Souffrance au travail

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
Répondre
Avatar de l’utilisateur
Zyghna
Messages : 6831
Inscription : lun. 27 juin 2011 21:28
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/equipe-f78/zyghna-une-ame-quete-identite-t558.html]ici [/url]
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 45

Ancien Membre de l'équipe

Souffrance au travail

Message par Zyghna »

Hier, j'ai assisté à une formation concernant la souffrance au travail. Les intervenants étaient un sociologue, spécialisé dans ce domaine, et un comédien, travaillant sur ce thème auprès des entreprises.
Contrairement aux psychologues qui interviennent au bout de la chaîne de souffrance au travail, lorsque le clash a eu lieu, le sociologue propose de prendre le problème à la source, de comprendre comment se mettent en place les risques psycho-socio. Cette formation était un peu spéciale cette fois puisqu'elle proposait de voir comment on pouvait être source de souffrance pour soi-même autant que pour l'autre. De sortir de la vision unique de victime.

Les problèmes liés à l'entreprise sont bien connus, aussi je ne m'attarderai pas trop dessus: rationalisation du travail, déshumanisation, productivité, environnement de travail dégradé, etc
Les problèmes venant de l'individu sont plus subtiles, ils sont autant causés par l'entreprise que par l'individu lui-même.
[tabs: le stress]
La formation a débuté par un bref rappel terminologique. Tout d'abord, le stress qui est une réponse à un changement dans l'environnement et qui se manifeste par des symptômes assez connus: accélération du rythme cardiaque, transpiration, dilatation des pupilles, montée d'adrénaline, etc. Le stress est une réaction immédiate du corps, que la situation soit positive ou négative; c'est un fonctionnement normal du corps, un instinct primaire de survie, une combustion permettant de réagir vite. Le soucis est que les réactions de stress ne sont pas adaptées au monde du travail (il est rarement question de survie).
Petit exemple: les poils qui se hérissent en cas de stress. On voit bien leur utilité sur un chat: paraître plus gros, plus impressionnant. Sur l'homme, le réflexe est resté, la conséquence a disparu.
Il en est de même pour la réaction de tétanie fasse à une grosse peur, comme une voiture nous fonçant dessus: peu de chance de se faire oublier du véhicule en faisant la statue. Des réflexes qui ne sont plus adaptés (faire la statue ou gonfler les poils quand on se prend une soufflante de son supérieur hiérarchique a peu d'effet...).
C'est ce qu'on appelle le stress chronique, celui qui se déclenche pour réagir à une situation nouvelle et qui disparaît sitôt la situation passée. (Je raccroche la bouteille d'eau qui bascule => stress => réflexes accrus => je rattrape la bouteille avant qu'elle ne se renverse => disparition du stress et des symptômes associés).


[tabs: l'anxiété]
En plus des réactions de stress, purement animales, se rajoute une part purement humaine: la réflexion, la projection. L'anxiété est un élément purement imaginatif, une spéculation sur des situations à venir. L'anxiété provoque des situations de stress à la seule évocation de la situation. Le stress ne passe pas ou revient trop souvent. Les muscles et organes se contractent, provocant des problèmes gastriques, musculaires. On tombe alors dans un stress d'inertie.

[tabs: la dépression]
La dépression découle d'un déséquilibre entre les problèmes que l'on rencontre et les ressources dont on dispose pour les résoudre. L'impression d'avoir de moins en moins les ressources nécessaires pour gérer le stress, pour répondre à la demande. Elle peut aussi provenir d'un décalage entre une projection et la réalité (par exemple, une personne arrive dans un métier par vocation, plein d'idéaux - soignants, enseignants, etc. - et réalise bien vite que la situation rencontrée au jour le jour ne correspond pas à l'image qu'elle s'en était construite. Si la personne n'arrive pas à modifier la situation intérieure ou extérieure, la dépression s'installe vite).
Les éléments présentés dans les onglets sont jugés personnels puisqu'ils varient d'un individu à l'autre, qu'ils ne sont pas gérés de la même manière. Mettre en place des formations, adapter les conditions de travail, reconnaître l'individu et son travail sont des éléments sur lesquels l'entreprise peut agir pour réguler les conséquences néfastes. Mais il est une autre facette sur laquelle elle a peu de prise.

