Le malentendu : tentative de philosophie collective

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Za
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Za »

Je pense, chapati, que ton postulat selon lequel les expériences de chacun lui sont propres et restent non-partageables aboutit à une contradiction.
chapati a écrit :Disons que la vie à fait que j'ai beaucoup souffert et toi peu.
Incroyable (et assez ironique), mais je crois qu'ici nous allons être obligés de clarifier ton terme "souffrir".
J'ai nettement l'impression que tu essayes de définir le souffrance d'une façon extérieure, objective. Autrement dit, tu juges de la souffrance par rapport aux expériences qu'ont vécu les deux personnes.
Qu'est-ce qui te permet de croire, d'affirmer, qu'un même évènement entraîne une même souffrance ? Que la hiérarchie des souffrances est la même pour chacun ?
En vérité, on commence à comprendre justement à quel point la souffrance est subjective, que ce soit en médecine ou en psycho. Untel va être traumatisé par un "rien" (un "rien"... pour un autre). Untel va endurer sans broncher la douleur d'une blessure grave. Pendant longtemps on a raisonné en terme de "il est plus courageux", "il prend sur lui" mais aujourd'hui dans le milieu médical , on accepte de reconnaître la souffrance non à la hauteur de l'événement traumatique, mais à celle de l'expression de cette douleur.

"J'ai beaucoup souffert et toi peu" : cette phrase n'a pas vraiment de sens (en plus d'être, à mon avis, la porte ouverte à des comportements qu'on ne se serait pas permis sans, mais c'est une autre histoire). Justement parce que je n'ai pas vécu à ta place, ni toi à la mienne. Comment dire alors qu'untel a souffert plus ou moins que l'autre ?
... Mais ça ne fait pas qu'on ne va jamais pouvoir se comprendre. Et heureusement. Nous disposons de deux outils assez géniaux qui vont aller de pair : l'empathie, et le langage.
Nous ne pouvons en effet juger de l'expérience des autres qu'au filtre de nos propres expériences. Bien sûr c'est imparfait, et on peut être trompé (volontairement ou pas). Mais c'est la seule chose qui nous permette, justement, d'approcher ce que chacun a vécu : j'estime tes expériences en fonctions des miennes, et uniquement en fonction des miennes. C'est déjà pas mal !!
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chapati a écrit :Tu ne comprendras pas la part que la souffrance peut arriver à faire dans ma vie, voire de ma vie, parce qu’au sein de ma façon de voir les choses, de voir le monde, la souffrance prendra une part infiniment plus grande chez moi que chez toi.
Grâce à la totale subjectivité de la souffrance, je peux me représenter, ou en tout cas approcher, ce niveau de souffrance dont tu parles.

Donc tu dis "c'est comme ça" ? J'aimerais bien savoir ce qui te permet de le dire, puisque tu n'es absolument pas à même de juger ce qu'ont souffert les autres par rapport à toi, sauf à entrer en dialogue et commencer à comprendre leur souffrance. Voilà la contradiction.

On pourrait étendre ce principe des expériences internes uniques et incomparables : chacun voit peut-être différemment les couleurs, entend différemment les sons, sent différemment les odeurs. Peut-être ! mais seul le langage, l'échange, nous permet d'approcher la réalité de l'autre. Du coup ce postulat est parfaitement inutile, puisque ce qui compte, ce n'est pas l'expérience objective, mais celle, subjective, que nous avons vécue de l'intérieur et allons pouvoir partager. Puisque nous parlons de ce qui est à travers nous-mêmes.

On ne parle en effet jamais exactement de la même chose. Puisque chacun a ses propres représentations en tête. Mais le "jeu" de la communication, c'est justement d'essayer d'approcher la représentation de l'autre et de faire naître en lui une représentation qui s'approche au mieux de la nôtre. Ça fait appel au vécu commun, à ce qu'on sait de l'autre et de sa façon de s'exprimer. Heureusement qu'on n'est pas obligé de faire un download total des données du cerveau de l'autre pour pouvoir se comprendre.

Oui, parfois ça échoue. Et ça peut conduire à un malentendu.
Mais ce malentendu là, cette méprise commune, qu'on peut difficilement imputer à l'un ou l'autre puisque c'est l'échec global d'un acte de communication, ce malentendu-là est fait pour être réparé.

Et tout l'intérêt est dans cette réparation.
Parce que si on pouvait simplement transvaser les représentations brutes d'une personne à l'autre, alors tout le monde serait d'accord et on aurait plus rien à se dire. Et ça n'avancerait pas, on tournerait purement en rond.
Il me semble que c'est dans le décalage, infime ou important, qu'il existe entre nos représentations, que naît le malentendu... et de lui l'échange, l'élargissement du champ commun. Et de lui la construction de quelque chose de nouveau.

Par contre je continue de penser que l'approche de PointBlanc (le malentendu en tant qu'outil social) est résolument intéressante, et probablement enrichissante... et je ne vois pas l'intérêt de la rejeter au seul titre qu'elle n'appartient pas encore à ton champ de pensée. Sincèrement, si tu en es à penser ça, que veux-tu faire d'autre que discuter avec toi-même ?
J'ai mis mon képi dans la cage
et je suis sorti avec l'oiseau sur la tête...
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Chacoucas
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

Hors-sujet
Chapati j'allais te proposer un petit jeu, si tu le souhaites. Je pars du principe que tu dis oui pour ne pas flooder le sujet en plusieurs messages, mais si c'est "non" pas obligé de continuer à lire.
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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

chapati a écrit :
Tu as du zapper mon texte (en page 1 de ce fil), où j’avais repris un exemple tiré d’un autre fil.
Là il était question d’un malentendu quant à la "souffrance", et la façon dont chacun a de s’en faire une idée qui pour moi ne peut que provoquer des malentendus. Je remets donc le raisonnement (un peu amélioré)
Je n'avais pas zappé ton message ici ni sur l'autre fil et je suis bien d'accord que le problème que tu poses existe et se manifeste assez fréquemment mais je trouvais que tu le posais un peu à l'arrache. Je suis d'ailleurs pas sûr de faire mieux.
chapati a écrit :… et comme toutes les choses sont en interaction dans la pensée, n’importe quel modification d’un repère de pensée entraîne un (ré)aménagement des autres. Aussi un type qui n’a jamais souffert ne peut pas voir le monde avec le même œil qu’un autre qui est plongé dans la souffrance. C’est comme ça.
Les émotions aussi modifient la vision d'un monde: la peur fera apparaitre patibulaire la mine de ce cambrioleur introduit dans la maison tandis que l'amour paternel aurait reconnu ( avant de tirer ) son fils revenu à l'improviste qui entreprenait de dévaliser le frigo sans réveiller personne.
On peut aussi voir un monde à travers une idéologie. C'est même fait pour ça.
Du coup, je ne prends pas tout à fait le problème comme toi: la souffrance me semble n'être qu'un cas particulier.

Pour aborder l'incompréhension, je me place du point de vue d'un observateur omniscient et les séparations que je fais n'excluent nullement qu'il ait des mélanges.
(En situation, il faudrait considérer l'asymétrie de l'information par exemple)

a) Il y a l'incompréhension banale, qui découle par exemple de l'ignorance involontaire ou du non-dit volontaire ou pas. Du fait que le cerveau humain a horreur du rien, il invente volontiers à l'aide de ce qu'il ne sait pas en croyant avoir entendu ce qui n'a pas été dit et même parfois sans savoir qu'il sait.
Jusque là, tout va normalement bien et ça ne provoque que des malentendus temporaires assez légers même s'ils peuvent avoir des conséquences graves. Légers parce qu'ils ne sont en principe pas très difficiles à débusquer quand les protagonistes pensent à chercher un peu dans la bonne volonté au moindre signe avant-coureur. Ce qui fait quand même des conditions...

