les personnes à haut potentiel: la tendance à remettre en cause les visions consensuelles):
Assumer une identité réflexive

Philipe Perrenoud, sociologue de formation, professeur honoraire à l'Université de Genève, s’est particulièrement intéressé au monde de l’Éducation. Il partage ici une partie de sa réflexion sur la construction d'une forme d'identité professionnelle des enseignants, et la manière dont celle-ci s'élabore sur le plan individuel, pour finir par donner des pistes susceptibles d'encourager ce type de développement professionnel.
merci pour ce lien : j'ai mis ce texte dans mes "favoris" et le relis à l'occasion.
(j'y retrouve en partie l'origines de mes difficultés dans le milieu enseignant... effectivement il y aurait du boulot pour que cette démarche réflexive je propage au sein des équipes...)
ça dépend, ça dépasse... et c'est tant mieux :P !

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Judas Bricot
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Judas Bricot »

"Tourné dans neuf établissements scolaires, publics et privés, de la maternelle au collège, le documentaire Une idée folle réalisé par Judith Grumbach et co-produit par Ashoka France et Horizons Productions, interroge le rôle de l’école à travers le témoignage d’enseignants, d’enfants, de parents ainsi que d’experts de l’éducation.
A quels défis les citoyens de demain devront-ils faire face et comment les y préparer ? En cultivant l’empathie, la créativité, la coopération, la confiance en soi chez les élèves, en parallèle des savoirs fondamentaux, répondent ces enseignants qui ont à cœur d’essayer de former une future génération de citoyens peut-être plus épanouis et responsables…"

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/festival/video/20 ... Bp8PQ8J.99
;)

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Maitresse Rita
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Maitresse Rita »

J'ai donné mes premiers cours particuliers quand j'avais 12 ans et je n'ai jamais arrêté. Quand je le dis, les gens me regardent d'un air soupçonneux. Une chargée de recrutement pour un gros centre de formation m'a répondu un jour "Je ne vous crois pas, comment voulez-vous qu'on vous fasse confiance si vous nous dites des énormités pareilles". N'empêche que c'est vrai et que c'est très formateur, parce que ça m'a appris à m'adapter à toutes les situations, à toutes les problématiques, de l'élève persuadé d'être stupide à celui qui croit ne pas avoir besoin d'apprendre, en passant par celui qui doit rattraper trois ans de glandage en 15 jours...

Après, j'ai enseigné auprès de jeunes délinquants, des chômeurs, des professionnels de l'Humain qui voulaient passer des concours ou devenir indépendants. Et puis dans un collège et lycée français à l'autre bout du monde. Et aujourd'hui encore, auprès d'étudiants de Sciences Humaines en mal de méthodologie et de références théoriques. J'ai donc pratiqué l'enseignement, de l'apprentissage de la lecture des petits enfants, aux préparation d'examens et de concours jusqu'au niveau master dans mes deux domaines d'expertise.

A chaque fois, enseigner a pour moi le même but : celui d'aller toujours au-delà du savoir en jeu dans l'instant. Faire en sorte de travailler tout ce qui se cache derrière la compétence en question. Quel est l'enjeu caché derrière telle information ? Quels sont les implications sociales, politiques, historiques cachées derrière tel roman, tel courant philosophique, telle scène de telle pièce de théâtre ? Et bien sûr, pourquoi on ne peut pas exercer son métier de façon fluide et autonome sans comprendre tel concept, tel auteur, telle théorie ?

Pratiquer un métier d'éducation, c'est veiller à construire de l'humanité par le savoir, veiller à relier l'autre au groupe des Hommes, par la compétence, par une représentation nouvelle du monde, par l'esprit critique, et par l'autonomisation individuelle. Je trouve ça toujours aussi beau.