Le but de la formation était de constater que nous sommes aussi nous-mêmes très souvent partie prenante (ce qui ne dédouane en rien l'entreprise, mais en prendre conscience permet de mieux cibler les problèmes sources).
L'exemple ayant servi à illustrer ce propos est très parlant, il s'agit de ce que l'on appelle le contrat narcissique.
Des entreprises proposent aux salariés ou futurs salariés une image qui les séduit, qui s'adresse à leurs projections de réussite, de valeurs, etc. Il suffit de penser à tous ceux qui souhaitent travailler pour des firmes comme Apple, Google, etc, de songer aux entreprises que l'on rêverait de rejoindre.
Les salariés sont prêts à de nombreux sacrifices pour concrétiser leur idéal, pour qu'on leur renvoie l'image narcissique de réussite dont ils rêvent. Ils donnent le bâton pour se faire battre et acceptent les coups reçus... jusqu'à ce que la rupture surviennent. Prendre conscience cela est un pas énorme, difficile à faire, à accepter.
Il est toujours plus facile de se dire que l'on est victime, que l'on n'a aucune part de responsabilité.


L'exercice suivant était aussi intéressant: penser à une situation qui nous a blessé puis réfléchir à ce qu'on renvoyait aux personnes, comprendre nos réactions. Très introspectif, mais très révélateur.

Le comédien est ensuite intervenu. Après une petite séance de décontraction, de jeux, on a constitué des groupes de 3-4 personnes. Chaque personne du groupe devait raconter une anecdote survenue au travail, une situation où l'on avait fait souffrir, volontairement ou non, une personne. Le groupe choisissait ensuite une anecdote et la mettait en scène pour la présenter aux autres. C'était délicat de trouver au début, on préfère se souvenir des situations inverses, ce n'est jamais agréable de s'avouer avoir blessé une personne. Mais c'est impressionnant de voir le nombre de situations qui nous reviennent à l'esprit dès qu'on a évoqué le premier épisode.
Très intéressant de comprendre que nous sommes autant victime que bourreau dès que l'on s'enferme dans sa bulle.

Les mécanismes de souffrance au travail sont complexes à appréhender. Mais comme le rappelle si bien Cyrano, la société c'est nous, l'entreprise c'est nous; nous, individus. L'entité abstraite "entreprise" n'existe pas, ce sont des humains qui la composent. Et l'on aura beau modifier toutes les contraintes de travail, tant qu'on ne se modifie pas soi-même, cela n'aura que des résultats à court terme, le problème ne fera que se transposer ailleurs.

Bien sur, il ne s'agit aucunement de dédouaner ou de tolérer les exactions de certains dans le domaine professionnel, mais de comprendre ce qui les provoque, de se demander si l'on n'accepte pas en partie cette situation, et dans ce cas pourquoi. Le tout bien sûr, sans jugement.

Je vous laisse réagir si vous le souhaitez, mais bien sûr le but n'est pas d'aller crier qu'on a été harcelé ou de crier au pervers narcissique, parce que ce ne serait pas constructif et encore moins dans la ligne donnée au sujet. Bref, si c'est pour dire "je suis le pauvre gentil martyrisé et l'autre est le gros méchant pas beau", passez votre chemin :geek1:
Ces utilisateurs ont remercié l’auteur Zyghna pour son message (4 au total) :
HoppysandersDoonarralaRiffifi
"Il est inutile d'être parfait, il faut seulement s'engager et mettre ses actions en cohérence avec ses valeurs" Brené Brown

Avatar de l’utilisateur
Hoppy
Messages : 1778
Inscription : jeu. 20 sept. 2012 09:03
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/que-cache-sous-masque-t2667.html]Ici[/url]
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Localisation : 13
Âge : 36
Contact :

Re: Souffrance au travail

Message par Hoppy »

C'est réellement intéressant comme sujet!

Vous n'avais pas pu aborder la notion de Burn-out sous cet angle là aussi?
Parce que cette vision des choses m'a permis l'auto-critique, en me disant qu'en cas de "Burn-out" il ne faut pas forcément taper uniquement sur les doigts de l'entreprise, mais pouvoir se dire que finalement c'est peut-être nous-même qui avons un peu trop tiré sur les cordes, et n'avons pas su gérer ce lot de quotidien de stress, d'anxiété etc... au travail.

Je pense qu'il est important de pouvoir dire que l'entreprise à déconner sur tel ou tel point, mais que moi aussi, je n'ai pas assuré sur d'autres. Et que c'est cette distension qui est à l'origine du Burn Out, sans qu'il y est un seul et même fautif.