b) Ca se complique quand ça s'accompagne de bêtise ( doxa ) ou d'une connerie idéologique. Parce pour éclaircir la situation, il ne va pas seulement falloir préciser quelque chose, mais il sera en plus nécessaire pour se faire comprendre de s'attaquer à l'ignorance crasse.
Et ce faisant, chaque fois qu'on dira quelque chose, il faudra tenir compte de ce type de difficulté et ses extensions si on en a connaissance. Ce n'est pas évident du tout, même dans un cas simple où il suffirait sinon de s'expliquer clairement avec en cadeau l'outillage mental pour les comprendre.
Là, y a déjà tout ce qu'il faut pour un malentendu sournois mais ça va encore assez bien à condition que les interlocuteurs puissent envisager son existence. C'est même l'occasion d'en faire un beau désaccord déjà vif et bien musclé, à chasser ou engraisser entre gens d'un même monde qui n'en ont pas la même vision.
En gros, ils ont accès aux mêmes objets et plus ou moins aux mêmes agencements mais ne sont pas d'accord sur ceux qu'il faut privilégier.
Du moins c'est ce qu'on peut espérer si on ne creuse pas trop.

c) Ca commence à devenir intéressant quand deux structures pensantes ne partagent pas les mêmes objets. C'est-à-dire que des objets n'existent pas ici ou là, sans parler des agencements pour lesquels ils sont nécessaires.
(remarque: je ne parle pas ici nécessairement d'êtres humains: par exemple on peut considérer deux systèmes juridiques ayant des crimes et délits différents, des procédures différentes et bien sûr des agencements différents )

C'est quoi un objet ? Ben d'une façon étonnante, si mes yeux reçoivent du marron et du vert en quantité suffisante, que les protéines de ma peau déclenchent à la fraicheur et que mes oreilles entendent un doux bruissement, eh bien, aidé par le langage, je condense tout ça comme étant un arbre.
En gros, pour pouvoir en parler, va déjà falloir que mon cerveau me bricole un objet à partir du réel, puis que je/on (me) bricole un concept à partir de l'objet avec un mot bien choisi arbitrairement.
Pour construire des objets plus compliqués et produire des agencements autour de ces objets complexes, ça peut prendre du temps et demander de faire des études longues et spécifiques et des bricolages eux aussi plus complexes.
Certains de ces objets sont assez peu tangibles comme démocratie, amour, souffrance, les armes de destruction massives de Saddam Hussein, une partie de l'affaire d'Outreau, etc.
Et plus seront utilisés des objets compliqués et/ou peu tangibles, et moins il y aura de chance que deux personnes en aient la même représentation. Ca peut aller du mot qui ne correspond à rien à quelque chose qui n'a pas de nom.

Un observateur omniscient un peu bestial pourrait voir les réalités des gens comme des cartes de géographie, par rapport à sa carte de référence qui serait complète et exacte. Et des gens seraient en train de discuter, l'un avec une zone en plus demandant quelque chose pour l'améliorer à l'autre ayant une zone en moins à cet endroit, sans même un trou pour repérer cet emplacement. Alors, le second prendrait un autre objet plus ou moins au hasard et déciderait que c'est de ça dont le premier lui parle (le cerveau a horreur du vide). Manque de pot, c'est parfois là que le second a un truc en trop et que le premier n'a rien, etc. Curieusement, ce genre de complémentarité est assez fréquent.
C'est pas impensable de communiquer dans ces conditions mais faut prévoir l’innommable par ex pour qu'il ne le reste pas.

Avec beaucoup de temps, de patience ( y a qu'à mettre toute la liste des qualités humaines et ça ira plus vite), il est parfois possible de transmettre à quelqu'un la possibilité d'une création et/ou une destruction d'objet. Ce n'est pas évident, surtout passé un certain âge quand les gens sont déjà si content d'avoir appris à traverser la rue sans se faire écraser et de le prouver chaque jour.
Et aussi il y a une vague correspondance entre la structure d'un monde déglingué ou incomplet et celle du langage avec lequel il va s''exprimer ou recevoir des informations. Du coup, le langage va souvent être impliqué dans l'incompréhension.
Car en fait, le langage fait partie de la carte et c'est assez difficile de le retaper. Ca ne se résout pas seulement avec de la bonne comm' de base et un peu de bonne volonté.
( si ça intéresse quelqu'un, j'avais essayé de parler un peu du langage sur ce fil pas très long:
http://www.atoute.org/n/forum/showthread.php?t=200505 )

Et là où ça devient franchement sportif, c'est quand les processus (qu'on les appelle phantasia, schématisme, symbolisation, etc ) d'accès aux objets ou même ceux de création/destructions des zones sont inexistants ou déglingués, parce qu'ils font aussi partie de la carte... Ou encore quand des désirs qui sont nécessaires pour certains objets sont absents... Quand c'est "je" ou "moi" qui en font partie...
(pour les objets en trop, c'est bien aussi )

d) Et pour finir, dans ce cas où des processus mentaux n'existent pas il y a ceux qui permettraient à la structure pensante de réaliser et d'accepter qu'il y ait dans son monde et pour/par elle-même une possibilité d'incompréhension ou de malentendu. Il faudrait pour ça que la structure pensante soit équipée d'un retour sur elle-même lui permettant d'envisager des limites, d'envisager que l'autre puisse exister avec la même capacité mais d'autres limites forcément mal connues, etc. Eh bien, c'est pas toujours le cas et loin de là.

Bon, ici faudrait éclater en sous-cas parce c'est très rare que tout manque et aussi que tout soit présent et en activité constante. Et ça dépend aussi des régions concernées et des moments. Par exemple quelqu'un peut fort bien admettre qu'il peut ne pas comprendre, mais pas dans tous les domaines et il peut aussi en même temps ne pas envisager que l'autre puisse ne pas avoir compris ce qu'il a pourtant dit de façon si claire (ce qui exclut de concevoir le malentendu mais pas de conclure à une volonté de nuire).
Cas fréquent: on peut savoir tout ça intellectuellement et ne pas l'avoir compris au sens où l'on ne sait pas l'appliquer au moment qu'il faudrait et durablement de surcroit

La communication s'en ressent mais je ne la ressens pas comme étant le problème premier. On peut toujours essayer de communiquer dans ces conditions, mais ça revient à essayer de vider la mer. L'accouchement s'il arrive sera atroce et l'enfant très probablement mal formé.
A la limite, un malentendu inutile peut se développer à partir de la croyance réciproque en la possibilité même d'une communication efficace - des promesses sincères d'honnêteté auront été dites - et dans l'attente de résultats rapides et bénéfiques.

********
Les cas a) et b) me semblent plus fréquemment rencontrés mais peut-être seulement parce qu'ils sont les plus faciles à décrire après avoir été résolus. Mais pour moi, l'incompréhension, c'est surtout les cas c) et d) qui peuvent engendrer de vrais beaux malentendus où à la limite il n'y personne pour dire et personne pour écouter. Et pourtant, ça parle et surtout ça dure.
chapati a écrit :Aussi la seule façon d’avoir une chance d’échapper au malentendu, c’est en gros d’être capable de comprendre à peu près la totalité de la façon de penser de l’autre. C’est d’ailleurs précisément le genre de truc qu’on demande aux étudiants en philosophie (par rapport aux philosophes).
Et moi, je prétends que c’est valable pour n’importe qui, dans la mesure où chacun a sa propre vision du monde, vision qu’il envisage comme cohérente (quoi qu’en pensera son voisin).

Bref, le problème du malentendu, c’est celui de l’incompréhension.
(sinon on parle de simple quiproquo)
Je ne pense pas qu'il y ait besoin de comprendre à ce point la pensée de l'autre ni d'ailleurs que ce soit en général possible quand ce n'est pas une pensée travaillée pour être communiquée. Ce qui n'est pas le cas le plus fréquent ( et on ne demande même pas ça avant très longtemps aux étudiants en philo). Je ne suis pas donc pas très optimiste en pratique sur le partage des univers mentaux bien que ça ne semble pas totalement impossible .
( Par exemple, je me souviens d'avoir mis 4 ou 5 ans avant de percuter sur ce qu'un ami cinéaste entendait par "regarder un film" ( Thomas Kuhn a écrit des trucs sur l'incommensurabilité ) et je me suis parfois surpris moi-même: il m'est arrivé de ne comprendre mes propres écrits - genre 70 pages quand même - qu'en annotant le travail de quelqu'un d'autre. Je les avais d'ailleurs mis de coté parce que je bloquais même si c'était correctement raisonné et argumenté )

Et Il ne suffit pas toujours, mais c'est pas mal d'être au courant que l'incompréhension existe et qu'elle est souvent cause de malentendus très difficiles à localiser quand on ne s'en doute pas. On peut ensuite avancer prudemment et limiter la casse et parfois même comprendre quelque chose venant de l'autre. Je ne considère pas comme un malentendu l'étape qui l'a précédé dès lors que tout le monde en a (eu) conscience même si effectivement on comprend pas ou mal. Enfin, ça, c'est une question de choix.