Avec le temps, j'ai appris qu'on ne sait jamais vraiment ce qu'on transmet. On se donne du mal pour faire passer une info et on finit toujours par se rendre compte que ce qui a été retenu, c'est un petit détail auquel on n'a pas forcément fait attention, une façon de répondre qui a bouleversé quelqu'un et débloqué quelque chose en lui, un regard qu'on a posé d'une certaine manière, sans forcément y penser. Je crois qu'il faut accepter de ne pas trop avoir de prises sur ce que l'autre va retenir. Et sur ce qu'il va en faire. Cette part de non-contrôle me séduit beaucoup. J'aime savoir que j'ai transmis quelque chose qui a changé le regard de l'autre, sa façon de comprendre et de se positionner dans le monde, sans forcément savoir ce qui a vraiment fait la différence.

J'enseigne parce que je crois fondamentalement au pouvoir émancipateur du savoir. Le désir de savoir est une manifestation de notre pulsion de vie, de notre libido, de notre instinct de conquêt et de notre démarche existentielle. Stimuler tout cela chez l'autre, c'est une façon très esthétique d'occuper son temps.
Ces utilisateurs ont remercié l’auteur Maitresse Rita pour son message (5 au total) :
W4xDoonarralasandrinefPointBlancGrabote
"Donc l’idée est que l’existence, ce n’est pas vrai ou faux, ce n’est pas le fait d’être dans le réel ; l’existence, c’est une histoire qu’on se raconte vraiment, on y croit comme l’enfant qui joue au docteur ou à la maîtresse"(M. Vial)

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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par dani »

Je ne sais pas si c'est l'endroit approprié, mais je viens de voir cet article du monde qui questionne le rôle de l'école au XXI ème siècle via un documentaire à visionner librement jusqu'à demain http://mobile.lemonde.fr/education/arti ... e=Facebook
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Judas Bricot »

dani a écrit :Je ne sais pas si c'est l'endroit approprié, mais je viens de voir cet article du monde qui questionne le rôle de l'école au XXI ème siècle via un documentaire à visionner librement jusqu'à demain http://mobile.lemonde.fr/education/arti ... e=Facebook
Oui oui, c'est bien ici :wasntme:
Judas Bricot a écrit :"Tourné dans neuf établissements scolaires, publics et privés, de la maternelle au collège, le documentaire Une idée folle réalisé par Judith Grumbach et co-produit par Ashoka France et Horizons Productions, interroge le rôle de l’école à travers le témoignage d’enseignants, d’enfants, de parents ainsi que d’experts de l’éducation.
A quels défis les citoyens de demain devront-ils faire face et comment les y préparer ? En cultivant l’empathie, la créativité, la coopération, la confiance en soi chez les élèves, en parallèle des savoirs fondamentaux, répondent ces enseignants qui ont à cœur d’essayer de former une future génération de citoyens peut-être plus épanouis et responsables…"

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/festival/video/20 ... Bp8PQ8J.99
;)
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par dani »

Hors-sujet
Merci des précisions Judas Bricot, j'avais mis le lien depuis le mobile, et c'est en effet plus motivant avec le descriptif ! Je viens de le visionner .... des enfants qui apprécient d'être "tirés vers le haut", des profs qui croient que les enfants peuvent tous réaliser leurs rêves si ils croient en eux, faire des enfants des chercheurs, des testeurs, des découvreurs, leur apprendre à gérer leur ego, leurs émotions, respecter celles des autres......bref, plus d'une heure d''intelligence en boîte, à visionner jusqu'à minuit ce soir
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par Judas Bricot »

dani a écrit :
Hors-sujet
Merci des précisions Judas Bricot, j'avais mis le lien depuis le mobile, et c'est en effet plus motivant avec le descriptif ! Je viens de le visionner .... des enfants qui apprécient d'être "tirés vers le haut", des profs qui croient que les enfants peuvent tous réaliser leurs rêves si ils croient en eux, faire des enfants des chercheurs, des testeurs, des découvreurs, leur apprendre à gérer leur ego, leurs émotions, respecter celles des autres......bref, plus d'une heure d''intelligence en boîte, à visionner jusqu'à minuit ce soir
Merci pour ton retour. Je ne l'ai vu que partiellement et je l'ai trouvé... rafraichissant ce documentaire. :)

dani
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par dani »