Ça avait l'air vraiment super comme formation et merci de nous l'avoir partagé :-)
«La vie est un mystère qu'il faut vivre, et non un problème à résoudre» - Gandhi

Avatar de l’utilisateur
Zyghna
Messages : 6831
Inscription : lun. 27 juin 2011 21:28
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/equipe-f78/zyghna-une-ame-quete-identite-t558.html]ici [/url]
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 45

Ancien Membre de l'équipe

Re: Souffrance au travail

Message par Zyghna »

Si nous avons abordé le burn out mais de façon assez succincte puisqu'au final c'est une forme de dépression. Le sociologue a mentionné que la descente dans la dépression suivait une courbe plutôt continue, mais que le burn out était un combat avec une chute brutale et spectaculaire (donc en graphique, cela donnerait une ligne continue très légèrement descendante, avec une chute brutale sur la fin). Le sociologue a lui-même connu le burn-out et c'est ce qui lui a fait ouvrir les yeux là dessus. Mais bon, comme son travail c'est de traiter les problèmes avant qu'ils n'arrivent, le burn out n'est pris en compte que comme signal d'alarme.
"Il est inutile d'être parfait, il faut seulement s'engager et mettre ses actions en cohérence avec ses valeurs" Brené Brown

shunbabyx

Re: Souffrance au travail

Message par shunbabyx »

Je pense que en ce qui concerne la prévention, le mieux c'est vraiment de pouvoir agir en amont au moment où se forme le projet professionnel. Avoir une bonne conscience de la réalité terrain du métier (quand c'est possible, rencontrer des gens qui font le métier dont on rêve, faire des stages, se renseigner, connaître aussi la mentalité du milieu pro etc ...), et surtout bien appréhender ce dont on est capable ou pas.
C'est à dire se connaître et connaître ses limites. Connaître ses besoins au sein de l'entreprise (ou du milieu professionnel), sur quoi on peut faire l'impasse et ce qui nous est vraiment vital. C'est un travail qui est un peu long, mais qui évite vraiment des déconvenues. Je l'ai fait pendant ma reconversion, avec un professionnel de l'armée, qui lui justement devait arriver à voir dans ses troupes qui était capable de quoi, et devait cerner le niveau de résistance de ses équipes en milieu hostile, avec pour le coup des conséquences de stress extrèmement importantes (il travaillait aux RG à l'international).
C'est un travail dérangeant, dans le sens ou parfois on peut s’apercevoir qu'on s'est pas forcément dirigé vers ce qui nous convient, ou que la réalité de ce qu'on est ne correspond pas à l'image qu'on aimerait avoir de soi-même (genre moi j'me suis aperçue que mon sens moral me rendait quasiment incapable de faire des " coups " financiers, même si j'étais complétement capable sur le plan théorique et ça m'a grave frustrée) mais ça permet de réajuster le tir à temps.

Si j'avais eu l'occasion de faire ce travail avant, je ne serais jamais rentrée à la banque, parce que ce qu'on me demandait, j'en étais tout simplement incapable ! Il faut admettre, que malgré les tensions du marché de l'emploi, on est pas tous capable de tout faire (au moins sur le long terme), et que certains métiers nous mettrons automatiquement en souffrance, même avec des employeurs tout à fait corrects, c'est juste que l'activité n'est pas faite pour nous.

J'ai quand même été surprise par le travail qui m'a été proposé par ce gradé, et par les conclusions qui sont arrivées à la fin. Mais je regrette pas de l'avoir fait, car après ça, je n'ai plus atteint mes limites une seule fois. Y a eu des moments de stress, des moments un peu dur, mais jamais je n'ai eu à revivre ce que j'avais vécu en milieu bancaire, pourtant les gens que je côtoie sont aussi intelligents/cons, gentils/méchants que partout... C'est juste que je ne suis plus condamnée à devoir faire des choses qui vont à l'encontre totale de ce que je suis et tout le monde est gagnant.
Après je ne sais pas si il y a des " formations ", " stages ", " prestations " qui permettent de faire ce travail de débroussaillage avant de rentrer sur le marché de l'emploi (et dans l'idéal avant de commencer des études ciblées), dans mon cas c'est un intervenant de ma licence que j'ai trouvé intéressant et que je suis allée démarcher moi-même, il m'a proposé ça comme ça autour d'un café après un cours pour 50€ (j'ai fait une 10aine de séances de 1h30 à 2h avec lui), j'ai tenté l'aventure et ça a eu de très bonne conséquences pour la suite de mon orientation.

lightroom
Messages : 7
Inscription : dim. 3 mars 2013 19:29
Profil : En questionnement
Test : NON

Re: Souffrance au travail

Message par lightroom »

Si l'individu se pensait en mesure de prendre sa destinée en main, je précise bien se pensait en mesure de, après une erreur d'orientation par exemple, ou un métier qui ne correspond plus du tout à ses attentes, cet individu pourrait faire un CHOIX, et choisir de sortir de cette souffrance, par le dialogue, par un changement de service, de fonction.