J'observe quand même que grâce au langage technique et/ou scientifique, des gens ont réussi à faire une navette spatiale qui vole et aussi à la faire exploser une ou deux fois grâce au malentendu ( ou à des variantes proches ).
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Chacoucas
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

et je me suis parfois surpris moi-même: il m'est arrivé de ne comprendre mes propres écrits - genre 70 pages quand même - qu'en annotant le travail de quelqu'un d'autre. Je les avais d'ailleurs mis de coté parce que je bloquais même si c'était correctement raisonné et argumenté
Ca ça m'intéresse (et ta liste aussi, mais je n'ai rien à dire dessus pour le moment). Et ça me permet éventuellement de mieux comprendre ça:
"Comme on est ici en philosophie, je propose de parler d'oubli pour justifier qu'un malentendu puisse durer au-delà de quelques quiproquos et ne jamais désigner son réel objet qui est souvent (au moins) une incompréhension insupportable(?) des conséquences de la vision du monde de l'autre, ou même de l'existence d'une vision du monde autre."
Tu y vois un lien? dans la mesure où un toi-même aurait des idées insupportables de conséquences pour un autre toi-même. J'ai expérimenté ça dans des états d'altération de la conscience surtout(chimique, ou alors le rêve, en particulier le moment où tu te réveilles et tu portes encore le personnage que tu étais, et tu commences à peine à rassembler les idées pour être le personnage "réel" que tu es). Et je me suis expliqué ça comme étant le fameux "inconscient" (ou "un des", c'est probablement plus vaste et complexe qu'une identité un inconscient). Les idées "insupportables" ne sont du coup jamais ressenties comme telles, puisqu' oubliées et recouvertes par une autre structure identitaire. Tout au plus ces épisodes de "transfert" de conscience d'une identité à l'autre, d'un "savoir" à l'autre permettent d'en traquer le fil et de laisser circuler des informations/savoir. A condition qu'ils soient transférables ou passables (je pense que "ce qui ne peut ou ne doit pas passer la frontière" c'est essentiellement ce qui compromettrait ton existence sociale et ton intégration au groupe "société": par exemple des notions qui deviendraient un sentiment d'injustice extrêmement oppressant et de fait "insupportable" ou "incompatible" avec l'existence sociale telle qu'elle est demandée. Ou simplement des savoirs et conceptions (ou souvenirs et interprétations de perceptions, éventuellement celles qui précèdent l'acquisition de la langue) qui ne sont pas compatibles avec les conceptions et perceptions demandées par ce social, simplement.).

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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

Chacoucas a écrit :
samjna a écrit :et je me suis parfois surpris moi-même: il m'est arrivé de ne comprendre mes propres écrits - genre 70 pages quand même - qu'en annotant le travail de quelqu'un d'autre. Je les avais d'ailleurs mis de coté parce que je bloquais même si c'était correctement raisonné et argumenté
Bon, là il s'agissait essentiellement du mélange de blocages de type a) et de type b). C'était pour dire que même une incompréhension "simple" chez soi peut être difficile à débloquer - à supposer ensuite qu'on la laisse se produire. Soit qu'on ne trouve pas la pièce manquante qui fait que ça s'imbrique, soit qu'on n'ait pas la maturité (émotionnelle) pour accepter ce qu'on sait.
Et bien sûr, si je suis dans le cas c) ou un objet du monde de l'autre n'existe pas dans le mien. La difficulté est qu'il est inenvisageable pour moi ( sauf si confiance ).
Chacoucas a écrit : Ca ça m'intéresse (et ta liste aussi, mais je n'ai rien à dire dessus pour le moment). Et ça me permet éventuellement de mieux comprendre ça:
"Comme on est ici en philosophie, je propose de parler d'oubli pour justifier qu'un malentendu puisse durer au-delà de quelques quiproquos et ne jamais désigner son réel objet qui est souvent (au moins) une incompréhension insupportable(?) des conséquences de la vision du monde de l'autre, ou même de l'existence d'une vision du monde autre."
Tu y vois un lien?
Y a pas de lien précis sinon qu'il s'agit de compréhension et que c'est compliqué avec de nombreuses intrications. Parfois, l'irruption à l'existence d'un objet va restructurer un monde et cet événement peut causer quelques tracas. Par exemple sur ce forum, y a l'exemple de l'arrivée à l'existence de l'objet "douance", appliqué ou non à soi-même, à tort ou à raison, qui semble avoir bouleversé la réalité de quelques personnes et changé leur place dedans.
Mais on peut généralement éviter ce genre de bouleversement (la création c'est aussi/souvent destructif et ça peut s'annoncer par diverses angoisses (anéantissement, morcellement, etc)). Bloquer la compréhension, c'est le "choix" du faux-self et/ou de la mauvaise foi.
Enfin, développer ça me semble hors-sujet sur ce topic (tu peux jeter un oeil sur le thème du regard chez Sartre p.ex ).

L'idée que je trouve surtout importante pour le malentendu, c'est que les objet "malentendu" et "incompréhension" puissent ne pas exister au moins temporairement. Il en est d'autres, comme l'erreur fondamentale d'attribution, mais les deux premiers "sont" déjà bien utiles.
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Chacoucas
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

Bon en fait là j'ai envie de faire ce que les gens détestent chez les psychanalystes et envisager un autre sens. Jusqu'ici on est parti sur malentendu comme "c'est mal entendu" plus ou moins. Mais là tu ouvres la porte à une autre perception: "il y a un "mal" (le nom) entendu". Là on n'est plus dans une optique d'intentionnalité comme point blanc le proposait mais de réception plus ou moins consciente: on entend quelque chose de "mal", même si on ne le conscientise pas ou si on ne saurait le décrire, et il y a une réponse émotionnelle, ou gérée par la structure identitaire pour mettre ce mal en quarantaine. (le mal est (sous)entendu dans ce qui est dit, "entendu dans ce qui est dit", dans un sens de "compris=inclus", et on le "sent" plus ou moins, ne fut-ce que comme un vague malaise ou une vague sensation gênante). Si on le conscientise ça devient "un "mal" entendu", dans le sens où on l'entend, le comprend, il est identifié comme tel (ce qui ne veut aucunement dire que la perception comme "mal" soit pertinente).

Du coup dans ces deux conceptions de malentendu, "comprendre" le malentendu demanderait en soi une plus grande attention à la déconstruction de sa propre identité et de ses propres valeurs, qu'une analyse du discours de l'autre et de qui est cet autre. Le malentendu est dans nos propres perceptions de ce qui est ou pas acceptable, énonçable, compréhensible, et non plus "dans" le message transmis lui même ou dans la manière dont on le transmet. Le "mal" étant une perception, il est porté par notre structure identitaire avant toute chose.

Je le dis autrement mais c'est un peu ce que tu énonces non?
Parfois, l'irruption à l'existence d'un objet va restructurer un monde et cet événement peut causer quelques tracas.
Dans le cas de la douance le "mal" n'en est pas sémantiquement un donc ça peut "faciliter" la remise en question (on va finir par la faire en se motivant et s'auto-congratulant si besoin il en était pour pouvoir "forcer" un peu l'acceptation). Mais dans le cas d'un "objet" qui ne porterait pas une culture avec consensus (la douance est portée par les auteurs spécialisés, l'institution psychométrique, plusieurs décennies d'histoire: rien d'inacceptable socialement là dedans, c'est "scientifique", et ceux qui la critiquent n'ont pas d'appuis scientifiques, aucun argument d'autorité, leur vision est facilement mise de côté) le "passage" et l'"acceptation" peut être autrement plus problématique. (par exemple prendre conscience du déterminisme socio culturel ou du déterminisme des classes, pour quelque chose de relativement facile d'accès mais problématique).

Je ne suis pas spécialiste, mais dans ce cas, je pense que c'est une définition relativement proche de ce qui peut se passer "aussi" entre le Soi et l'inconscient. Le conflit d'intérêt entre un Soi tout socialisé et socialisable construit des consensus et valeurs portées par l'environnement humain, et un inconscient d'une autre nature et d'une autre logique, parfois à contre courant ( l'imaginaire collectif d l'inconscient comme origine de pulsions brutes incontrôlables, criminelles etc... Alors que probablement l'inconscient n'a rien de tout ça, c'est la perception sociale qui y "entend"(inclut) un "mal").