Judas Bricot a écrit : Merci pour ton retour. Je ne l'ai vu que partiellement et je l'ai trouvé... rafraichissant ce documentaire. :)
Bah, oui, c'est plutôt ça en effet, mais je suis plutôt du genre bon public et là ça urge un peu, du coup j'ai mis le paquet :D (c'est vrai que c'est un peu en longueur, j'ai avancé aussi sur certaines parties)... mais tant que l'école ne sera pas devenue "ça" partout, ces discours et expériences pédagogiques qui tapent sur le clou sont indispensables et à diffuser
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O'Rêve
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Re: Enseigner : qu'est-ce que cela représente pour vous?

Message par O'Rêve »

J’ai commencé à enseigner lorsque j’étais étudiante, alors que je faisais du soutien scolaire.
C’est une expérience qui m’a beaucoup plu. A ce moment là, pour moi enseigner, c’était aider l’élève que je j’accompagnais à apprendre des connaissances scolaires. J’avais à cœur de chercher des moyens pour lui rendre les cours intéressants. Je cherchais un point d’accroche, sur lequel m’appuyer, pour activer de la curiosité, de l’intérêt vers un sujet. Je cherchais à trouver des éléments pour motiver.
Quelques années plus tard, j’ai eu l’opportunité d’enseigner à des adultes, dans le cadre d’organismes privés. Je ne me destinais pas à enseigner, puisque j’avais choisi d’exercer dans le soin. Mais j’ai eu une proposition et je me suis dit à ce moment « pourquoi pas ? ».
J’étais alors dans l’optique « transmettre des connaissances ». J’étais axée sur le fond plus que sur la forme. J’ai finalement peu de souvenirs de cette première expérience, mais quelques années plus tard, quand j’ai eu une nouvelle opportunité d’enseigner, je me suis dit que je voulais composer mes cours autrement. Au cours de cette même période, j’ai également participé à des programmes de prévention santé, qui visaient à apprendre à des enfants des comportements à risque.
Je voulais comprendre comment on apprend et comment faire pour qu’il y ait de la joie dans l’apprentissage, du plaisir d’apprendre. J’ai pioché des idées en découvrant Thiagi et le concept de jeu-cadre, Bandura et l’apprentissage social, la Garanderie…)
Je pense que c’est aussi à partir de ce moment que je me suis réellement questionnée sur le sens que je donnais à "apprendre et enseigner".

Aujourd’hui je me sens assez proche de ce qu’exprimait Doonarrala un peu plus haut (en 2013), même si j’en parle différemment.
Doonarrala écrivait : "Pour moi, enseigner dépasse le cadre de la transmission des connaissances. C'est aussi une transmission de valeurs humaines. C'est aider l'autre à se construire personnellement et socialement. Du moins, c'est aider l'autre dans son processus de construction, à un moment donné...Je vois aussi de plus en plus mon rôle d'enseignant comme une forme de catalyseur: aider l'autre à développer son potentiel, quel qu'il soit".
Pour moi, actuellement, enseigner, c’est aider une personne à construire ses représentations (j’entends par représentation, ce qui porte en nous une information utile à la vie).
En ce moment, je me laisser porter par ces questions :
Comment accompagner des personnes vers la construction et le développement de leurs représentations (les représentations qui vont leur apporter épanouissement, les représentations utiles à la vie de tous les jours…) ?
Et je me nourris à droite à gauche pour creuser ces questions (Mooc colibris éducation, Mooc jouer pour apprendre, pédagogie Montessori, Freinet….sciences cognitives, sciences sociales, éthologie…)

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