C'est l'impuissance à se sortir de cette souffrance, qui va créer le burn out, le je dois, je dois, parce que je crois que je ne sais pas faire autre chose, autrement.

La souffrance, au niveau personnel, c'est surtout s'accrocher à cet état de souffrance, et se croire impuissant à en sortir ou en sortir pourrait coûter si cher qu'il y a la préférence d'y rester (exemple, si j'exprime mon opinion face à ce supérieur hiérarchique, peut être qu'il va me faire vivre une situation plus pénible qu'avant)

Accepter la souffrance , c'est ne pas savoir faire autrement, être coincé. C'est une composante de personnalité, et il y a des personnalités à risque, notamment tous ceux qui ont des difficultés à trouver à emploi, et s'accrochent, s'accrochent, coûte que coûte.

Je viens également de faire ce retour sur ma vie professionnelle en me posant intellectuellement comme celle qui a pu faire souffrir autrui, même si je suis vigilante sur ce point, ça arrive. Une réflexion anodine pour moi peut être très mal vécue par l'autre, et inversement. Cette inversion de position est des plus pertinentes, et permet une prise de recul.

jeremie
Messages : 12
Inscription : ven. 14 juin 2013 14:11
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/dis-bonjour-t3748.html]présentation[/url]
Profil : Intéressé pour une personne de mon entourage
Test : NON
Âge : 51

Re: Souffrance au travail

Message par jeremie »

Bonsoir

Le sujet est évidement tres vaste, et au centre de pas mal d'ouvrages contemporain tant il est signe de notre temps.
Voici donc mon syncrétisme personnel sur le sujet, qui tend à poser la question de la pertinence d'une approche sur les symptômes qui passerait à coté de la question de fond, pourquoi travailler ca peut faire souffrir.

Le travail est avant tout une situation sociale dont les « acteurs » essayent en effet de retirer un gain narcissique. Chacun dans son rôle met en place une stratégie personnelle de gain de liberté et de pouvoir (M. Crozier avait mis en évidence ce rapport fondamental dans "De la bureaucratie comme système d'organisation", ) dans le but de se « valoriser » (se maintenir en place, se mettre en avant, prendre de la valeur aux yeux du plus grand nombre, devenir incontournable, manger..).

Ces stratégies mobilisent toutes sortes d’outils dont la recherche d’alliés et de preuves de sa valeur. Dans cette quête secondaire (à la recherche du bénéfice primaire évoqué plus haut), chacun est amené à prendre des risques relationnel (gain/perte, provoquer/subir de la souffrance). Faire son « job » ne suffit pas.

C’est parfois même contreproductif si cela provoque une tension sur les failles de l’organisation qui met en lumière un dysfonctionnement. Par exemple : Puis-je servir correctement mon « client » sans desservir mon « patron » en en faisant trop, « je ne serais pas rentable » ; Puis-je vraiment traiter les commandes à ce rythme en sachant que mes collègues ne pourront pas suivre ? etc..

Chacun peut se trouver rapidement en souffrance pris dans des injonctions contradictoires, car tiraillé entre
- ses propres limites et les failles des organisations, elle même en décalage avec le « détail » des conditions de travail qui échappent souvent à la « sagacité » des encadrants,
et les capacités de ses collègues,
et la mise en concurrence (sournoise ?) de tous (critique du néolibéralisme qu'il est vilain..).

Personnellement ancien consultant en management, puis patron, et enfin concepteur de système d’informations, je dispose d’une vue en coupe sur les fonctionnements de ces organisations qui se cherchent en permanence, j'y constate la souffrance réelle et souvent le désarroi des « travailleurs » quel que soit leur place dans l’organigramme réel ou symbolique.

Enfin, pour parler douance, car à l’évidence les profils hypersensibles sont aux premières loges du massacre (voir la scène de Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ - ou Coluche se retrouve tout seul après que la foule des contestataires se soit évaporée), il y a quasi urgence à se trouver une posture pour éviter la punition (revoir La Nouvelle grille (1974) essai écrit par le biologiste Henri Laborit dans lequel l'auteur vulgarise ses recherches en biologie comportementale.) ou à se trouver une niche écologique capable d’absorber son désir de faire, d’analyser l’organisation, d’expliquer à ses dirigeants leurs erreurs et de réguler le travail des collègues.