Et comme tu le dis, l'objet "malentendu" ou "incompréhension" n'existe pas dans ce cas là. On va parler de "ne pas comprendre ses rêves" ou "ne pas comprendre ses émotions" mais ça n'ira pas au delà. L'incompréhension n'est pas conceptualisable en tant que telle sans la démarche psycho et les conceptions liées.

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arizona
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par arizona »

Du message de Samja, j'ai retenu la notion de malentendu avec soi-même, non pas dans sa notion de "mal", comme tu en parles Chacoucas, ou de conflit avec soi-même, mais plutôt dans le sens de surprise.
J'ai un peu de mal à expliquer cela, mais ce serait comparable à une prise de conscience ? C'est cela ?
Le malentendu n'est pas forcément avec l'autre.
Ca se complique.
Si nous n'étions pas d'ici, nous serions l'infini.
D'une chanson.

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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

arizona a écrit :Du message de Samja, j'ai retenu la notion de malentendu avec soi-même, non pas dans sa notion de "mal", comme tu en parles Chacoucas, ou de conflit avec soi-même, mais plutôt dans le sens de surprise.
J'ai un peu de mal à expliquer cela, mais ce serait comparable à une prise de conscience ? C'est cela ?
Le malentendu n'est pas forcément avec l'autre.
Ca se complique.
Alors oui, ça a à voir avec la prise de conscience. Mais ça dépend un peu des définitions.
Selon moi, je peux avoir une prise de conscience et ne rien en faire, voire l'oublier. Alors que si une compréhension se produit, cet événement va faire quelque chose de moi et c'est irréversible au moins pour un bon moment (jusqu'à la suivante disons). Bon, c'est pas toujours grandiose non plus.
Et bien sûr, une prise de conscience peut préparer ou suivre une compréhension.

Je pense pas quand même que ce soit judicieux de parler de malentendu avec soi-même. Plutôt de "mauvaise foi" ou autres trucs du même genre version psy.
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Chacoucas
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

Je pense pas quand même que ce soit judicieux de parler de malentendu avec soi-même. Plutôt de "mauvaise foi" ou autres trucs du même genre version psy.
Je ne sais, pas, j'ai commencé à "penser" ces choses là en termes d'hypocrisie et de mauvaise foi ou "mensonge à soi-même", mais le défaut de ces appellations, même si ce sont les plus "faciles" à comprendre de prime abord je pense, c'est qu'elles sous entendent toutes qu'il y a une intention, un "fait exprès" conscient à plusieurs niveaux. Ca peut correspondre au second cas que je suggérais
Si on le conscientise ça devient "un "mal" entendu", dans le sens où on l'entend, le comprend, il est identifié comme tel (ce qui ne veut aucunement dire que la perception comme "mal" soit pertinente)
Mais par contre le premier cas on a vraiment affaire à une inconscience de sa propre structure identitaire et psychique qui est en train d'influencer les perceptions et le raisonnement.
si on ne le conscientise pas ou si on ne saurait le décrire, et il y a une réponse émotionnelle, ou gérée par la structure identitaire pour mettre ce mal en quarantaine.
Et c'est "pas sympa" de traiter de menteurs ou d'hypocrites des gens de toute bonne foi. A priori de toute façon dans ce cadre on est tous de fieffés hypocrites, et ce qui donne un espoir de pouvoir "identifier" nos hypocrisies c'est le fait de faire sur soi même des démarches de déconstruction un peu complexes, que d'une part tout le monde ne fait pas, mais probablement peu de monde est même "capable" de faire. Avec ou sans aide d'un psy.

Arizona, peut être j'ai un peu "compliqué" le truc en parlant de "mal", mais c'était pour bien tracer le lien entre "malentendu" et ce dont on parle. "Mal-entendu". Parce qu'en effet on est un peu loin de ce qu'on entend généralement par malentendu ici. Et ça commence à être un peu profond/complexe. Quelque part j'ai un peu fait ça pour "paver" la route parce que j'étais pas sur de pas voir quelqu'un reparler de "hors sujet" :)

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Euthyphron
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Euthyphron »

Alors j'essaie de simplifier.
Quand on parle de malentendu, on déplore une incompréhension, mais on dit deux choses de plus :
1) c'est involontaire. |-)
2) cela peut se corriger si l'on s'explique. :occasion14:
Est-ce que tout le monde est d'accord avec ça?
Je précise que je suis d'accord pour trouver de l'intérêt aux cas d'incompréhension volontaire, ainsi qu'à ceux d'incommunicabilité irrémédiable. Mais la notion de malentendu (qu'elle soit employée sincèrement ou non) sert à nous dire que nous ne sommes pas dans ces deux cas de figure.
Qu'en pensez-vous?

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pairlapinpin
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par pairlapinpin »

Euthyphron a écrit :Qu'en pensez-vous?
Que chacun mène sa barque, qui, à la coque arrimée, fait dériver la discussion-bateau dont le mât lent tendu vers le ciel cherche un nouveau vent tard.

Bref :
Euthyphron a écrit :Alors j'essaie de simplifier.
Quand on parle de malentendu, on déplore une incompréhension, mais on dit deux choses de plus :
1) c'est involontaire. |-)
2) cela peut se corriger si l'on s'explique. :occasion14:
C'est synthétique.

1) OK
2) pas OK. Cf. la tentative de résolution de l'incompréhension qui mène au cas où cette incompréhension semble à chacun avoir été levée, mais ne l'a, en réalité, pas été.

Sur la tentative de philosophie collective, j'avoue ne pas trouver mon compte, et je n'arrive pas à identifier pourquoi.
Peut-être est-ce la forme de l'échange, via forum, qui ne me convient pas ? J'ai aussi relevé des difficultés à suivre certains messages, qui au lieu de préciser les choses, faisaient croître la complexité dans des apartés ultra-parenthésés. J'avoue préférer la simplification via la modélisation testable à la description littéraire qui me perd, d'autant plus que le vocabulaire utilisé est riche et savamment manié. Ça me fait me sentir bête, ou, guère plus heureusement, inadapté.

Exemple de parenthèse, le malentendu avec soi-même : pourquoi pas ? Le lapsus en est un cas. On dit quelque chose en pensant dire autre chose, et s'ensuit parfois un quiproquo (généralement le lapsus est, au contraire, révélé, et on en rigole), qui peut mener au malentendu. Un cas extrême serait celui de Memento dans lequel le héros se transmet des messages à l'aide de tatouages sur son propre corps. Je spoile pas, mais y'a du malentendu sévère entre lui et lui-même.

Ce qui différencie l'incompréhension du malentendu, c'est peut-être aussi le regard qu'on lui porte a posteriori.
nemo a écrit :Est ce que le malentendu existe en soi sans forcément que les personnes en présence en aient conscience ou est-il l'accord, le compromis, né du constat partagé d'un échec de transmission?
Il y a un choix de définition à faire : le malentendu est-il l'incompréhension d'origine ou bien la situation qui en résulte ? On peut dire les deux. Depuis le début, on discute plutôt du premier, me semble-t-il.
Partant de là, et toujours concernant le regard a posteriori, il ne suffirait pas qu'une incompréhension soit passée inaperçue pour que l'incompréhension, une fois son constat partagé (suite à sa découverte via ses effets), soit appelée malentendu. Mais alors, quels sont les critères de cette transformation d'incompréhension en malentendu ?

Le temps séparant l'origine de la découverte de l'incompréhension ? Des propriétés des effets de l'incompréhension ?
samjna a écrit :Mais pour moi, l'incompréhension, c'est surtout les cas c) et d) qui peuvent engendrer de vrais beaux malentendus où à la limite il n'y personne pour dire et personne pour écouter. Et pourtant, ça parle et surtout ça dure.
c) et d) seraient pour toi des conditions nécessaires qui interdiraient que les autres cas dont a) et b) produisent des malentendus ?

Enfin, pour chercher la contradiction, peut-il exister un malentendu qui ne soit pas une forme d'incompréhension ?

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Chacoucas
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

Partant de là, et toujours concernant le regard a posteriori, il ne suffirait pas qu'une incompréhension soit passée inaperçue pour que l'incompréhension, une fois son constat partagé (suite à sa découverte via ses effets), soit appelée malentendu.
J'avoue ne pas avoir suivi ta déduction, tu pourrais la détailler un peu?

Quant au malentendu qui ne résulte pas d'une incompréhension, le "mensonge à soi-même" dont on parlait ne résulte pas d'une incompréhension, plutôt d'une incompatibilité entre ce qui est demandé socialement par l'éducation/apprentissage et de ce qu'on est au fond, à la toute base.

Et cas moins "aparté", le cas où le malentendu comme situation résultante quand il est "imposé" par un des deux partis: aucune incompréhension n'a lieu, on ne fait que s'abriter derrière la confusion entretenue par sa mention. Non?

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pairlapinpin
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par pairlapinpin »

Chacoucas a écrit :
Partant de là, et toujours concernant le regard a posteriori, il ne suffirait pas qu'une incompréhension soit passée inaperçue pour que l'incompréhension, une fois son constat partagé (suite à sa découverte via ses effets), soit appelée malentendu.
J'avoue ne pas avoir suivi ta déduction, tu pourrais la détailler un peu?
Ah flûte, comment je reformule ça ? Je vais tenter ça :

Je pars du principe qu'un malentendu est une incompréhension.
À l'inverse, toute incompréhension n'est pas un malentendu.
Il existe donc une différence, et c'est une des choses qu'on cherche dans cette discussion.
Peut-être que lorsqu'on aura défini précisément ce que c'est, on saura alors comment l'éviter, qui était la question à suivre si j'ai bien compris.

Dans la famille des différences, je perçois deux grandes lignées : celle propre à l'incompréhension elle-même. Par exemple si je te dis "zkfj sap;s jshak!", c'est incompréhensible, et tu es donc face à l'incompréhension de ce que j'ai écrit. Difficile de bâtir un malentendu là-dessus.
En revanche, en écrivant "zkfj sap;s jshak!" j'ai explicité le phénomène de l'incompréhension au travers d'un exemple et je suis sûr que tu l'as bien compris. Donc finalement, tu as compris ce qu'il y avait à comprendre, me semble-t-il, te semble-t-il (j'en fais l'hypothèse).

Puis la discussion continue, et, bientôt on s'aperçoit qu'en fait, parce que mon exemple était peut-être pourri ou que sais-je, non, on ne s'est pas compris lors de cet échange. Il y a eu incompréhension. Toutefois, entre le moment de cette découverte et cet instant même, là, où tu lis ces lignes, il y aura eu des échanges. Dans ces échanges, nous penserons nous être compris alors qu'en fait, non. Et nous dialoguerons alors dans un monde dans lequel la graine du malentendu a été semée.
Le malentendu pousse jusqu'au moment de sa découverte. Ce que nous découvrons, c'est une incompréhension, et nous découvrons cette incompréhension initiale car quelque chose nous la révèle dans nos échanges subséquents.
A priori, il n'y a pas lieu de parler de malentendu, c'est une incompréhension. Pourtant nous allons parler de malentendu (autre hypothèse).

Qu'est-ce qui fait que nous allons alors décider que l'incompréhension est un malentendu ?
C'est ce que je résumais en "regard a posteriori".
Nous allons peut-être nous rendre compte que nous dialoguions de manière parallèle, le quiproquo baignant nos propos.
Ce quiproquo, né d'une incompréhension peut-être sans particularité, engendre une situation.
Si je prends le parti, ici, de dire que l'incompréhension initiale n'a pas de particularité, et ne peut donc, à elle seule, expliquer le glissement vers le malentendu, il faut donc trouver le malentendu soit dans la mécanique faisant pousser la graine de l'incompréhension en malentendu, soit dans le contexte, soit un grand mix de tout ça : le regard qu'on porte à l'ensemble des choses, dans une grande synthèse intuitive qu'on arrive pas encore à démêler.
C'est la deuxième lignée.

Si j'ai bien compris la position de PointBlanc, par exemple, il s'agit, dans le cas d'une communication interpersonnelle, a posteriori, de l'acceptation unanime d'une responsabilité partagée de l'incompréhension, qui permet de dépasser cette incompréhension et de se resynchroniser pour avancer de nouveau dans la compréhension mutuelle.

Ça me plaît mais ne répond pas au cas de Memento précédemment cité (pas de négo possible, pas de reformulation possible, etc.). Et j'ai du mal à enfourner dans cette vision les malentendus non verbaux, genre "il s'est garé sur ma place de parking le salaud, alors que je lui ai dit hier que c'était la mienne, c'est donc exprès, donc ceci donc cela", alors qu'en fait c'est pas la voiture du supposé salaud, ou alors c'est pas lui qui l'a garée là, etc. Dans cet exemple, un contexte va encombrer les esprits lors d'une communication postérieure (éventuellement elle aussi non verbale) et c'est la nature conflictuelle du contexte (toujours pour donner un exemple) qui donne à l'incompréhension son statut de malentendu.
Autrement dit : on se fait la gueule, chacun imagine des trucs, le dialogue rompu ou perverti n'empêchant pas la communication de continuer à nourrir le malentendu. On décrète que c'est un malentendu car on constate a posteriori que l'incompréhension vérifie la proposition "générée par un contexte conflictuel".
(je m'aperçois en re+relisant qu'Euthyphron avait déjà noté cette limite).

Mais bon, c'est peut-être un eu naïf de vouloir expliquer un truc flou en passant par des concepts précis qui tomberont toujours à côté à un moment ou à un autre.
Chacoucas a écrit : Quant au malentendu qui ne résulte pas d'une incompréhension, le "mensonge à soi-même" dont on parlait ne résulte pas d'une incompréhension, plutôt d'une incompatibilité entre ce qui est demandé socialement par l'éducation/apprentissage et de ce qu'on est au fond, à la toute base.
Je suis largué. Un exemple ?
Du genre, je suis blanc, je suis élevé chez les noirs, je suis aveugle, je n'arrive pas à percevoir ma différence, personne ne m'a rien dit, et le jour où je la découvrirai, je comprendrai des réactions qui m'avaient échappées jusqu'ici, et je m'apercevrai alors que j'avais vécu dans un gros malentendu ?
Je ne comprends pas parce que, par exemple, l'éducation, pour moi, ne précède pas ce qu'on est à la toute base. J'en ai eu la conviction en observant mes enfants et en découvrant qu'ils avaient des traits de personnalité seulement âgés de quelques jours. Bon, je me suis peut-être fait un film, mais j'y crois et c'est pas bien méchant si c'est faux.
Chacoucas a écrit : Et cas moins "aparté", le cas où le malentendu comme situation résultante quand il est "imposé" par un des deux partis: aucune incompréhension n'a lieu, on ne fait que s'abriter derrière la confusion entretenue par sa mention. Non?
Là aussi, je suis perdu. Le malentendu il vient d'où exactement ?
Ce qui me manque pour suivre ta pensée, c'est la mécanique de fabrication de ce malentendu. Un exemple peut aider.
Ceci dit, j'ai distingué (peut-être à tort) le malentendu comme situation résultante du malentendu comme origine d'une situation. Je partais du principe que le malentendu est nécessairement une incompréhension, et donc j'ai peut-être des œillères tellement balaises qu'elles m'empêchent de voir ce que tu veux me montrer.

J'ai une vague sensation de largage et de flood.

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Chacoucas
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

T'inquiète pour le flood, "vents tards" ou non on floode forcément un peu: on s'explique, on débat, on démontre etc... :lol:

Pour toute ta première partie, il me semble que c'est "contexte" le mot clé: Point Blanc c'était "intention" (et son approche par la diplomatie), pour beaucoup de posts c'était "incompréhension" (la définition à laquelle tu te rattaches un peu aussi mais tu essaies de soulever autre chose je crois), entre samjna et moi c'était plutôt "conscience" (les mécanismes mentaux, identitaires, communicatifs qui font qu'on est "conscient" ou pas de certaines choses). On a déjà des définitions pas forcément compatibles entre elles. Complémentaires par contre.
Donc en gros tu veux dire que le malentendu se distingue de l'incompréhension selon le contexte?