S'aventurer en dehors de ces « niches » c'est l’occasion de se prendre des vilains coups et de blesser durement les collègues sans s’en rendre compte.
A cet égard, Le « doueur » ( ?) aura sans doute des prédispositions à provoquer de grandes tensions. La prise de conscience du malaise qu’il peut générer par son attitude (cad ses aptitudes techniques/ inaptitudes sociales) rejoint les problématiques évoquées dans le forum (replis, faux-self, etc..). Même motif, même conséquences.
Il lui reste à utiliser ses capacités d’analyse pour comprendre que l’enjeu n’est pas la réussite de l’entreprise (quel naïf ce « doueur » parfois) mais le maintien de la cohérence du groupe, seul garant de la survie collective (atavisme post néandertalien), auquel il peut servir de bouc émissaire, si il insiste. Aller, je vous propose une pause-café (j’invite), on parlera de la météo.

merci à ceux qui ont tenus jusqu'au bout de ce post pudding.
Ces utilisateurs ont remercié l’auteur jeremie pour son message (5 au total) :
adparadisgibusZaMlle RoseZyghna

Avatar de l’utilisateur
Mlle Rose
Messages : 13037
Inscription : mar. 1 févr. 2011 13:56
Présentation : viewtopic.php?f=78&t=28
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 45

Re: Souffrance au travail

Message par Mlle Rose »

Ben non merci à toi pour cette intéressant angle de vue.

Tu pourrais nous en dire un peu plus sur Crozier ?
Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. E. de la Boétie
NB : Je ne réponds pas aux questions perso en mp, je manque cruellement de temps pour ça et déteste répondre aux gens à l'arrache. Donc... merci d'éviter :f:

jeremie
Messages : 12
Inscription : ven. 14 juin 2013 14:11
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/dis-bonjour-t3748.html]présentation[/url]
Profil : Intéressé pour une personne de mon entourage
Test : NON
Âge : 51

Re: Souffrance au travail

Message par jeremie »

Bonjour Mlle Rose

Merci pour le compliment, voici mes précisions

J'ai fais référence à l'analyse systémique de Crozier présentée dans l'ouvrage de Michel Crozier, Erhard Friedberg
"L'ACTEUR ET LE SYSTÈME : Les contraintes de l'action collective" Editions du Seuil, 1981.Première parution en 1977, dans la collection "Sociologie politique", c'est ce qui structure mon point de vue sur l'origine interne et donc systémique de la situation de "souffrance au travail", le "travail" étant un lieu ou se réalisent une grande part des tensions de notre société (lieu principal de la vie sociale avec les transports en commun, la route, le supermarché et la sortie d'école :2deg ).

Je cite l'article de wikipédia dans le quel je me retrouve bien :

La théorie de l'acteur stratégique a été élaborée par Michel Crozier et Erhard Friedberg au cours des années 1970. Il s'agit d'une théorie centrale en sociologie des organisations, développée au sein de l'analyse stratégique.

Elle part du constat suivant : étant donné qu'on ne peut considérer que le jeu des acteurs soit déterminé par la cohérence du système dans lequel ils s'insèrent, ou par les contraintes environnementales, on doit chercher en priorité à comprendre comment se construisent les actions collectives à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires.

Au lieu de relier la structure organisationnelle à un ensemble de facteurs externes, cette théorie essaie donc de l'appréhender comme une élaboration humaine, un système d’action concret. Elle rejoint donc les démarches qui analysent les causes en partant de l'individu pour aboutir à la structure (l'individualisme méthodologique) et non de la structure à l'individu (structuralisme).


Cette dernière phrase étayant en particulier mon point de vue sur la responsabilité individuelle dans l'appropriation ou non des enjeux relationnels au travail. Si Sarte nous dit l"Enfer c'est les autres", Crozier et son collègue de travail Friedberg nous rappellent que les autres c'est nous. Un petit tour en ascenseur pour aller à la cafétéria ? :violent1:

Je vous laisse le plaisir de découvrir cet auteur incontournable pour sociologue amateur (burnaouté ou pas) :levi

Avatar de l’utilisateur
Mlle Rose
Messages : 13037
Inscription : mar. 1 févr. 2011 13:56
Présentation : viewtopic.php?f=78&t=28
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 45

Re: Souffrance au travail

Message par Mlle Rose »

C'est marrant, rien de scientifique ou de bien élaboré là-dedans, mais ça me fait penser à ce qui peut se passer à l'intérieur même d'un individu, avec ses propres conflits intérieurs, les conflits d'intérêts entre ses différents "soi". Je me dis que l'organisation sociale est un peu la même à l'extérieur qu'à l'intérieur, que ce n'est qu'une projection.
Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. E. de la Boétie
NB : Je ne réponds pas aux questions perso en mp, je manque cruellement de temps pour ça et déteste répondre aux gens à l'arrache. Donc... merci d'éviter :f:

jeremie
Messages : 12
Inscription : ven. 14 juin 2013 14:11
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/dis-bonjour-t3748.html]présentation[/url]
Profil : Intéressé pour une personne de mon entourage
Test : NON
Âge : 51

Re: Souffrance au travail

Message par jeremie »

:shock: la remarque porte-elle sur mon billet ou sur l'analyse systémique de Crozier ?

:grattelatete: En tout état de cause, je ne crois pas que les conflits relationnel entre personnes sont de l'ordre des questionnements interne d'un individus, mais la résultantes d’interactions réelles qui ont des conséquences sur les individus et l'organisation.


:geek: Concernant, la gestion des conflits de personne et leur impact individuel, la démarche d'Henri Laborit est pour le coup véritablement scientifique, avec une approche neuroscientifique, ou seule l'absence des outils d’observation actuellement disponibles en neuroscience et les limites de l’expérimentation humaine manque pour une transposition humaine, mais l'observation comportementale (voir le film Mon oncle d'Amérique) a déjà montré sa cohérence avec l'apport de l'imagerie aux neurosciences. pour en savoir plus quelque citations http://carnets.clinamen.org/Eloge-de-la ... ri-LABORIT et un site sérieux http://aura.u-pec.fr/scd/laborit/laborit-frame.htm

un sucre dans le café, Mlle Rose ?

Avatar de l’utilisateur
Mlle Rose
Messages : 13037
Inscription : mar. 1 févr. 2011 13:56
Présentation : viewtopic.php?f=78&t=28
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 45

Re: Souffrance au travail

Message par Mlle Rose »

2 sucres dans le café, ou 4, ça dépend de la taille de la tasse!

En fait tu n'as pas compris ce que j'ai voulu dire, mais j'ai pas été bien claire non plus.
C'était simplement une association d'idées entre ce qui se passe dans l'interaction individu/système et dans l'interaction entre les différentes composantes d'un individu (affects, expérience, pulsions, raison/contrôle, valeurs, idéal de soi, etc, et parfois entre différentes facettes de la personnalité pas toujours compatibles) qui sont aussi un système organisé qui déterminent l'action/la réaction (ptin je me mets à parler comme un psychanalyste -__-, d'où le "rien de scientifique"). Quand il y a équilibre, en principe il n'y aurait pas de souffrance.
on doit chercher en priorité à comprendre comment se construisent les actions collectives à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires
Je réfléchissais simplement tout haut à cette notion d'intérêt individuel (et à la manière dont il se détermine, en déterminant aussi l'action), en me disant que c'était déjà parfois bien le bordel à l'intérieur même d'un individu (dans son propre système interne) et que ça ne pouvait que partir en cacahuète (déséquilibre) quand ce système était confronté à la somme des systèmes internes des autres.

:mrgreen: Je suis désolée je suis peut-être bien toujours pas claire.
Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. E. de la Boétie
NB : Je ne réponds pas aux questions perso en mp, je manque cruellement de temps pour ça et déteste répondre aux gens à l'arrache. Donc... merci d'éviter :f:

jeremie
Messages : 12
Inscription : ven. 14 juin 2013 14:11
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/dis-bonjour-t3748.html]présentation[/url]
Profil : Intéressé pour une personne de mon entourage
Test : NON
Âge : 51

Re: Souffrance au travail

Message par jeremie »

oui, je n'avais pas compris ta remarque comme un préalable sur ton intervention mais comme une critique sur le billet. :whew:

est que tu suggère que c'est fractal (psyché/individu/groupe/société/étoiles) ?
Ce serait la vision la plus systémique qui soit, ca !!
:saoul:

Avatar de l’utilisateur
Mlle Rose
Messages : 13037
Inscription : mar. 1 févr. 2011 13:56
Présentation : viewtopic.php?f=78&t=28
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 45

Re: Souffrance au travail

Message par Mlle Rose »