A ce propos, et pour plus largement revenir à des problèmes de méthode: pour dire qu'une incompréhension peut ou pas évoluer vers un malentendu il faudrait définir malentendu pour bien suivre non? Tu avais fait cette distinction intéressante entre mécanique d'origine et situation résultante (je réponds à ta dernière remarque: je reprenais tes termes, simplement) et tu lies ça au contexte, je ne crois pas qu'on ait vraiment développé ce qu'on peut dire dans cette optique, intéressant. Mais tu ne m'as pas dit en quoi l'incompréhension et le malentendu étaient différents, du coup je suis ta démonstration dans le noir.
Et plus largement, comme je disais bien plus haut, à creuser des détails à partir d'un vocabulaire flou (malentendu, incompréhension etc...) on finira par se perdre, déjà parce qu'on ne se donne pas les outils lexicaux pour tenir compte de ce qui a déjà été dit. Il faudrait une manière de désigner rapidement la définition de Point Blanc, ce dont on a parlé avec Samjna (qui a l'air de t'avoir perdu, comme Arizona je crois, ptêtre Euthyphron aussi), ce que tu amènes, ou les diverses mécaniques déjà suggérées. Sans ça on va immanquablement faire des redites qui ne bénéficient pas de la réflexion "commune" déjà faite.

Et pour ce qui t'a largué... Samjna parlait de mécanismes très psychologiques (entre autres la perception d'un objet ou d'une idée qui menace sa propre stabilité et structure), et moi j'ai fait des liens avec d'un côté l'inconscient/le conscient d'un individu. Memento serait un exemple pas tout à fait HS même si on peut questionner la présence d'un inconscient: dans son cas la mémoire n'est même pas inconsciente, juste inexistante.
Mais c'est familier, et ces malentendus avec soi même sont par exemple dans l'interprétation de ses émotions (exemple: mes désirs profonds, inconscients sont d'avoir de l'estime et la confiance d'une personne, ainsi qu'une forme d'exclusivité dans la relation, quelque chose qui ne soit "qu'à moi" pour m'identifier comme "moi". Naturellement dans mon contexte éducatif et idéologique je vais penser le couple comme relation exclusive et fidélité sexuelle. Ces libertins dévoyés qui ne pensent qu'à salir le sexe en renonçant à la toute sainte fidélité me font horreur. Pourtant une non exclusivité sexuelle est probablement compatible avec une relation amoureuse dans une certaine mesure. Mais au final mon inconscient va me travailler, surtout quand mon "couple" ne m'apportera plus ce que je désire, embourbé dans les non dits que j'aurai participé à créer, je vais éventuellement finir par tromper ma femme, me détester et détester mon amante passagère, en profiter pour lui faire payer mon erreur parce qu'il faut bien décharger ses émotions quelque part, et quand un jour ma femme m'annoncera qu'elle m'a trompé, ou pensé le faire, je m'écrierai "ah je ressens de la trahison, l'autre est un traître, il est mauvais!" alors que le sentiment ne dit "que" le fait qu'on ait ressenti de la trahison... en regardant les dynamiques entre les idées et les personnes, ce qui changera un peu les perceptions, le sentiment peut devenir de la satisfaction...)
Ou encore dans les rêves, ils sont aussi dans le fait de se sentir stupide parce qu'on pense différemment, ces malentendus avec soi et l'intervention d'un "inconscient" où se stockent des informations et vécus qu'on ne peut intégrer à notre identité.
D'un autre côté j'ai aussi fait un lien avec la communication et l'expression: par exemple "dire" qu'on ne soutient pas un monde construit sur des cases mais faire référence à une "norme" et à des profils particuliers dans son propre comportement ou ses réflexions, voire sa propre définition de soi. La structure résultante est bâtie sur des confusions, peu de chances qu'il n'y ait pas de conflit intérieur ou dans le discours à l'arrivée. C'est le même schéma que l'exemple précédent en fait, mais au lieu de me concentrer sur la mécanique je regarde la manifestation.

Et enfin, le malentendu "imposé": c'est simplement de la mauvaise foi assumée: exemple un peu avec Dieudonné une fois "pris" dans son image d'antisémite et ne pouvant plus s'en extraire. Autre exemple (fictif): je veux me taper la femme d'un pote, je fais des activités avec eux, je sème le doute et la discorde à coups de suggestions discrètes toujours interprétables de manière "sure" mais portant des idées bien plus conflictuelles, et quand on me dira (l'un ou l'autre, si mes intentions sont différentes pour les deux, en revanche mon attitude gardera la même nature double, rester crédible tout en entretenant le doute)"mec j'ai l'impression que tu veux quelque chose là" je dirai "ah mais non, il y a malentendu". L'autre sera par respect "forcé" d'accepter avec diplomatie qu'en effet il y a eu malentendu.

Tu comprends mieux?

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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

pairlapinpin a écrit :
samjna a écrit :Mais pour moi, l'incompréhension, c'est surtout les cas c) et d) qui peuvent engendrer de vrais beaux malentendus où à la limite il n'y personne pour dire et personne pour écouter. Et pourtant, ça parle et surtout ça dure.
c) et d) seraient pour toi des conditions nécessaires qui interdiraient que les autres cas dont a) et b) produisent des malentendus ?
Je reprends et je contextualise:

a) et b) sont des incompréhensions "simples", comme quand - pour prendre un exemple simple -, A dit quelque chose à B que B ne comprend pas parce que B ignore quelque chose auquel A se réfère implicitement en croyant que B est au courant. Mettons une scène d'un film.

- Le cas a) peut se résoudre "facilement": B est simplement ignorant. assez vite il se rend compte que quelque chose lui échappe ( ou bien A s'en rend compte et détaille plus son explication ). Et puis A et B finissent par trouver la cause de l'incompréhension, B va au cinéma et tout rentre dans l'ordre.
( la recherche peut quand même être fort longue, quand par exemple un prof se rend compte qu'un élève ne comprend pas quelque chose, mais ne sait pas les lacunes en cause )

- Le cas b), c''est par exemple quand y a un blocage idéologique. B ne veut pas comprendre car ce qu'il ignore, il veut aussi l'ignorer ( c'est l'ignorance crasse ) pour garder ses illusions, éviter les doutes, etc.
Il faudra peut-être le trainer au cinéma, mais ça va encore. S'il ne veut vraiment pas aller au cinéma, le malentendu s'est transformé en désaccord. B veut ne pas entendre ce que A veut lui lui expliquer.
( l'exemple type en politique, ce sont les refus de s'informer sur les crimes commis par son propre camp: ça commence en incompréhension "honnête" et ça se continue en mauvaise volonté, il ne s'agit plus alors d'un malentendu ni d'une incompréhension de base )

- c) est plus délicat... car si B - ce qui n'est pas gagné - se retrouve au cinéma, il a de plus un handicap qui l'empêche de voir, ou d'entendre en tout ou en partie. C'est pas seulement quelque chose qu'il ne sait pas ou ne veut pas savoir, mais quelque chose qu'il ne peut pas savoir pour le moment au moins. Il a un angle aveugle d'origine a priori inconnue.
( et ça peut être fort long d'arranger ça quand c'est possible, même si A et B savent que B ne comprend pas quelque chose. C'est comme quand faut attendre qu'un enfant grandisse... Et j'ai parfois mis des années à grandir et parfois(?) j'attends encore )

- Le cas d) c'est quand B ne se rend pas compte qu'il ne comprend pas, ou/et que A ne se rend pas compte que B ne comprend pas ou/et que A et B ne peuvent envisager ce genre d'incompréhension et le malentendu qui peut s'ensuivre ( c'est pour ça que j'avais dit qu'il faudrait faire des sous-cas mais ça peut être très long et très technique ).
( Du coup, ils ne peuvent pas avoir l'idée qu'il y a un ou des malentendus à l'origine des désaccords qui vont bien finir par surgir. Là, il faudra éventuellement un observateur extérieur pour dire le malentendu et se ramener au cas c) avec A, B ou A et B pour tenter de leur faire voir ce qu'est l'incompréhension, le malentendu et comment l'un peut découler de l'autre.
Dit autrement, il va falloir au moins qu'il évoluent au sens d'un auteur comme Dabrowski. C'est mal barré)

******
Selon moi, le malentendu n'est pas l'incompréhension. L'incompréhension est basiquement un phénomène individuel même quand elle a des "causes" extérieures comme une éducation, une idéologie, un mensonge, une mauvaise communication, qu'elle est "répandue", etc et bien que parfois, je ne puisse l'envisager que par rapport à quelqu'un qui aurait lui compris, et sans lequel je ne la saurais pas. ( faudrait quand même un smiley grosse difficulté ici )
Tandis que le malentendu est un phénomène qui se produit entre plusieurs personnes, bien que là aussi, on puisse poser qu'il puisse n'exister que si quelqu'un le désigne.
Je vais continuer avec le réalisme pour dire qu'il existe, même en dehors des remarques de PointBlanc sur l'emploi diplomatique du mot - auxquelles je souscris.