Je ne vais pas dériver vers le HS ici ^^
Il y a un fil qui pourrait t'intéresser : http://adulte-surdoue.fr/philosophie/th ... t3255.html
Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. E. de la Boétie
NB : Je ne réponds pas aux questions perso en mp, je manque cruellement de temps pour ça et déteste répondre aux gens à l'arrache. Donc... merci d'éviter :f:

adparadis
Messages : 25
Inscription : mar. 11 juin 2013 13:58
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/bonjour-tous-t3698.html]ici[/url]
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Localisation : Montréal

Re: Souffrance au travail

Message par adparadis »

jeremie a écrit : étant donné qu'on ne peut considérer que le jeu des acteurs soit déterminé par la cohérence du système dans lequel ils s'insèrent, ou par les contraintes environnementales, on doit chercher en priorité à comprendre comment se construisent les actions collectives à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires.

Au lieu de relier la structure organisationnelle à un ensemble de facteurs externes, cette théorie essaie donc de l'appréhender comme une élaboration humaine, un système d’action concret. Elle rejoint donc les démarches qui analysent les causes en partant de l'individu pour aboutir à la structure (l'individualisme méthodologique) et non de la structure à l'individu (structuralisme).[/i]
J'ai juste envie de partager que je trouve cela terriblement fascinant. C'est du nectar intellectuel que de lire une telle analyse, une version agréable et mieux structurée que mes propres réflexions éparses sur le sujet. Merci d'avoir partager cela jeremie.

jeremie
Messages : 12
Inscription : ven. 14 juin 2013 14:11
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/dis-bonjour-t3748.html]présentation[/url]
Profil : Intéressé pour une personne de mon entourage
Test : NON
Âge : 51

Re: Souffrance au travail

Message par jeremie »

merci adparadis
c'est un plaisir de partager ses sources d'inspiration

Avatar de l’utilisateur
Kan
Messages : 702
Inscription : mar. 10 juil. 2012 10:39
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/bonjour-t2373.html]:noitatnesérP[/url]
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 47

Re: Souffrance au travail

Message par Kan »

Passionnant Jérémie, merci.

Aurais tu du thé ?

Pour rebondir sur le lien que Mlle Rose fait avec l'équilibre interne à la personne:


J'imagine que celui-ci (le problème interne à l'individu et par là cet individu lui-même) est un bâton dans les roues de l'équilibre du groupe.
C.-à-d., pour se rapprocher du thème du post, que la souffrance d'un individu peut glisser vers devenir la souffrance d'un groupe. (La souffrance d'un groupe n'étant pas à prendre ici sur le même degrés que celle d'un individu. C'est le jeu de la correspondance qui est plus recherché ici, dans cette expression).


Au mieux, cette personne servira de bouc émissaire. Figure pouvant être utile pour l'éducation d'un groupe.

jeremie
Messages : 12
Inscription : ven. 14 juin 2013 14:11
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/dis-bonjour-t3748.html]présentation[/url]
Profil : Intéressé pour une personne de mon entourage
Test : NON
Âge : 51

Re: Souffrance au travail

Message par jeremie »

Merci de rebondir sur la question du bouc, en tant que paroxysme de la souffrance au travail, le sujet est très intéressant.

De mon point de vue, je laisse donc de coté les apports scientifiques, comme Mlle Rose, le groupe n'existe pas. :protester: :protester: :protester:

Il peut se ramener à une somme de relations entre deux personnes. La "dynamique de groupe" serait plus la somme des effets d'entrainement des influences réciproques. La preuve, un individu, peut par une action forte, agir sur chacun et ré-orienter les intentions individuelles.
Penser groupe, c'est imaginer qu'une stimulation individuelle affecterait instantanément et sans modification du message tout le groupe. *
si le groupe existe, ce n'est pas une entité, cela reste des individus capables d'interpréter et d'agir. (« La principale caractéristique de l’homme de masse n’est pas la brutalité ou le retard mental, mais l’isolement et le manque de rapports sociaux normaux. »Hannah Arendt ) <-- je viens d'atteindre tout seul le point godwin :violent1:

Tout cela pour dire que oui, la posture et les messages d'un individu, surtout aussi forts qu'une souffrance, affectent les membres du groupe. Faire de la personne en souffrance le bouc émissaire n'est pas utile, mais nécessaire pour que chacun se réconcilie avec l'image de soi (réduire la dissonance cognitive), cad, pour que soit acceptable la situation d'être à l'origine de la souffrance de quelqu'un. Donc se persuader que cette personne le souhaite et que cette situation est de sa responsabilité.
Là on touche au fondement du néo-libéralisme, qui considère que l'individu porte en lui tout ce qu'il faut pour piloter son destin et que ses échecs lui incombent.
Les individus renforcent leur conviction en cette vision du monde en acceptant la situation d'un bouc émissaire. Mais qu'un seul se lève et fasse honte aux autres et la situation s'en trouve bouleversée et les bénéfices du bouc s'envolent. cf la bd . Qui a tué l'idiot :geek1:

pour recentrer l'échange, je préciserais bien le sujet qui peut partir dans deux directions pour la définition de la souffrance au travail :
soit comme incapacité individuelle à endosser les enjeux techniques et relationnels du métier choisi
soit comme fruit d'une stratégie économique ou encore (pour les plus gauchistes d'entre nous :2deg ) résultante d'une aliénation des travailleurs au bénéfice d'un profit maximal de l'organisation (profit fantasmé ou non)

les deux pouvant gentiment se croiser dans une dialectique digne de Brecht et on en revient au propos de la formation présentée par Zyghna
Zyghna a écrit : Le but de la formation était de constater que nous sommes aussi nous-mêmes très souvent partie prenante (ce qui ne dédouane en rien l'entreprise, mais en prendre conscience permet de mieux cibler les problèmes sources).
L'exemple ayant servi à illustrer ce propos est très parlant, il s'agit de ce que l'on appelle le contrat narcissique.
Des entreprises proposent aux salariés ou futurs salariés une image qui les séduit, qui s'adresse à leurs projections de réussite, de valeurs, etc. Il suffit de penser à tous ceux qui souhaitent travailler pour des firmes comme Apple, Google, etc, de songer aux entreprises que l'on rêverait de rejoindre.
Les salariés sont prêts à de nombreux sacrifices pour concrétiser leur idéal, pour qu'on leur renvoie l'image narcissique de réussite dont ils rêvent. Ils donnent le bâton pour se faire battre et acceptent les coups reçus... jusqu'à ce que la rupture surviennent. Prendre conscience cela est un pas énorme, difficile à faire, à accepter.
Il est toujours plus facile de se dire que l'on est victime, que l'on n'a aucune part de responsabilité.
bon aller, j'arrête, je deviens pénible... :saoul:
thé à la menthe et petits gâteaux marocains pour moi

gibus
Messages : 28
Inscription : dim. 2 sept. 2012 21:22
Présentation : http://adulte-surdoue.fr/presentations/ ... t2595.html
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 38

Re: Souffrance au travail

Message par gibus »

Intéressant ce sujet ;)

J'ai fini de lire il y a peu le livre de Christophe Déjours intitulé "Souffrance en France". Il a beaucoup travaillé sur la question de la souffrance au travail. Voici un passage que j'ai trouvé assez parlant de ce qui se passe dans le monde du travail. Pour info il s'appuie beaucoup sur la notion de "Banalisation du mal" par Hannah Arendt :
Christophe Déjours, 1998 a écrit :"Non seulement il y a peu de mobilisation collective contre l'injustice commise au nom de la rationalité stratégique, mais les braves gens acceptent d'apporter leur concours à des pratiques que, cependant, ils réprouvent et qui consistent principalement à sélectionner des gens pour les condamner à l'exclusion, sociale et politique, et à la misère, d'une part ; à exercer des menaces sur ceux qui continuent de travailler et brandissant leur pouvoir de les sélectionner pour les charrette de licenciements, et de commettre contre eux des injustices au mépris du droit, d'autre part.
....
Le Processus de banalisation du mal par le travail n'est pas nouveau ni extraordinaire. Ce qui est nouveau, ce n'est pas tant l'iniquité, l'injustice et la souffrance imposées à autrui par le truchement des rapports de domination qui lui sont coextensifs, c'est seulement le fait que ce système puisse passer pour raisonnable et justifié ; qu'il soit donné pour réaliste et rationnel ; qu'il soit accepté, voir approuvé, par une majorité de citoyens ; qu'il soit enfin prôné ouvertement, aujourd'hui, comme modèle à suivre, dont toute entreprise devrait s'inspirer, au nom du bien, du juste, du vrai. Ce qui est nouveau donc, c'est qu'un système qui produit et aggrave constamment souffrance, injustices et inégalités, puisse faire admettre ces dernières pour bonnes et justes. Ce qui est nouveau, c'est la banalisation des conduites injustes qui en constituent la trame."

Répondre