De mon coté, je proposais le maintien diplomatique du malentendu pour éviter l'affrontement du désaccord exposé. On pourrait peut-être même parfois parler dans ce cas d'un "désaccord froid". L'"entente" consistant à ne pas explorer là où il pourrait y avoir quelque chose qui fâche, de telle sorte que plus rien ne soit possible, voire que rien n'ait jamais été (été).
Et dans ce cas, ça suppose que les parties soient au courant que l'incompréhension existe mais que délibérément, tacitement, ils préfèrent ne pas risquer d'aller voir et risquer qu'il puisse rester un malentendu dont ils ignorent l'origine exacte et l'ampleur qu'il prend.
Pour la volonté, c'est compliqué parce que le malentendu "originaire" n'est pas volontaire, mais le fait de le laisser se développer peut l'être.
( Un peu comme ces règlements de conflits qui n'abordent pas les causes du dernier conflit pour ne pas remettre en cause la possibilité des négociations et recommencer immédiatement la guerre qui recommencera plus tard)

C'est amusant que PointBlanc propose un usage incorrect du mot, un faux "malentendu" pour régler diplomatiquement un vrai désaccord avec un ou des coupables, et que j'envisage de préférer diplomatiquement des désaccords secondaires pour éviter de se confronter au vrai malentendu - sans coupable - qui les provoque.

Pour moi, le problème vient que dans les cas c) et d), les parties peuvent ne pas savoir qu'il sont dans un malentendu mais un observateur extérieur plus ou moins omniscient le verra fort bien comme le remarquait Euthyphron.
La difficulté pour A et B, c'est de se rendre compte de l'incompréhension et d'un malentendu possible et pour ça, ils ont besoin d'accepter que ça puisse leur arriver et de l'envisager en situation. Ce n'est pas gagné, même s'il en sont capables, parce qu'on n'y pense pas toujours surtout si les gens commencent à être fâchés pour une raison secondaire et que l'envie de communiquer se dégrade à mesure.

Les cas a) et b) sont déjà très bien, mais les cas c) et d) peuvent empêcher même que les mots incompréhension ou malentendu puissent être prononcés ou même envisagés si les concepts manquent. Et quand ils peuvent l'être comme dans le cas c), la recherche pour seulement cerner l'incompréhension peut être très difficile sans même parler de la lever. Ca serait un autre sujet.

***********

Si je dois esquisser une définition pour le malentendu, je pense qu'il faut faire au minimum un tour de piste:
A attend quelque chose de B. B ne comprend pas et A ne se rend pas compte que B n'a pas compris

Il se peut que B ne comprenne pas qu'il n'a pas compris parce qu'il a compris de travers autre chose.
Il se peut aussi qu'il le sente mais qu'il ne puisse l'exprimer de façon que A comprenne que B ne comprend pas. Il se peut aussi que B veuille dissimuler qu'il n'a pas compris, ou bien qu'il ne le dise pas en espérant comprendre plus tard, etc etc.
B peut aussi se mettre à attendre de son coté des choses de A... en fonction de ce qu'il a compris de travers et qu'on ne sache plus qui à commencé à attendre à partir de quelles promesses. Etc...
Parfois avec le mot quiproquo, y a le mot imbroglio.
pairlapinpin a écrit :Le malentendu il vient d'où exactement ?
A ce stade, je n'ai pas de réponse et je doute que le malentendu soit un bloc unique avec une cause unique. En fait, le vocabulaire ne semble pas très riche ni très nuancé et les définitions se recouvrent au petit bonheur la chance. A moins de prendre des mots existants et de leur donner une définition particulière pour cet usage et poser des nuances avec...

Mais je pense depuis le début à regarder les structures possibles du "nous" dans le malentendu, ou tout au moins dans des situations qui me semblent relever de ce mot. Divers points peuvent se combiner ou se renforcer et pour prendre un exemple à peine farfelu:

B a un point aveugle et il ne peut comprendre que p existe. Or A lui parle de p. B ne comprends pas et en plus il croit dur comme fer à une idéologie I dans laquelle p n'existe pas. Du coup il ne veut pas même pas aller au cinéma que lui propose A.
B croit qu'il comprend tout - sinon il n'est plus qu'une merde plongé dans l'angoisse ( en particulier sous le regard de A qui l'anéantit ). C'est peut-être pour ça qu'il est devenu adepte de l'idéologie I qui lui évite de se confronter à l'existence de p.
Par bonheur durable, A est amoureux de B et ne peut admettre que son chéri soit aussi idiot. Pour lui si B ne comprend pas p, c'est qu'il ne veut pas le comprendre et donc que le chéri a de la mauvaise volonté ( ce qui est plus acceptable pour lui ) et beaucoup de caractère ( ce qu'il admire ).
Et bien sûr, aucun des deux n'a le mot "incompréhension" pour p, car ils s'aiment et quand on s'aime, on se comprend ou alors c'est qu'on ne s'aime pas. D'ailleurs A s'exprime parfaitement et B comprend tout. B est fier de ses qualités d'écoute et A l'admire pour cela puisqu'il a (enfin) trouvé quelqu'un capable d'apprécier la clarté de son discours que B admire également. Mais A ne lui parlera plus de l'idéologie I', qui tient une grande place dans sa vie, vu que p est central dedans...

Alors, on ne parle plus de p pour ne pas créer un désaccord. Et il faut espérer que le point aveugle de B ne touche pas trop de domaines et qu'il a par ailleurs suffisamment compris de choses pour ne pas être confronté à d'autres incompréhensions. Ce que A évitera de provoquer.
Probablement qu'on parlera de moins en moins de choses au fur et à mesure que tout pourra devenir désaccord ou que tout l'aura été. Ce qui pourra apparaitre à un observateur au bout d'un gosse ou deux, c'est une panne de la communication. Et ce ne sera pas faux non plus...

*****
Un autre cas assez simple où je ne sais pas quel mot appliquer mais "malentendu" me semble convenir:

A travaille pour B et estime qu'il travaille très bien et qu'il mérite des compliments de B. B ne lui fait pas de compliment un peu parce qu'il estime que ça serait comme caresser un chien et ce n'est pas son genre et qu'il estime que le travail bien fait suffit à rendre heureux.
A ne peut pas demander à B de lui faire des compliments parce que ceux-ci ne viendraient plus du coeur et de la liberté de B. Tout ce qu'il peut faire, c'est de travailler plus fort en présence de B en se mettant à faire la gueule. B augmente A qui démissionne 3 mois plus tard au grand soulagement de B qui commençait à en avoir marre de voir son employé lui faire la gueule.

Je trouve ce genre de cas intéressant parce que ce n'est pas directement un problème de communication. Il y a aussi des implicites différents. A ne veut pas demander explicitement des compliments qu'il ne ressentirait alors pas comme sincères. B ne fait pas de compliment pour ne pas manipuler A.
Une solution peut pourtant venir de l'extérieur si quelqu'un vient expliquer à B ce qui se passe et à quel point c'est important pour A.
Je ne sais pas s'il faut parler de malentendu puisque rien n'a été dit... Peut-être juste de malattendu.

********

C'est pour ça que je me suis demandé s'il n'y avait pas certains "nous" du malentendu qui le favorisent. Il y a en permanence des incompréhensions et si on les considérait comme des malentendus, on n'aurait plus que ça. Souvent, les "points de réalité" partagés sont suffisant pour rectifier les défauts de la communication ( par exemple, si A dit " tu ramèneras une ihrezbv jhrfbajhref ...anger", B ramène bien de chez le boulanger la baguette habituelle que A attends ).
Par contre, si on sort de la routine, ou quand il s'agit de vision du monde avec des agencements plus complexes ou abstraits, ou simplement à partir d'implicites différents, là des incompréhensions négligeables en apparence peuvent provoquer des malentendus très difficile à voir et à régler. Le diable est caché dans les détails.
Je me dis qu'une bonne condition pour produire un malentendu, c'est d'oublier cette incompréhension universelle dont parlait Euthyphron. Parfois elle n'a jamais été sue, et parfois bien que sue, elle n'a pas été comprise.
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samjna
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par samjna »

pairlapinpin a écrit : Je suis largué. Un exemple ?
Du genre, je suis blanc, je suis élevé chez les noirs, je suis aveugle, je n'arrive pas à percevoir ma différence, personne ne m'a rien dit, et le jour où je la découvrirai, je comprendrai des réactions qui m'avaient échappées jusqu'ici, et je m'apercevrai alors que j'avais vécu dans un gros malentendu ?
J'ai un copain qui a appris vers 20 ans qu'il était un enfant adopté. Le problème, c'est qu'il avait été le seul à ne pas le savoir dans une famille relativement nombreuse. Ca a contribué à lui rendre la vie intéressante et lui a procuré de nombreux sujets de réflexion.

Je ne parlerais pas de malentendu pour ça. Il y a un non-dit puis les conséquences de l'ignorance qui en découle, et le maintien du non-dit comme pour ton exemple. C'est clair que ça peut entrainer de nombreux effets secondaires, dont des incompréhensions et des malentendus. Là, on est dans le cas c) de l'objet manquant inaccessible - si personne n'en parle - car inimaginable. Objet qui est peut être nécessaire pour relier les autres éléments d'une réalité qui peut tomber en miette sans lui.... Ou avec lui s'il arrive mal.
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Algernon
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Algernon »

Excusez moi j'arrive un peu comme un cheveu dans la soupe mais :

Est-ce que vous ne pensez pas que la conversion, l'émulation, le traitement de données informatique est une sorte de modélisation parfaite de l'échange organique ?

Je n'ai aucune formation là dessus mais j'ai dans l'idée que le malentendu est le simple résultat d'un traitement d'information individualisé et donc variable. Une espèce de marge de différenciation dans un panel large de milliards de sélections différentes.

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

Algernon, je pense que ça serait intéressant que tu fasses un rapide exercice de vulgarisation :)

Algernon
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Algernon »

Pardon.

Un fichier mp3 par exemple, convertible, transmissible d'un référent à un autre sans altération. Si cette opération est réalisable c'est parce que le traitement du fichier est en quelque sorte "essentialisé", on n'a retenu que les filtres et les taches les plus efficaces pour qu'il puisse être convertible dans son état d'origine.

Maintenant prenons un référent humain. N'est-ce pas que parce que notre mode de sélection de pensée est individualisé que l'information ne peut retrouver sa forme d'origine une fois le traitement sélectif de l'individu A qui envoie son information à la personne B qui elle même filtre et interprète l'information suivant une sélection propre. Ainsi "un malentendu" ne serait pas vraiment un malentendu mais simplement la résultante d'une sélection personnalisée.

Je joue avec des concepts dont je n'ai aucune expertise, pardon pour la confusion.

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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

Non ça y ressemble, particulièrement les a) b) c) et d) de samjna je pense, il y a des liens à faire.
Chacun des niveaux qu'il propose serait un exemple de classe de lignes de codes préprogrammées dans chaque individu, pris alors comme un programme capable de lire des informations qui ne sont pas forcément encodées pour lui. D'où incompréhension (bug).
Disons que valider cette idée ramène à la question de l'intelligence artificielle et de ce qu'il est possible ou pas d'imiter du fonctionnement d'un être humain. A mon sens on peut aller très très loin, mais les connaissances en psychologie et la puissance des ordinateurs (et la complexité des codes à créer) se posent encore comme limites à la création d'une IA.

Et il faudrait en plus doter cette IA d'une sorte de simulation de psychologies parallèles pour lui permettre de comprendre et communiquer avec les autres.

Enfin, il y a des éléments à penser mais on est dans de la SF du coup pour l'instant. :)

Myst

Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Myst »

Bonjour,

(Je déterre le sujet, mais je viens d'arriver, et je me balade au hasard des topics. Ceci sera mon tout premier message. Après la présentation, bien sûr)

Je ne suis pas sûre d'être bien dans le sujet du malentendu, mais d'un point de vue pragmatique,
► Afficher le texte
Bref, d'un point de vue pragmatique, il semblerait qu'un malentendu arrive très facilement quand deux personnes qui tentent de communiquer n'utilisent pas les mêmes codes de communications.

En fait, chaque personne serait comme un univers rempli de thématiques différentes, et de codes de communications différents; chaque personne réserverait certaines thématiques pour une communication directe, d'autres thématiques relèveraient encore pour elles de la communication dite indirecte, et d'autres thématiques relèveraient encore du tabou absolu. Cela vient du fait que les individus ne placent pas exactement au même endroit les limites des sphères intimes, personnelles, sociales, et publiques. Par ailleurs, les communications directes et indirectes sont corrélées à une vitesse de communication rapide ou lente. (exemple de message rapide: publicité, exemple de message lent: poésie ou littérature)

Mais en dehors d'un langage direct ou indirect, rapide ou lent, les codes de communication sont en outre caractérisés par une haute ou une basse contextualité, une conception du temps monochrone ou polychrone, des différences de perception des temps d'attente, de réalisation, et de réaction...
► Afficher le texte
Les malentendus ou les crispations arrivent quand on communique avec une personne d'une façon à laquelle elle ne s'attend pas. Par exemple, il est très facile de heurter un individu disposé à recevoir un message indirect, en communiquant avec lui de façon directe. Mais inversement, il est aussi très facile de heurter quelqu'un disposé à recevoir un message direct, en communiquant avec lui de façon indirecte.

Par ailleurs, une personne pensant communiquer dans un contexte de haute contextualité, confrontée à une autre personne pensant communiquer dans un contexte de basse contextualité, trouvera l'autre inutilement bavard, et minutieux, tandis que lui-même pourra être considéré comme non-coopératif.

Quand on ne comprend pas la perception des temps d'attentes et de réactions chez quelqu'un, on peut penser après par exemple une offense, que puisque rien n'arrive ouvertement, c'est que la personne est passée à autre chose, alors que certaines personnes peuvent réfléchir très longuement avant de décider de réagir à un problème.

Par ailleurs, il y a le problème de l'implicite. Quand un français demande à un collègue, dans un contexte de travail: "Seras tu là demain soir pour m'aider à boucler ce dossier ?" Si ce collègue est un autre français, et qu'il lui répond: "Oui, je pense que je serais là" cela signifie généralement que la personne sera là, faute de quoi, elle préviendra. Mais si ce collègue est un japonais pas très au fait de la culture française, et qu'il répond: "Oui, je pense que je serais là" cela signifie généralement que la personne ne sera pas là. En effet, les japonais disent non de façon indirecte, pas directe, et sont donc beaucoup plus attentifs à l'implicite, et aux signaux d'hésitation que les français. On voit donc comment les malentendus arrivent... Les évidences des uns ne sont pas les évidences des autres. Le sens de "presque" ou "peut-être" n'est pas le même pour tout le monde. La probabilité que quelqu'un fasse ce qu'il dit, après l'avoir dit, dépend beaucoup du contexte culturel...

Que vous inspire le point de vue linguistique sur les malentendus ?

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Chacoucas
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Re: Le malentendu : tentative de philosophie collective

Message par Chacoucas »

Que vous inspire le point de vue linguistique sur les malentendus ?
Le potentiel semble de répondre à la plupart des questionnements. Mais de n'offrir aucune solution (dans quelle mesure et conditions peut on débattre sans rester dans un malentendu et ne pas forcément rester sur nos positions?).
C'est une question: quelles solutions? Ou bien le débat est il un truc dépassé, simplement, inaccessible surtout quand les gens n'ont pas fait un travail permettant de partager le maximum de codes et repères?

Parfois c'est ce qu'il me semble: que la dimension didactique du débat (et un certain plaisir lié au théâtre et à l'interprétation, au texte, à la personnification d'idées) est la moins illusoire.
Ou on en revient à l'idée d'un combat dialectique que je n'arrive pas à bien apprécier.

Edit: il y a aussi un très joli exemple de débat sur le malentendu qui enchaine divers malentendus ici: http://adulte-surdoue.fr/philosophie/cr ... malentendu

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